Cette exposition ne prétend pas résoudre les problèmes que traînent les arts plastiques en Tunisie depuis plus d'un demi-siècle, mais elle constitue sans aucun doute un prélude à une étude des grands dossiers pour la nouvelle année qui sera décrétée année nationale des arts plastiques Nombreux sont les plasticiens, galeristes, esthètes et autres collectionneurs et amateurs d'art à avoir, maintes fois, réclamé la mise au jour des œuvres acquises par la commission d'achat du ministère de la Culture; une commission, créée en 1989, qui a fait tant parler d'elle surtout pour des dépassements, une partialité et bien entendu des dossiers de corruption qu'elle traîne depuis le temps de Ben Ali. L'artiste Ahmed Zelfani, à titre d'exemple, que nous avons interviewé il y a quelques mois, reproche à la commission son manque d'autonomie et d'objectivité qui font que longtemps, ses membres ont jonglé avec les prix selon les affinités et les intérêts. Pourtant, une nouvelle composition de cette commission a été installée après le 14 janvier, qui a promis, révolution oblige, monts et merveilles, se prévalant d'une certaine impartialité et d'une politique réformiste. «Après plus de 20 ans de désordre organisé, nous ne pouvons revenir facilement à l'ordre. D'ailleurs, actuellement c'est tout bonnement la pagaille. Aussi, la commission gagnerait-elle à être enrichie par la présence de personnes qui ne sont pas protagonistes des arts plastiques et qui auront le recul nécessaire et surtout davantage d'objectivité», ajoute encore Zelfani. Et il faut nous rendre à l'évidence que l'actuelle commission aussi ne fait pas que des heureux. Mais voilà qu'un premier pas est franchi dans cette volonté de dévoiler une part de la pratique artistique tunisienne, de ce qui relève de la mémoire collective et du patrimoine. Aussi, a-t-on choisi de ramener au grand public des œuvres acquises cette année et de les réunir dans une exposition intitulée Panoram'art 2012, lancée le 28 novembre dernier et qui prendra fin ce vendredi. L'exposition propose une collection non exhaustive qui rassemble les œuvres de différentes générations de plasticiens, avec diverses thématiques et techniques qui allient peinture, dessin, gravure, céramique, sculpture, photographie et quelques dessins de presse et caricatures, le tout réparti entre le Palais Kheïreddine, les centres culturels Tahar-Haddad (photographies) et Bir Lahjar (sculptures) et la maison des associations culturelles El Aachouria. Un rendez-vous qui rend hommage au peintre Hédi Turki et qui se veut une nouvelle tradition rééditable, espérons-le, chaque année avec de nouvelles thématiques. L'idée principale et primordiale à travers ce genre d'exposition-archive, qui s'est fait attendre, est de rendre compte aux Tunisiens des acquisitions publiques, de faire un état des lieux et de dresser une cartographie des différentes pratiques artistiques tunisiennes, de confronter les expériences et les approches et de constituer une référence et une matière pour les esthètes, les universitaires et les critiques d'art, un support- image pour les étudiants en art et une mémoire vivante pour les citoyens. «Cette exposition ne prétend pas résoudre les problèmes que traînent les arts plastiques en Tunisie depuis plus d'un demi-siècle, mais elle constitue sans aucun doute un prélude à une étude des grands dossiers pour la nouvelle année qui sera décrétée année nationale des arts plastiques», écrit le ministre de la Culture, dans l'édito du catalogue de Panoram'art. Que de belles promesses que l'on n'espère pas uniquement de circonstance. Et en parlant de grands dossiers, il serait temps de parler des anciennes acquisitions mal conservées, bouffées par les termites et défigurées par l'humidité. Il serait temps également d'installer une vraie politique de restauration et de conservation des œuvres, de penser à mettre en place un musée de référence qui saura abriter notre legs artistique. Il est temps surtout d'être plus dans l'actualité et de se positionner par rapport à ce qui se passe aujourd'hui sur la scène artistique, sur le procès des deux jeunes graffeurs du groupe Zwewla qui passent devant le tribunal et sur le devenir du street art et du graffiti sous nos cieux, d'une manière générale. Le graffiti n'a jamais été un crime; qu'on laisse alors parler nos murs.