Je reste au ST Ça fait plaisir d'être l'objet du désir Il est important que Derouiche soit en position de force Oui, je suis cassant Avec Khemir, Akrout et Alves, on aurait pu remporter le titre «Quand je rencontre des collègues étrangers, je suis toujours étonné par le fait qu'ils parlent volontiers du beau temps, de la plage et de la bonne bouffe en Tunisie et si peu du football…» Que Patrick Liewig nous en excuse, mais il s'agit là de la seule phrase «off» que nous nous permettrons de balancer. Il n'y aura pas d'autres «fuites» car l'homme ne mérite sûrement pas d'avoir des ennemis. Du moins pas des collègues censés exercer le même métier que lui, qui débarquent chez nous, repartent et reviennent avec du soleil plein la tête, pas de véritable projet et qui ne laissent que le vide derrière eux. Fini le temps des Kristic, Fabio, André Gérard, Pazmandy, Nagy et d'autres encore. Patrick Liewig, lui, est porteur d'un projet comme on n'en fait plus en Tunisie. Un projet qu'il se bat pour mener à bien au Stade Tunisien, qui a séduit l'Etoile et Hamed Kamoun au point de… Mais commençons plutôt par le commencement. Alors, vous restez ou vous partez ? Et pourquoi ne pas l'avoir clairement annoncé? Je reste pour la simple raison que j'ai un profond respect pour mes dirigeants. Pas tous, je tiens à le préciser, mais c'est le cas pour mes interlocuteurs directs tels MM. Derouiche, Ennaïfer et Guiga. Avec ces gens-là, j'ai toujours eu un discours transparent. Maintenant, il y a eu au ST des événements lors de la dernière reprise du championnat qui m'ont profondément meurtri pour avoir touché à mon intégrité morale et mes convictions profondes. C'est peut-être ce qui aurait pu me faire quitter le club, et ce, en dépit des relations privilégiées dont je vous parlais. Vous m'excuserez de ne pas rentrer dans les détails mais ceux concernés par la vie et la marche du club le savent. A ce propos, j'ai eu il y a quinze jours une réunion avec mes principaux interlocuteurs et j'ai été très clair là-dessus : je continue au Stade Tunisien mais il ne faut pas banaliser certaines choses. Choses qui ont du reste influé négativement sur notre fin de saison. Quand on vous écoute dire tout cela, on a presqu'envie de vous poser la question suivante : vous restez au ST par obligation contractuelle ou alors par envie et conviction ? Aucune ambiguïté sur ce plan : j'ai un contrat de trois ans au ST qui n'est pas à proprement dit un contrat-type qu'on voit normalement déposé à la Fédération. C'est moi qui l'ait voulu et conçu en y définissant mes missions, mes fonctions, mes objectifs, et mes responsabilités au sein du club. C'est un contrat d'entraîneur-manager. De ce fait, je me mets à la disposition du club, mais je suis au même titre le décideur pour le staff technique. De A à Z. Avec évidemment, l'aval de mon président. Cela, sachant qu'un contrat ça se respecte. Réciproquement, c'est un contrat qui comprend des responsabilités de l'entraîneur qui ne peut toutefois exercer ses fonctions s'il y a ingérence. Sachez, par ailleurs, qu'en signant pour un bail de trois ans, je me suis délibérément auto-bloqué. Cela pour vous dire que je suis honnête et que je suis parti sur un projet avec le Stade Tunisien. Dernière précision : il n'y a pas de clause libératoire dans mon contrat. C'est vous dire… Soit, mais être l'objet du désir de l'Etoile ou d'un autre grand club, c'est tout de même tentant. Vous n'avez pas été tenté ? Pourquoi le cacher, être l'objet du désir est tentant sur le double plan humain et professionnel. J'ajouterai même qu'être sollicité par l'Etoile, l'EST ou le CA, c'est super flatteur. Par ailleurs, il est tout à fait normal que j'ai des relations avec d'autres personnalités du football tunisien. Je ne suis pas là pour vivre en vase clos. Et si l'on parle avec d'autres personnes, d'autres clubs, cela ne veut pas forcément dire qu'il y a négociations. On peut parler de ce qu'on fait pour faire avancer les choses. Il est important que les clubs travaillent bien. Il n'y a pas de secret : si le football tunisien devrait progresser, ce sera grâce à ce qui se fait dans les clubs. Moi, en tout cas, j'ai besoin de faire la connaissance d'autres personnes qui construisent dans mon domaine qui est le football. Avec l'Etoile, j'ai déjà parlé avant le mercato d'hiver. Maintenant, il faut être honnête : j'ai rencontré Hamed Kammoun. Nous y voilà ! Ça s'est passé quand, la première fois ? Il y a environ un mois. A ce propos, je tiens à préciser qu'il n'y a pas eu de négociations mais une simple discussion sur son projet concernant l'Etoile. Vous trouverez normal que, par exemple, le président de Lyon présente un projet sportif à l'entraîneur de Lens ? Ça prête tout de même à équivoque… C'est toujours intéressant de découvrir et de discuter d'un projet sportif avec des personnes nouvellement débarquées dans un club. Mes dirigeants étaient au courant de cette rencontre. Point barre. Je le répète : il n'y a jamais eu de négociations. Pour en revenir au projet de l'Etoile, je pense qu'il est bon et qu'il devrait leur permettre de revenir au top, et ce, quel que soit l'entraîneur. Il y a eu une seconde rencontre avec Kammoun il y a une semaine (précision : la famille de Patrick vit à Sousse). Maintenant, laissez-moi vous dire quelque chose : même si Kammoun et l'Etoile se proposaient de racheter mes deux ans de contrat, je n'aurais pas accepté. Il y a trois ans quand j'étais à l'ASEC, j'avais également décliné une offre de l'Espérance. Cela ne m'empêche pas de comprendre les entraîneurs qui plient tout le temps bagages car il se passe parfois des choses bizarres dans les clubs et qu'un entraîneur qui gagne se met paradoxalement en danger. Justement, on dit de vous que vous êtes l'homme d'un projet et, pour un passionné, le ST ce n'est pas mal du tout : un chantier intéressant et un président de club qui vous offre pratiquement les clés de la maison. Ce que vous dites est vrai même si, au départ, j'étais malgré moi dans la continuité de ce qui s'est fait avant moi. Je n'étais pas derrière les recrutements, je n'avais pas choisi le staff technique et la structure médicale était déjà en place. J'aurais de ce fait davantage de visibilité pour la seconde saison. J'ai réalisé une sorte d'audit. Attention, il n'y aura pas de révolution mais une amélioration tant au niveau du staff technique que médical. Des précisions? Commençons par le staff technique. Walid qui mérite d'entraîner un club de première division ne sera plus là. Il y aura deux adjoints dont un véritable préparateur physique. Le second sera Adel Zouita qui entraînera en même temps les gardiens et qui a une excellente connaissance des joueurs et du foot tunisien. Concernant le staff médical, on avait déjà entamé la restructuration autour du Dr Mekki lors de la saison qui vient de s'achever. Car, si on veut être vraiment performants, un bon staff médical s'impose. Il y aura un kiné à temps plein et d'autres avec lui. Justement, on vous a vu un peu partout cette saison au ST. Vous vous êtes même occupé des terrains. C'est votre conception du boulot ou alors vous vous êtes un peu retrouvé à remplir des vides? Enfin, vos exigences sont-elles dans les moyens d'un club comme le Stade Tunisien? Je vous ai bien précisé au départ que je ne suis pas là pour être uniquement l'entraîneur. Je suis également là pour structurer le club avec pour atouts la visibilité actuelle et des gens sur lesquels moi-même et le club pouvons compter. Si c'est dans les moyens du Stade Tunisien? Oui, avec toutefois, une constante essentielle : le président doit rester et être fort au sein du club entouré d'un noyau dur avec la volonté d'aller au bout du projet. Avouez tout de même que la tâche s'est avérée un peu plus compliquée que prévue avec notamment des insuffisances à tous les niveaux… Quand vous débarquez, vous travaillez sur vos convictions et avec l'ambition d'améliorer les choses. Ma priorité a été d'instaurer une vie de club, ce qui n'était pas possible avec les entraînements à Radès où nous étions des nomades. Les joueurs qui ne voulaient pas se confronter aux supporters étaient réticents au départ mais ils ont fini par adhérer. Outre l'aménagement d'un terrain réservé aux seniors, il fallait restaurer le département médical et installer une salle de musculation, même à petite échelle. Bref, vivre au Bardo est essentiel à mes yeux pour consolider le groupe et l'esprit d'appartenance au Stade Tunisien. En vous entendant parler ainsi, c'est comme si les choses se sont mises sur place naturellement… Le danger, c'est de vous épuiser à force de dépenser votre énergie. Mais avec mes convictions et l'appui de mes collaborateurs importants, nous sommes parvenus à gagner du temps sur tout ce qui est extra-sportif. Le projet Stade Tunisien passe par là. Il passe par un président fort et avec qui je partage la même philosophie. Il vous faudra des moyens… Oui. Il nous faudra par exemple recruter même si je ne me suis jamais plaint sur ce plan car j'ai un profond respect pour les joueurs déjà en place. Vous êtes dans la lignée d'une tradition française qui n'existe plus tellement, celle des entraîneurs-formateurs. On demande d'ailleurs si l'école française existe encore vraiment? Je peux parler de ma génération où nous avions tous été formateurs. Avec Houiller, le directeur technique de la FFF, les choses ont un peu changé. En bien, je pense. Le moule est toujours là au niveau de la formation des cadres et de la mentalité. Mais le style de jeu, c'est avant tout la sensibilité des personnes. Et puis, il voit ailleurs. Comme à Torino où il y a la meilleure école de football de jeunes en Italie sans forcément de grands moyens. Houiller s'est ouvert à d'autres écoles, envoyé des entraîneurs français voir l'étranger avec à l'arrivée une synthèse pour une méthode de travail. Pour en revenir au ST et aux jeunes, nous aussi nous formons des jeunes avec des moyens rudimentaires. Votre fin de saison a été tout de même bizarre, frustrante… C'est une œuvre inachevée faute de concertation et de finition. Je suis très déçu par rapport au projet mis en place pour la phase retour. Comme j'ai été fou de rage de la tournure des événements lors du stage de Catania en Italie. Deux rencontres face à un club de première division italienne nous auraient fait aborder nos matches face à l'Etoile et l'Espérance avec une toute autre mentalité. Il fallait nous donner les moyens de terminer à la 3e place et cela n'a pas été fait. On a vu parfois un Stade Tunisien trop attentiste au niveau du jeu, qui sacrifiait pratiquement la première mi-temps... Etre troisième nous avait permis de jouer un football plus offensif alors que le Brésilien Alves m'a déçu au niveau de l'efficacité lors de la deuxième phase où nous nous sommes tout de même créé plus d'occasions de but. Pourquoi le cacher, il y a eu des erreurs, pas toutes de notre ressort. Laisser partir Khemir n'était pas opportun même si le club l'a fait pour de l'argent et que le joueur n'est pas parvenu à entrer dans mes plans. Avec ce dernier, Akrout et Alvez, on aurait peut-être pu remporter le championnat. Jedidi, lui, avait besoin d'être mis en confiance par rapport à sa situation matérielle. Il va falloir résoudre ce genre de problème pour passer au jeu. Je reste au ST avec cette assurance de la part de ses dirigeants. Parlons d'autres choses, on vous accuse d'être un peu cassant. Et ce n'est pas uniquement l'avis de vos détracteurs… J'ai des convictions et l'envie de mettre les choses en place pour que le Stade Tunisien se place dans le haut niveau. Pour ce faire, il faut être cassant et ce n'est pas à mon âge que je vais m'améliorer. Je le fais pour le bien du club car il y a ceux qui agissent et ceux qui parlent. J'aurais été un entraîneur-mercenaire, j'aurais composé avec certaines choses et certaines personnes. Or, je suis un formateur.