On finit par s'y habituer. A force de parler de remaniement ministériel, certains responsables politiques en viennent à oublier l'essentiel : l'urgence du remaniement proprement dit. Or, ledit remaniement a été, en quelque sorte, imposé par la crise grave liée aux événements de Siliana. Sitôt l'accalmie obtenue, certains responsables sont revenus au ronron habituel, évoquant comme avant le remaniement du bout des lèvres. Et en lieu et place de l'empressement dans la conception de la nouvelle équipe, la guerre de position a repris de plus belle. Que dis-je, une véritable guerre de tranchées. Viciée de surcroît. Pourtant, le syndrome de Siliana guette ailleurs. La révolte gronde dans le Kasserinois. Mais aussi à Gafsa, véritable berceau de la révolution, dès 2008. N'empêche, chassez le naturel, il revient au galop. Et le naturel de nos politiciens et apparentés c'est le calcul de boutiquier, la combine, l'esprit revanchard. Le degré zéro virgule cinq de la politique, en somme. Certains élus d'Ennahdha à l'Assemblée constituante ont une mémoire vive, particulièrement alerte. Ils gardent un triste souvenir des propos du président Marzouki au lendemain de l'embrasement à Siliana. Il avait alors préconisé la démission du gouvernement et la formation d'un cabinet restreint de compétences. Ennahdha avait alors menacé de le démettre de la charge présidentielle en bonne et due forme. Les propos non feints d'alors sont tombés, mais le sentiment d'outrage demeure vivace. Alors la politique est encore descendue d'un cran. L'on s'avise, de part et d'autre, de régler les différends comme jadis dans les quartiers populaires. A la bonne franquette. Chaque partie avance ses pions sur l'échiquier. Objectif, mater l'adversaire qui a pris le relais du protagoniste. On ne compte plus les entreprises assassines et les coups fourrés. Passe encore pour les charges feutrées et larvées dans les coulisses. L'antichambre du pouvoir est souvent poisseuse, gluante et visqueuse. Les débats sur la loi de finances pour 2013 à l'Assemblée offrirent à Ennahdha un plateau de choix. La vengeance dit-on, est un plat qui se mange froid. De nombreux élus d'Ennahdha ne votèrent donc pas le budget de la présidence de la République. Objectif : Redimensionner le titulaire de la magistrature suprême en premier lieu ; empêcher le président de disposer d'un pactole pour sa prochaine campagne électorale aussi. Certaines langues vont même jusqu'à dire que ladite campagne a déjà commencé. Le président se rend de plus en plus souvent dans les régions. Ce qui constitue un véritable cauchemar pour le parti islamiste. Et le chef de l'Etat a réussi la prouesse, il y a quelques mois, à Redeyef, là où aucun haut responsable tunisien n'a mis les pieds depuis 2008. La riposte de la présidence fut énergique. Adnane Mansar, porte-parole de la Présidence, a été catégorique. Il a estimé qu'en ne votant pas le budget de la présidence, l'Assemblée constituante se mettrait dans un grand guêpier. Une mise en garde à peine voilée. Corroborée par la menace de la promulgation de la loi de finances par le seul président de la République. Finalement, on a trouvé un modus vivendi à même de sauver la face de tous les protagonistes. Même si la présidence engrange, encore une fois, quelques gains ostensibles sur l'échiquier. Encore une fois, on a frôlé le pire. Et les déboires sont réciproquement répartis. Dans l'opinion, on grince des dents. Le bal des inimitiés recommence. Le chaudron de la discorde bout. La guerre larvée déborde ailleurs. De hauts responsables CPRistes enfoncent déjà le clou dans l'affaire de malversations et de mœurs attribuée au ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdesslalam. L'opposition rallie et unit, le pouvoir use et divise. Entre-temps, le remaniement ministériel traîne, encore une fois, dans les discours.