Par Soufiane Ben Farhat Etrange coïncidence. Le 9e congrès du mouvement Ennahdha prend fin le jour même où le mouvement Nida Tounès commence à distribuer ses cartes d'adhérents. Pour maints observateurs, ces deux mouvements sont appelés à jouer un rôle fondamental dans les échéances électorales à brève échéance. Ennahdha chapeaute déjà une Troïka gouvernementale qui n'en est plus une. Des dissensions, scissions et différends ainsi que la surprenante et rapide usure du pouvoir l'ont entamée. Déjà, le chef du gouvernement s'apprête à opérer un remaniement ministériel qui porte sur quatre ou cinq portefeuilles. En même temps, la Troïka est en quête d'un élargissement de ses alliances à d'autres sensibilités politiques. Nida Tounès (l'Appel de la Tunisie), lui, est un mouvement qui devrait, aux dires de certains observateurs, suppléer à l'inanité de l'opposition. Celle-ci est en effet largement frappée de sclérose. Tantôt fantasque, tantôt fantaisiste, tantôt déconnectée ou extravertie, elle n'arrive pas à faire le poids face à la Troïka. Ces derniers mois, plusieurs mouvances de l'opposition ont opéré un redéploiement au centre de l'échiquier politique. Cela semble être la quintessence des enseignements tirés de la cuisante défaite des élections de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011. Le positionnement, d'accord. Encore faut-il avoir le programme mobilisateur, les cadres intermédiaires nécessaires et les chefs charismatiques appropriés. Or, cela manque à l'opposition. Elle est déployée en petits fiefs et chapelles. Au point de développer le syndrome de la secte traquée. De tous les redéploiements centristes, la naissance du mouvement-parti Nida Tounès semble avoir suscité bien des espoirs du côté de l'opposition. La personnalité charismatique de M. Béji Caïd Essebsi, Premier ministre de mars à octobre 2011, cimente cet édifice. Le cercle rapproché de ses collaborateurs ratisse large en registres d'identification dans les différentes sensibilités tant conservatrices que progressistes. Et cela s'avère bien étudié plutôt que fortuit ou le fruit de quelque hasard. En tout état de cause, en entérinant, à l'issue de son dernier congrès, le changement dans la continuité, le mouvement Ennahdha s'agrippe bec et ongles au pouvoir. Il daigne prendre en considération quelques évolutions récentes de l'échiquier politique national. Il constate la forte méfiance manifeste de la classe moyenne, notamment face à son laxisme et ses velléités d'alliance avec des mouvances de l'extrême droite religieuse. Il promet de s'ancrer dans le corpus de l'illustre héritage modéré et réformiste tunisien. Ce faisant, Ennahdha veut aller encore loin. Et prend soin de bien ménager sa monture. En face, les déboires de la Troïka semblent surtout profiter à la mouvance de Nida Tounès. Et l'on peut dire que, dès aujourd'hui, le décor est déjà campé pour les joutes à venir. Les hauts responsables troïkistes craignent le mouvement Nida Tounès. S'ils ne le concèdent pas ouvertement, leur comportement les trahit là-dessus. Nous en aurons un avant-goût lors du débat à l'Assemblée sur l'exclusion ou non des ex-responsables rcdéistes des prochaines échéances électorales. D'ailleurs, Nida Tounès n'a pas été convié officiellement au congrès d'Ennahdha, au motif qu'il ressemble au RCD, le parti dissous de Ben Ali. Parfois, les faits saillants de la saison politique à venir se profilent très tôt. En cette période de vacances et à la veille des farnientes du Ramadan et de l'Assemblée constituante, la couleur du clivage politique de la rentrée est déjà annoncée. Les protagonistes préparent déjà le ban et l'arrière-ban. Fourbissent leurs armes. Et n'en parlent guère ouvertement. Mais le positionnement tranché des uns et des autres est déjà dans l'air.