«Je me sens bien avec mon staff actuel» «Malgré la marginalisation, je garde toujours la même motivation» «Le retour en compétition? Ce sera vers février» «Ah! si j'avais commencé le haut niveau un peu plus tôt...» «Stabilité, endurance et confiance, ce sont les clés du succès» Parler avec Malek Jaziri est un pur plaisir. Le champion, l'homme que nous connaissons depuis qu'il avait 13 ans, n'a pas changé : disponible, humble et ouvert à toutes nos critiques (contrairement à ces pseudo-dirigeants du tennis qui règnent aujourd'hui). Certainement que 2012 s'est mal terminé pour lui avec un rang ATP peu conforme à ses potentialités, mais le joueur n'a pas l'air d'abdiquer ou d'en rester là. Il nous explique les raisons de ce recul, il expose avec nous ses ambitions pour la future saison et nous parle de Malek l'homme, pas l'athlète. Vous y trouverez assez d'éclaircissements sur toutes ces questions mais vous trouverez aussi la recette pour produire d'autres champions dans un sport aussi délicat. Espérons qu'il retrouvera ses sensations. Espérons également que les conditions iront pour le mieux et qu'on arrête cette gestion d'amateur des champions de tennis. Interview. Malek, vous terminez la saison 2012 sur une note pas très gaie. Après avoir flirté avec le top 60, vous régressez jusqu'à la 116e place. Les raisons? Le nombre de points à défendre, la méchante blessure dernièrement et mon absence en novembre m'ont valu, brièvement, ces places perdues au classement ATP. En fait, il y a deux grandes périodes dans la saison écoulée : l'avant-JO et l'après-JO. Si on regarde de près l'évolution des événements et mon comportement, on peut comprendre pourquoi je termine à la 116e place. Parlons un peu du boom au classement et puis de la régression... Dans la première moitié de la saison, il n'y avait pas un énorme capital points à défendre par rapport à 2011. Je jouais les challengers, mais aussi les Masters et les tournois du grand chelem et ça marchait fort. J'étais bien physiquement, et les points ATP tombaient telle une pluie. J'ai été très proche du très haut niveau, et les matches le prouvent. Puis après, la blessure, la saturation, la démotivation vous mènent sur de mauvaises voies. Le nombre de points était important à défendre par rapport à 2011, avec une blessure qui m'a obligé à bouder les tournois du mois d'octobre. Et puisque je suis dans un circuit impitoyable où il y a des joueurs tenaces et réguliers qui saisissent la moindre occasion pour monter au classement, je ne pouvais pas rester longtemps au top 100. «La demi-finale à Moscou...» Tantôt brillant face à de grands joueurs, tantôt prenable contre des joueurs qui vous sont inférieurs, à quoi cela est-il dû ? Par moments, je me suis démotivé par des conditions précaires, un désintéressement de la part de l'Etat et des médias, et cela use le joueur. Savez-vous que je n'ai pas eu de bourse olympique aux JO? Le budget est tellement moyen qu'il ne m'a pas permis de regarder seulement ce qui se passait sur le court. Du ministère à la FTT, j'ai dû perdre la motivation et la concentration faute de moyens que je méritais. On me dit à l'étranger que si j'étais dans un autre pays, les encouragements seraient différents. C'est pourquoi les résultats ne suivent pas. Mais malgré ce sentiment de marginalisation, je garde toujours la même motivation. La preuve, cette demi-finale à Moscou en octobre et ce tennis qui a plu à tout le monde. Je vous dis franchement que je me bats depuis des années seul contre la mauvaise fortune, contre la précarité des moyens et contre cette indifférence envers quelqu'un qui se donne à fond et qui brille à l'échelle mondiale. Et cette blessure, quand est-ce que ça se terminera? J'aurais pu jouer avec ce bobo de santé, mais en plein accord avec mon staff, je n'ai pas voulu prendre de risques. Une fois guéri, je reprendrai la compétition en février pour une préparation d'intersaison pleine. Je ne vais pas être à Doha ni à Melbourne. Comment ça marche avec votre staff actuel? N'avez-vous pas besoin d'un entraîneur étranger ou au contraire Farès Zaïer fait-il l'affaire? Je vous dis sans hésitation que je m'entends bien avec mon staff actuel, composé de Farès Zaïer et Seïf Ben Messaoud. On travaille en pleine harmonie, et en tant que joueur, je sens l'apport de ce staff tunisien. Je préfère un entraîneur motivé avec qui je m'entends qu'un entraîneur étranger qui coûte très cher (pas moins de 10.000 euros) qui s'évade après quelques mois. L'expérience montre que les entraîneurs de tennis étrangers ne réussissent pas : ils finissent par partir faute de moyens financiers. Vos plans pour 2013 : classement et tactique de jeu? J'ai une ambition énorme pour revenir au top 100, et je retrouverai mon top niveau en 2013. D'ici la coupe Davis, les jambes et les muscles prendront de l'énergie, les résultats vont devoir suivre pour une montée au classement. Je dois être honnête, pas de dates fixes à déterminer. Je dois jouer avec plus de confiance et être le plus régulier possible. Le top 50 est mon plus gros rêve d'ici fin 2013, et pour cela, je dois travailler davantage le service et le revers, tout en usant de mon premier atout: la densité et la puissance de mon coup droit. «L'âge n'a aucune importance» A 28 ans, vous pensez que vous avez encore le temps de revenir au top 50? Bien sûr. En tennis, la performance commence à cet âge. Regardez Federer, Nadal, Ferrer, Djokovic et souvenez-vous d'Agassi qui a été premier joueur au monde à 33 ans. Je me sens sûr de moi, confiant en mes moyens et décidé à prendre une revanche sur le destin. Si tout va bien dans la tête, l'âge n'a aucune importance. Terminons avec Malek Jaziri l'homme. Ce train de vie infernal, cette longue carrière pleine de succès mais aussi de souffrance, comment vous les abordez en quelques secondes? Le film remonte à l'âge de 19 ans quand j'ai commencé le top niveau. Depuis, je n'ai pas eu de gros moyens pour avancer. Je n'oublierai pas tous ceux qui m'ont encouragé, de Bizerte à ma famille, en passant par les techniciens et la FTT, mais je n'ai pas eu la vie en rose. En 2007, j'ai dû arrêter ma carrière à cause de la fameuse blessure, je devais vivre des moments terribles pour affronter le tennis de haut niveau. Eloigné de ma famille, de mes amis, obligé de faire la navette entre les aéroports, les hôtels et les tournois, ce n'est pas du tout facile, la vie d'un joueur de tennis. Il y a la capacité de surpassement, il y a du cœur à mettre à l'ouvrage pour ne pas tomber de son piédestal. Et quand je sens que ça ne suit pas en termes de soutien, ça me reste en travers de la gorge. Je regrette le fait de commencer le haut niveau à un âge avancé. Mais enfin, c'est la vie. Et votre CAB à vous? Le CAB est un amour éternel, c'est mon club, mon identité et je lui souhaite tout le bonheur du monde. Tout comme le TCBizerte.