Par Abdelhamid GMATI L'Assemblée nationale constituante a repris ses travaux et débats concernant la future Loi fondamentale, en séances plénières et au sein des commissions. Ainsi, la commission des pouvoirs exécutif et législatif a interdit la possibilité d'armement à toute personne, groupe ou association et exempte l'armée et les forces de sécurité du droit de vote compte tenu de l'obligation de neutralité. Rappelons que cet article 95 avait suscité une vive controverse dans sa première mouture qui autorisait l'armement des milices. Le président de l'Assemblée a, de son côté, reçu le projet de loi organique, fixant les fondements et les champs de la justice transitionnelle. On apprend aussi que l'Association «Mourakiboun» a relevé 32 différences entre le texte original de la nouvelle loi se rapportant à la HIE (Haute instance des élections), tel qu'il a été adopté par l'ANC et le texte de cette même loi, tel qu'il a été publié dans le Journal officiel de la République tunisienne en date du mardi 22 janvier. L'association en a référé au président de l'ANC. Une erreur? Le plus intéressant à suivre dans ces débats, ce sont les propositions qui sont faites par les constituants et leurs demandes à les inscrire dans le texte de la Constitution. Certaines sont sérieuses, d'autres plus contestables. Ainsi, une élue du mouvement Ennahdha a émis le vœu d'inscrire le Code du statut personnel dans la Constitution. D'autres du même mouvement ont réclamé la constitutionnalisation des principes de la charia. Une autre a appelé à criminaliser l'avortement. La vice-présidente de l'ANC, Mme Meherzia Laâbidi, a voulu limiter les déplacements des journalistes dans les locaux de l'Assemblée et de les confiner dans un espace réduit, sous prétexte que les journalistes perturbent les travaux des élus. La présidence de l'Assemblée n'a pas donné suite à cette demande, l'estimant injustifiée. Et il est une proposition qui a retenu l'attention des observateurs, celle émise par M. Ameur Laârayedh, lors de la plénière de lundi 21 janvier. Le député d'Ennahdha a en effet proposé que l'on inscrive dans la Constitution sa proposition de faire de la Tunisie «une capitale ou une terre d'asile politique». Et il a précisé que «l'on accorde le droit d'asile politique à toute personne persécutée à cause de ses opinions et non pas à cause de crimes de droit commun». Intéressant. La Tunisie a été une terre d'accueil depuis la nuit des temps. Sans trop plonger dans l'Histoire millénaire de ce pays, toujours ouvert sur son environnement et toujours accueillant, on rappellera l'asile et la protection accordés à nos voisins et frères algériens lors de leur lutte pour l'indépendance et à nos frères palestiniens persécutés par l'occupant sioniste. On rappellera l'asile accordé au poète Bayram «Ettounsi» chassé par l'occupant anglais de son pays natal, l'Egypte. Et aussi, plus récemment, les centaines de refugiés de plusieurs nationalités fuyant la guerre en Libye. On citera aussi les millions de visiteurs étrangers qui trouvent chaque année un accueil des plus chaleureux. Par contre, particulièrement durant les dictatures récentes, ce sont les opposants tunisiens qui ont été persécutés dans leur pays et qui se sont volontairement exilés, cherchant refuge et asile ailleurs. Il y a eu aussi les milliers de jeunes et moins jeunes Tunisiens qui ont cherché et cherchent encore à émigrer, à Lampedusa et ailleurs. Certes, pour la plupart, il s'agissait d'aller voir «si l'herbe est plus verte» ailleurs, sans persécution aucune. Les opinions contraires et discordantes ne trouvent pas grâce avec les dictatures. Alors pourquoi cette proposition de cet élu islamiste? D'aucuns (honni soit qui mal y pense) n'hésitent pas à faire le lien avec les jihadistes et autres extrémistes voulant s'établir en Tunisie. Ce qui se passe au Mali, la saisie de dépôts d'armes, les divers incidents et actes terroristes, sont pour le moins perturbants mais de là à les rapprocher d'une proposition somme toute anodine est pour le moins anecdotique. Par contre, il y a lieu de s'inquiéter de la violence politique qui semble s'installer dans le pays et qui vise surtout les opposants et tous ceux qui pensent différemment. Avoir une opinion différente de celle des gouvernants est devenu dangereux et expose à des agressions de la part de milices qui ne disent pas leurs noms. Il y a bien eu une ministre qui a convié ceux qui ne sont pas d'accord (avec les gouvernants) à «aller boire l'eau de mer» et un autre ministre qui a invité les récalcitrants à quitter le pays. Hier, sous la dictature, comme aujourd'hui, avec la Révolution, la persécution vise les opposants. N'a-t-on pas remplacé le drapeau national par un drapeau d'Al Qaïda, à Regueb ? Impunément et depuis quelques jours sans que cela change ? Alors, assistera-t-on à une Lampedusa «à l'envers» ? C'est-à-dire que les millions de Tunisiens résidents, aux opinions politiques différentes, demanderont-ils l'asile politique à...la Tunisie ?