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Liaisons dangereuses
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 04 - 2012


Par Mohedine BEJAOUI
Combien de nahdhaouis sont d'obédience salafiste ? Combien seraient d'authentiques démocrates dits modérés ? Combien de simples pieux contemplatifs ont basculé dans le «jusqu'au-boutisme» ? Personne ne connaît la composition, pas même les dirigeants eux-mêmes. Si, de surcroît, les proportions sont instables, le mélange pourrait devenir explosif. On comprend mieux les manœuvres précautionneuses des dirigeants d'Ennahdha qui ne peuvent en cette délicate phase de transition que ménager la chèvre et le chou. En effet, il n'est pas aisé de se couper d'une base acquise et disciplinée, misant sur d'aléatoires conquêtes électorales au-delà du cercle traditionnel. Le pari est d'autant plus périlleux qu'Ennahdha aurait à affronter une coalition de partis rompus à la chose politique, dont certains ont exercé le pouvoir bien adossés à une technocratie qui compose le socle de la classe moyenne. Une équation à deux inconnues qu'Ennahdha ne peut résoudre sauf à choisir entre deux maux, le moindre. Quelques ballons d'essai lancés de temps en temps ont achevé de convaincre Ennahdha de se recentrer sur son électorat originel : le soutien des bouts des lèvres qu'a formulé Ennahdha à la chaîne de télévision Nessma a irrité plus que de raison ses sympathisants et radicalisé les moins virulents. La déclaration du «chef spirituel» Ghannouchi, qui affirma que l'article 1 suffira pour accommoder la charia avec les textes de la Constitution, a fini par convaincre qu'il ne fallait pas aller plus loin. Les salafistes «canal historique» rejetèrent fermement la proposition. Le prêche est dit.
Dangers mortels
C'est à la lumière de cet éclairage que nous pourrions mieux comprendre la panique et les réactions disproportionnées du gouvernement actuel à l'encontre des manifestations de l'avenue H. Bourguiba. Certes l'Etat dispose du monopole de violence légitime, c'est tant mieux ; toutefois la violence aveugle du 9 avril s'apparente davantage à une expression partisane, conduite pour donner le change à une base, tournant à l'ivresse autour d'un noyau dur, très dur, qui ne veut rien concéder à ceux qu'il considère comme ennemis de l'Islam. Le procès en incompétence que relayent les opposants apparaît comme accessoire comparé à une série de faits qui fait courir à la Troïka, à Ennahdha et à la nation des dangers mortels. La goutte qui a fait déborder le vase est le retour du parti-Etat avec la résurgence de milices menaçantes et violentes. Les images de civils armés de gourdins et d'armes à feu, d'énergumènes filmant et photographiant les manifestants à la barbe de la police républicaine avaient quelques traits de déjà-vu. Le ministre de l'Intérieur connaît bien l'histoire, lui qui a croupi dans les geôles d'un pouvoir qui a usé et abusé des mêmes procédés condamnables.
Ennahdha se trompe de calcul politique en pensant préparer tranquillement les prochaines échéances électorales, elle commet la même erreur que la dictature précédente, qui pensait à tort qu'une base populaire la soutiendrait. Le dictateur en fuite croyait que la classe moyenne arbitrerait pour ses privilèges et les siens en sacrifiant sa liberté, que les jeunes dépolitisés se contenteraient de foot, de musique libanaise et de tectonique. Il s'est lourdement trompé, la société civile avait changé. Ennahdha aurait tendance à se rassurer, pensant que sa base disciplinée suffirait pour imposer par force persuasion et dissuasion à enrôler le peuple dans une quête identitaire. Elle serait en proie à un strabisme politique source d'illusion d'optique qui ne rend pas compte de l'état des forces sociales en présence.
Légalité électorale et légitimité populaire
On relève dans les deux cas une sous-estimation de la profondeur de la société civile, une erreur de jugement qui mettrait rapidement l'incohérente coalition de la Troïka face aux revendications d'une société qu'elle ne représente pas. La légalité électorale ne vaut jamais légitimité populaire. La révolution tunisienne est bien un cas d'école, la science politique regorge d'illustrations de gouvernements de transition légaux, qui perdirent leur légitimité le jour même de leur intronisation ; parce que l'arithmétique électorale n'est pas nécessairement la traduction d'un projet collectif, ni le vote majoritaire ne vaut mécaniquement plébiscite : la Roumanie post-Ceausescu, la Russie d'Eltsine, de Poutine, le Chili post-Pinochet...autant d'expériences qui démontrent que la démocratie est un apprentissage itératif, erratique, potentiellement décevant...
Arguer à chaque dissonance entre la rue et le gouvernement de légitimité du peuple, c'est la considérer comme définitivement acquise, conférant aux élus un blanc-seing. Le peuple s'est abstenu à près de 50% lors des dernières élections, si on ajoute les «zéro-virgule», il serait abusif et méprisant de parler au nom du peuple dans sa totalité. En tout état de cause, «le peuple» n'a donné qu'un mandat provisoire de rédiger une constitution à laquelle il adhérera ou pas au moment opportun. «Le peuple» n'a pas accordé «carte blanche» aux «constituants» ni au gouvernement qui en émane ; à moins qu'il s'agisse de l'application de textes écrits à l'encre sympathique sous inspiration théocratique !
C'est aussi un faux calcul auquel se prêtèrent le CPR et Ettakattol qui s'allièrent à Ennahdha, pensant de bonne ou de mauvaise foi politicienne faire partie d'un gouvernement d'union nationale. Que restera-t-il des électeurs sympathisants de ces deux partis ? Deux coquilles vides. L'addition électoraliste pourra être salée ! La Troïka polarisée par Ennahdha apparaît de plus en plus comme un attelage de fortune qui n'a pas fini de démontrer son indigence programmatique et fonctionnelle. Le président, dont les prérogatives se cantonnent au protocole de représentation parfois pathétique, se limite à inaugurer les chrysanthèmes, ses déclarations intempestives ne font qu'augmenter de la confusion à une politique étrangère alignée sur des mécènes du Golfe qui ne paraissent pas pressés de sortir le chéquier. Quant au président de l'Assemblée constituante, son rôle ne semble pas dépasser la gestion des temps de parole et l'usage du marteau. A l'évidence, c'est le parti Ennahdha qui détient le pouvoir provisoire et c'est précisément Ghannouchi qui donne le tempo en sorte de «deus ex machina » ni trop visible ni suffisamment discret. C'est donc à juste titre que les critiques se focalisent sur les dirigeants d'Ennahdha qui en tant que «démocrates autoproclamés» doivent accepter la contradiction et admettre qu'il existe une opposition minoritaire au sein de la Constituante, majoritaire à l'extérieur.
Liberté, travail et dignité
Personne ne peut reprocher à ce gouvernement de n'avoir pas résolu les problèmes du chômage endémique, de paupérisation rurale et urbaine en si peu de temps. Toutefois, il n'est pas excusable de n'avoir présenté aucun programme sérieux, lisible et réalisable. Aucune perspective en vue, si ce n'est les visées terrifiantes d'une frange fascisante qui s'est arrogé le droit exorbitant et indu de crier plus fort que les autres. La Troïka semble portée par un souffle court, gênée immédiatement à sa prise de mission par une opposition populaire non structurée, qui la harcèle depuis le 24 octobre. C'est le paradoxe de la démocratie, une élection ne confère aux gagnants qu'une légitimité relative, précaire qui peut s'avérer immédiatement insuffisante pour mener un projet collectif d'envergure. Que dire d'Ennahdha, affichant une tolérance de façade qui se lézarde chaque jour, sous les cris de salafistes exaltés par un projet sociétal, identitaire, avec la charia en emblème, alors que le peuple revendique liberté, travail, dignité. Le malentendu est assourdissant !
Nous en avions eu la preuve incontestable le 9 avril 2012; jour en principe fédérateur de fête des Martyrs qui aurait dû transcender tout le monde par-delà les clivages politiques et idéologiques et, qui s'est illustré par la réapparition des milices de triste mémoire. Les images de ces civils qui tabassaient des civils, sous le nez des policiers complices avaient les traits d'une dictature qui se dessine, ce spectre hideux reproduisait l'écho du fascisme. Le fascisme n'est pas une question de degré, c'est une nature quel qu'en soit le niveau. Une milice est une organisation paramilitaire illégale, effectuant des actions pour le compte d'un parti ou d'une idéologie, une troupe supplétive qui s'acquitte de basses besognes, dans une transaction collusive avec des institutions officielles. Nous connaissons bien ces recrues de la 25e heure, issues du «lumpen prolétariat», les mêmes qui ont martyrisé le ministre de l'Intérieur actuel sont aujourd'hui les nervis qui malmènent ce peuple, qui permit aux nahdhaouis d'arriver au pouvoir. L'histoire est par essence ingrate. Une milice dans un pays démocratique, c'est pour le moins antinomique.
Une mansuétude douteuse
La force d'Ennahdha est d'avoir bénéficié de la légitimité du persécuté, elle est aujourd'hui troublée par la «salpêtrisation des frères ». Ennahdha ne peut rentabiliser et la perte et le profit , parce qu'elle ne pourra jamais capitaliser sur «la légitimité» du persécuteur. Le persécuteur est au mieux craint, toutefois le peuple tunisien n'a plus peur. La politique de deux poids, deux mesures est extrêmement contreproductive, la mansuétude douteuse dont ont bénéficié, les occupants de la faculté de La Manouba ; les conquérants de l'extrême, «escaladeurs» d'une horloge, «l'outrageur» du drapeau, sont d'autant plus insupportables que la violence disproportionnée contre les manifestants du 9 avril a été l'œuvre d'une police républicaine aidée par une milice qui ne cachait sa pilosité faciale.
Ennahdha comme les deux autres partis de la Troïka sont en train de s'empoisonner, les premiers par d'encombrants alliés antidémocratiques, les seconds par les tergiversations d'un parti dominant, sans expérience du pouvoir démocratique, qui s'accommoderait d'un exercice autocrate plus proche de ses convictions profondes.
Le pays est au bord de l'implosion, la guerre civile guette parce que le peuple tunisien ne pourra plus jamais vivre sous une dictature mafieuse, religieuse ou ploutocratique. Aux dirigeants d'Ennahdha d'assumer leurs responsabilités historiques d'éviter au pays un bain de sang. Entretenir cette liaison avec des extrémistes religieux sera l'option la plus dangereuse.


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