Encore une fois, la question de la réforme sécuritaire est remise sur le tapis. On en a trop parlé, mais on ne voit rien venir. Sauf que la spirale de la violence sévit partout, dans l'impunité totale, laissant croire à un dispositif policier encore loin du credo républicain. Ce manque de confiance en l'institution sécuritaire se fait de plus en plus sentir. Et cette impression populaire qui est la résultante d'un état de fait n'est plus à démontrer. Et l'on doit, aujourd'hui, s'interroger : ce bruit médiatique sur la réforme policière est-il un bluff politique ou un projet tape-à-l'œil ? Car, jusque-là, la stratégie du ministère en la matière semble être boiteuse, entourée d'un flou persistant. Créée pour toutes ces raisons, l'association « Reform» s'inscrit dans cet esprit. Elle a pris l'initiative de relancer ce problème, en l'abordant de différents points de vue, et ce, lors d'une conférence internationale tenue, hier à Tunis, sur le thème: «La réforme du système sécuritaire post-révolution : état des lieux actuel et défis ». L'objectif est de savoir où on est et où on va, à la lumière de ce qu'on constate, ces jours-ci, comme situation sécuritaire, le moins qu'on puisse dire, peu satisfaisante ? Cette manifestation à laquelle ont pris part des cadres de sécurité, des constituants et des membres de la société civile, a été l'occasion renouvelée pour revenir sur le comment et le pourquoi d'une telle réforme policière dans ce contexte de transition démocratique. Quelles sont les contraintes qui ralentissent le fait de donner corps à ce projet pour le mettre aussi rapidement que possible sur les rails ? Peut-on dire que la relation citoyen-agent de l'ordre est encore en crise ? Autant de questions que l'assistance n'a pas manqué de poser au secrétaire d'Etat chargé de la réforme, Saïd Mechichi, accompagné, à la tribune, de Lazhar Akermi, porte-parole du parti « Nida Tounès», et Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh). Ce dernier a révélé que la perception péjorative de l'institution policière n'a pas changé, d'autant plus que la position du gouvernement face aux événements qu'a vécus et ne cesse de connaître le pays n'est pas assez claire. La manière avec laquelle le ministère traite le phénomène de l'insécurité ne paraît pas claire. Et encore moins rassurante. Car, personne ne sait ce qu'a fait l'appareil sécuritaire dans la lutte contre la contrebande et le trafic d'armes et ce qu'il prépare pour rétablir la confiance du citoyen devenu, plus qu'auparavant, exposé à des risques. C'est pourquoi, aux dires de M. Ben Moussa, on peut juger que la relation citoyen-agent de l'ordre n'est pas à l'image d'une police républicaine et démocratique. Ce qui commande, a-t-il fait valoir, de mettre ce corps professionnel en dehors du jeu politique afin qu'il bénéficie de l'indépendance et de l'intégrité requises. Une condition préalable à sa réforme globale et judicieuse. Réagissant aux critiques virulentes adressées au ministère de tutelle, M. Mechichi a réitéré que personne n'est au-dessus de la loi, insistant sur le fait que seul l'Etat a l'apanage de l'usage de la force légale et légitime. Sans pour autant nier qu'il y a certains dépassements dans les interventions de la police, et avec lesquels, indique-t-il, le ministère traite en conformité aux textes des traités internationaux sur les droits de l'Homme. Partant l'agent de sécurité devrait être au service du citoyen et de la patrie. C'est là le credo républicain d'un système sécuritaire post-révolution. Mais si ce dispositif avait été politisé, voire manipulé pour des intérêts partisans, on se retrouve, hélas, face à des milices instrumentalisées, prévient M. Akermi. Celui-ci avait mis en place, alors qu'il était ministre délégué de la réforme dans le gouvernement Essebsi, un livre blanc des bonnes pratiques à suivre par les agents de l'ordre. Mais voilà que le projet de réforme n'a pas réellement eu lieu. Il se fait encore attendre. L'ancien ministre de l'Intérieur à l'époque de Bourguiba, M. Tahar Belkhouja, nous a révélé qu'il fallait avoir une véritable volonté politique pour la mise en œuvre de la réforme sécuritaire, étant donné qu'il n'y aura pas de développement et d'investissement sans un climat de sécurité favorable. «Une vision globale et approfondie doit prendre tout en compte, loin des slogans creux...», résume-t-il. Un avis qui a été soutenu par Mohamed Mehdi Khouaja, secrétaire général adjoint chargé des négociations au sein du Syndicat national des forces intérieures, qui nous a affirmé avoir présenté plusieurs projets de réforme, lesquels sont, jusqu'à maintenant, restés lettre morte, sans susciter le moindre écho auprès du ministère de tutelle. Alors que la réforme, a-t-il estimé, aurait dû commencer par les bases pour savoir gérer leurs préoccupations et leurs doléances. Pour conclure, il a relevé que la bonne relation citoyen-policier ne saura être établie que s'il y a des garanties de protection régies par un cadre législatif.