Cela fait deux ans que l'on parle plus souvent de la nécessaire réforme sécuritaire. Toute la société tunisienne est convaincue que le nouveau rapport citoyen-agent de l'ordre doit être sérieusement établi sur la responsabilité et le capital-confiance. Cela est évident, mais en réalité rien n'a été signalé en matière de stratégie et de restructuration aussi bien institutionnelle que législative. Au point que plusieurs parmi les professionnels du secteur considèrent ce projet de réforme comme un chantier interminable, vu sa complexité et l'absence d'une politique efficace pour le mettre sur les rails. Et pas plus tard qu'hier, M. Saïd Mechichi, secrétaire d'Etat auprès de ministre de l'Intérieur chargé de la Réforme, l'a révélé ouvertement lors des travaux de la conférence tenue, hier matin, au club des forces de l'ordre à La Soukra, sur le thème «La sécurité, responsabilité de tous : une vision prospective». «Il est question d'entraves et de handicaps qui ont freiné l'avancement de ce projet et retardé, de ce fait, les procédures de réformes sécuritaires...», a-t-il indiqué. Il a fait état des conditions préalables dont il faut tenir compte pour renforcer les capacités matérielles et professionnelles des ressources humaines et améliorer, de la sorte, les atouts opérationnels des agents de l'ordre. Et de poursuivre que la réforme de la police est telle qu'elle suscite l'unanimité de toutes les parties intervenantes, en tant que priorité tout comme la justice et les médias dont la responsabilité devrait être partagée. Que la réforme soit participative et que l'institution sécuritaire se distingue par son indépendance et sa neutralité, loin des instrumentalisations politiciennes. Image en «déficit chronique» Car, réformer cet appareil, c'est restaurer son image jugée «en déficit chronique». Une image écornée sous le joug du régime déchu qui n'a jamais cessé de mettre tout à son service. C'est pourquoi, aujourd'hui, la question de la formation s'avère de mise dans le processus de réforme sécuritaire, comme l'a montré M. Riadh Ben Latif, directeur général de la formation. «D'ailleurs, l'on a adopté un nouveau mode de formation depuis le recrutement», souligne-t-il. Cet esprit de changement touche les différentes phases d'intégration, au niveau de la réception des dossiers, de sélection des candidats jusqu'à leur admission. Un changement de fond en comble que l'on peut percevoir sur le plan du contenu des programmes, leur durée et sur la forme de l'encadrement dispensé au profit des agents. De son côté, M. Mohamed Lassâad Dorboz, président du conseil de la mutuelle des fonctionnaires de la sûreté nationale, des établissements pénitentiaires et de rééducation, a parlé des motivations de la réforme. Afin d'aller de l'avant, il faut connaître les faiblesses du système sécuritaire. Le regard négatif à l'égard du policier, les carences des capacités opérationnelles des unités, l'absence d'une vision prospective et analytique, surtout en matière de renseignement, et les limites des ressources humaines et matérielles sont autant de points critiques à réviser. Sans pour autant oublier que le sens de la communication à l'intérieur et à l'extérieur du dispositif de sécurité est presque en panne, ce qui incite à tout prendre en considération. Il a ajouté, dans ce contexte, que l'opération de réforme qui doit commencer de l'intérieur de l'entreprise, avec pour fondement trois ensembles des principes fédérateurs, à savoir légalité, légitimité et équité, efficacité et efficience, et neutralité et impartialité. Cela, estime-t-il, ne pourra se réaliser sans la rectification des points faibles précités. «Sécurité et démocratie», une relation dialectique de fond que l'expert auprès du centre de Genève en la matière, M. Haykel Mahfoudh, a développée dans une lecture critique, avec pour mot d'ordre une institution de sécurité démocratisée soumise au contrôle démocratique. Selon lui, le droit à la différence et le droit au choix sont la pierre angulaire de la démocratie. C'est là une philosophie qui doit puiser son essence dans la pratique à travers l'adoption d'un comportement démocratique et de bonne gouvernance basé sur le respect des droits de l'Homme et la transparence. Et comme la sécurité s'impose en tant que besoin vital et catalyseur de développement social et économique, la réussite de la réforme dans ce domaine est tributaire d'une responsabilité collective qui engage toutes les composantes de la société civile. Un avis partagé par M. Abdessattar Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh).