WASHINGTON/VENICE (Reuters) — Barack Obama a déclaré hier que les futurs forages pétroliers en mer seraient subordonnés à des garanties pour éviter que ne se reproduise une catastrophe comme celle du golfe du Mexique, où des fuites de brut lourd atteignent les bayous de Louisiane. Dans son allocution hebdomadaire à la radio et sur internet, le Président américain a présenté la composition d'une commission chargée d'enquêter sur l'accident de la plateforme opérant pour le compte de BP au large des côtes américaines. Il compte maintenir la pression sur les compagnies impliquées dans la fuite de pétrole qui n'est toujours pas colmatée – BP, Halliburton et Transocean – mais entend aussi veiller à ce que Washington amende ses pratiques. "L'objet de cette commission est à la fois d'examiner les causes fondamentales de la catastrophe et de proposer des recommandations sur la sécurité et la protection de l'environnement nécessaires pour éviter qu'un désastre similaire ne se reproduise", a dit le chef de la Maison blanche. Face à la colère qui monte dans les régions touchées et aux risques politiques liés à cette situation, Obama a chargé l'ancien sénateur démocrate Bob Graham et William Reilly, ex-directeur de l'Agence fédérale de protection de l'environnement (EPA), de coprésider cette commission bipartisane dont il attend un rapport dans les six mois. Pêche et faune en péril La marée noire remet en question une proposition antérieure d'Obama en faveur d'une extension des forages en mer dans le cadre d'une stratégie visant à rallier des voix républicaines à une législation sur le changement climatique. Le président a rappelé hier qu'il avait donné pour instruction d'inspecter tous les sites de forage en eau profonde et suspendu pour un mois toute autorisation de nouveau site. "Parce qu'il représente 30% de notre production pétrolière, le golfe du Mexique peut jouer un rôle important dans la sécurisation de notre avenir énergétique. Mais nous ne pourrons poursuivre le forage pétrolier en mer que si nous avons l'assurance qu'une catastrophe comparable à la marée noire de BP ne se produira pas", a-t-il dit. Un mois après l'explosion et le naufrage de la plate-forme Deepwater Horizon, qui a fait onze morts, des nappes de brut lourd de couleur rouille commencent à encrasser les fragiles marais situés aux abords du delta du Mississippi, menaçant zones de pêche et vie sauvage. "Pour moi, depuis le début, il ne s'agit avec BP que de relations publiques", déclare Roger Halphen, enseignant de Louisiane qui a travaillé dans l'industrie pétrolière et dans le secteur de la pêche commerciale. "C'est un désastre. Tout le monde dormait là-dessus et maintenant, d'un seul coup, on est dedans", a-t-il ajouté au sujet de la marée noire qui s'étend. Elections et crise Accusée de négligence et de dissimulation, la compagnie pétrolière sise à Londres a fait savoir que ses ingénieurs coopéraient avec des experts fédéraux pour déterminer l'ampleur exacte de la marée noire. Elle a réaffirmé vendredi qu'elle s'imposait un effort de transparence pour informer le public américain de l'évolution de la situation. A mesure qu'apparaissent les atteintes à l'environnement et à l'activité économique, des analystes jugent possible que la marée noire handicape le Président Obama aux élections de mi-mandat prévues en novembre, où ses alliés démocrates risquent déjà d'essuyer des pertes liées au taux élevé du chômage. La création d'une commission permet au président de marquer son rôle de leader dans une crise durant laquelle des critiques ont visé à la fois les compagnies pétrolières et les services gouvernementaux chargés d'en superviser les activités. Après avoir promis de contraindre les compagnies concernées à faire toute la lumière sur la fuite et à la colmater, Obama a mis en garde hier les services fédéraux. "Au moment où nous demandons à BP d'assumer ses responsabilités, nous devons en demander autant à Washington", a-t-il dit. "La question est de savoir quelles leçons tirer de ce désastre pour être sûr qu'il ne se reproduise jamais." "Si nos lois ne sont pas suffisantes pour prévenir une telle marée noire, ou si nous ne les avons pas appliquées, je tiens à le savoir", a poursuivi Obama. "Je tiens à savoir (...) où la supervision de l'industrie pétrolière et gazière a failli". "Nous savons (...) que des relations de connivence entre les compagnies pétrolières et gazières et les agences qui les réglementent est un sujet de préoccupation depuis longtemps." BP, qui poursuit ses opérations de pompage et espère colmater à bref délai le puits endommagé, a annoncé que la quantité de brut qu'elle siphonnait était tombée à 2.200 barils par jour dans les 24 heures ayant pris fin jeudi à minuit.