«On compte 230 agents par avion alors que les compagnies similaires n'en emploient que 175» Le déséquilibre financier a des origines plus anciennes que ces deux dernières années£ La compagnie nationale Tunisair est un concentré de dysfonctionnements. Au niveau financier, le passif affiche une enveloppe de dettes d'environ 400 millions de dinars. Au niveau des ressources humaines, la société affiche un faible taux d'encadrement de 8%, de loin inférieur à la moyenne du secteur de 45%. Au niveau organisationnel, la réintégration imposée des activités externalisées et de certains licenciés pour «faute grave» ainsi que les changements souvent contestés au «top management» sont de nature à fausser la représentation graphique de la hiérarchie. Ainsi, dans un secteur en mutation, la question qui se pose est : quelles sont les chances de survie de la compagnie Tunisair ? Pour sa part, M. Karim Elloumi, commandant de bord et membre du syndicat des pilotes, a posé autrement la question : que faire pour redorer l'image de la compagnie qui a longtemps vanté la sécurité de ses vols et la flexibilité de ses offres ? Etude à l'appui, il insiste que, dans l'immédiat, un plan de restructuration s'impose pour sauver Tunisair. Et dans une deuxième étape, le business plan 2013-2017 table sur le développement de l'entreprise sous d'autres cieux, notamment en Afrique et en Amérique du Nord. Assainissement financier «A deux heures de vol des principales capitales européennes et aux portes de l'Afrique avec son fort potentiel de développement, le secteur aérien dans son ensemble dispose de véritables atouts concurrentiels», positive-t-il. Pour ce faire, les avions doivent décoller et voler le plus longtemps. Dans ce cadre, le syndicaliste rappelle le rôle central de l'actionnaire principal, à savoir l'Etat, qui semble soutenir une autre compagnie concurrente. «Le chef du gouvernement n'a jamais pris un vol de Tunisair», martèle-t-il. Et d'ajouter : «Pourtant, l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale a recommandé aux gouvernements de préserver les compagnies aériennes nationales». A l'heure actuelle, les parties prenantes, dirigeants et syndicat, ont remis un rapport qui regroupe plusieurs points pour l'assainissement et la restructuration de la compagnie nationale. Remis au gouvernement, représentant de l'actionnaire principal, ce document pourrait générer un plan drastique. Parmi les points du plan, la compagnie demande à l'Etat de lui avancer une somme de 300 millions de dinars sur la vente des deux avions présidentiels, la BBJ et la A340. L'acquisition de ces deux avions pèse encore sur les comptes de la compagnie nationale. En effet, le déséquilibre financier a des origines beaucoup plus anciennes que ces deux dernières années, notamment de l'époque de l'ancien régime qui a bénéficié de ces deux avions. Leur vente pourrait générer des recettes de l'ordre de 350 millions de dinars qui seraient utiles pour le renouvellement de la flotte. «La vente de la BBJ ne poserait aucun problème puisqu'il s'agit d'un modèle prisé, mais des difficultés techniques pourraient entraver la vente de la A340». Et d'expliquer : «C'est un modèle de fin de production; en plus de cela, la A330 développe les mêmes performances à un meilleur prix». Dans cette mesure, les effets de la révolution n'ont fait qu'aggraver la crise. Par ailleurs, «la transformation des dettes à l'OACA qui sont de 166 millions de dinars par une augmentation du capital est de nature à alléger la charge de la compagnie», propose le syndicaliste. Mieux encore, la compagnie aurait plus de facilité à réaliser ses plans de développement en partenariat stratégique avec l'OACA que dans le cadre d'une relation client-fournisseur avec l'Office de l'aviation. Sur un autre plan, le rapport de la compagnie rappelle le poids des missions d'intérêt national qui ont été réalisées, notamment pour le secteur touristique ou le développement du trafic sur certains aéroports dans les régions. La compensation de ces services publics est estimée à 6 millions de dinars. Parallèlement, le règlement des factures de 20 millions de dinars au nom de l'Etat apportera une bouffée d'oxygène à l'entreprise aérienne. En haut du bilan, le rapport préconise de porter le capital social de 106 à 180 millions de dinars. Un plan social drastique «On compte 230 agents par avion alors que les compagnies similaires n'en emploient que 175 agents», indique-t-il. Face à une telle situation, le redressement est inévitable. Au moins pour s'aligner sur les standards du secteur. A cet égard, le plan d'assainissement social prévoit le départ de 1.700 agents sur deux ans, le gel des recrutements et des salaires ainsi que le non-remplacement des 329 départs à la retraite. D'après le plan, l'Etat est appelé à prendre en charge l'indemnisation des licenciés, soit une enveloppe de 50 millions de dinars. « Il faut les considérer comme un investissement», note-t-il. Et d'argumenter : «Ces départs assainiront les comptes de la compagnie et les bénéfices conséquents assureraient un retour sur investissement». Parallèlement, l'intégration de certaines entreprises dans le groupe est de nature à imposer une restructuration de la compagnie et de son mode de gestion. Compétitivité oblige, la compagnie nationale aurait besoin d'une autonomie de gestion. «Le recours systématique au ministère de tutelle dans toutes les décisions sanctionne la réactivité des commerciaux dans un contexte fortement concurrentiel», déplore-t-il.