Depuis le 22 mai, la ville de La Marsa vit au rythme du Printemps des arts plastiques, une manifestation axée sur des expositions d'œuvres d'art et de multiples animations culturelles. Un rendez-vous annuel qui se prolonge durant trois semaines pour faire découvrir des œuvres de plasticiens confirmés, d'amateurs passionnés et de nouveaux talents et artistes méconnus. Parmi eux, Léa- Véra Tahar expose des toiles de peinture et des sculptures, une sorte de prolongation de sa dernière exposition personnelle qui s'est déroulée au Golfe, toujours à La Marsa, au mois d'avril dernier. Une artiste atypique Léa-Véra Tahar a toujours écrit, articles de journaux, recueils de nouvelles ou de poèmes, parus en Tunisie et à l'étranger, dont Ravaudage au pays du ménage, qui attestent d'un esprit fin et rebelle, irrévérencieux parfois, mais immanquablement drôle et tendre. Ce n'est que depuis quelques années que l'écrivaine a commencé à sculpter et à peindre. Léa avance que cette passion l'habitait tant et si bien que le jour où elle a tenu un pinceau entre les doigts, tracés et couleurs, formes et volumes s'imposaient à elle comme s'ils immergeaient spontanément d'une mémoire emplie d'images, de paysages et de personnages! Quant à sa sculpture basée sur la technique du papier mâché, elle a mis du temps à l'apprivoiser. C'est que l'artiste aux multiples talents est totalement autodidacte. Un travail assidu, une recherche continue lui ont permis, au fil du temps, d'en maîtriser l'art et la manière. Ce n'est que bien plus tard qu'elle découvre que ses sculptures ressemblent à celle de Nicki de St Phalle. Cette découverte, elle l'a faite au moment même où Nicki de St Phalle est décédée, raison pour laquelle Léa-Véra semble croire à une sorte de hasard objectif ou de destinée qui fait qu'elle perpétue à sa manière cette sculpture particulière, un brin naïf, un brin sentimental, totalement affranchi et qui ne se refuse aucune liberté, aucune fantaisie. Les sculptures exposées au Printemps des arts confirment ce tempérament ludique et fantasque qui séduit non seulement les adultes, mais, chose précieuse, attire les enfants et leur accorde leurs premières joies esthétiques. Artnaîf.tn A l'image des peintures exposées lors de son exposition personnelle, les œuvres accrochées sur les cimaises du Palais Abdellia sont foisonnantes de personnages, hommes, femmes, enfants, animaux, faune et flore, selon un tracé qui évoque le dessin d'enfants et un coloriage ravissant fait de couleurs exubérantes et de contrastes forts et éclatants. Toute cette fraîcheur et cette audace déchaînée, l'artiste se les accorde et les offre au visiteur avec une joie communicative. Et si l'on ajoute à cela les titres qui évoquent des voyages, des mini-récits d'amour et d'aventure, de Dans la brousse du lac M'buro au Kandil sur les toits de la médina, en passant par le Monde de ma poule, on comprend combien cette peinture aux allures naïves, raconte notre monde, et mine de rien nos petites tristesses et notre grand entêtement à vivre. Ce qui n'est pas rien. Dans la présentation du catalogue de l'exposition leavera@artnaîf.tn, Leïla Soussi, la commissaire de l'exposition écrit: «Si vous faîtes attention et regardez attentivement sa peinture avec ses personnages et ses fleurs aux éclatantes couleurs, si vous regardez sa peinture immobile avec ses formes géométriques et plates, comme les pensées que l'on conserve entre les pages jaunies d'un vieil album de photos, vous verrez peut-être l'histoire de ses années, de ses journées, de ses amours, de ses douleurs et surtout de son immense joie de vivre.» C'est que les peintures de Léa-Véra Tahar, tout comme ses sculptures, sont l'expression d'un parcours de vie d'une femme peu ordinaire, qui a écrit, peint et sculpté alors que le chemin était loin d'être balisé. Des œuvres à son image qui triomphent de la morosité et du chagrin. Des œuvres à savourer donc par tous ceux qui savent ne pas bouder leur plaisir.