L'un des plus beaux pays arabes et musulmans, celui qui possède l'une des cultures les plus raffinées, un art de vivre des plus savoureux est aujourd'hui en train de devenir une immense tombe, de macabres ruines. Voilà deux longues années que la Syrie et son peuple souffrent le martyre. Plus de 70.000 morts, des villes entières détruites, des monuments classés patrimoine de l'humanité démolis ou brûlés, une économie à genoux, un peuple qui manque de tout et une honteuse et meurtrière guerre civile érigée en spectacle quotidien planétaire. Tout a commencé un 15 mars 2011 dans le sillage de ce qui sera appelé «le printemps arabe». Phénomène de dominos constitué d'un formidable et savant cocktail de dictature népotique et mafieuse, de soulèvement populaire et de forces téléguidées par les superpuissances occidentales. Un mélange explosif ayant conduit à des révolutions éclair en Tunisie et en Egypte, une révolution sanglante en Libye et un changement à la tête de l'Etat au Yémen avec recomposition de l'échiquier politique dans chacun de ces pays vers un processus de transition démocratique sur fond de montée sur le devant de la scène de mouvements se réclamant de l'Islam dit «politique». Ce jour-là, le pouvoir en place à Damas, une dictature sanguinaire fondée sur le clan «Assad» issu de la communauté alaouite aux commandes, sur l'appareil stalinien et clientéliste du parti-Etat du «Baâth», sur une armée dirigée par des fidèles au régime, et sur une milice nombreuse et bien armée, a compris que son tour est venu pour subir l'épreuve. Voulant tuer le mouvement contestataire dans l'œuf, il a très rapidement perdu de sa légitimité aux yeux du reste du monde sauf de ses quelques alliés. Tirer sur le peuple aux mains nues n'a jamais été un acte de courage. Et Bachar qui croyait en les méthodes de son père Hafez, son prédécesseur sur le «trône» de Damas, de se transformer en vrai bourreau après avoir donné l'impression au tout début de son règne en 2000 qu'il allait faire progresser les choses et lâcher du lest. Mais le clan Assad-Makhlouf (ses oncles maternels) qui l'a choisi pour succéder à son père à grands coups de modifications de la Constitution afin de garder sa mainmise sur les richesses du pays voyait les réalités sous un autre angle et imposa sa loi. Plutôt celle de la jungle. Ainsi pour ce clan et ses instruments parti-Etat-armée, il s'agissait (il s'agit encore) d'un complot. Une position qui renferme une bonne part de vérité mais qui a, hélas, conduit à des solutions brutales, au lieu d'inciter au dialogue, aux concessions et aux compromis. Comme Kadhafi, sûr de sa supériorité sur les «rats» qui sont venus perturber sa quiétude, Bachar a banalisé l'impact des petits mouvements populaires bien médiatisés à l'étranger et a tout de suite employé les armes. Bachar savait... et pourtant Bachar savait pourtant qu'il était en point de mire d'Israël, son voisin belliqueux, expansionniste, hors-la-loi, provocateur et occupant par-dessus tout le joyau du croissant fertile, le plateau du Golan, partie intégrante de la Syrie et terre intimement liée à cette région bien différenciée du monde depuis la nuit des temps, véritable éponge chargée d'eau et observatoire irremplaçable de la vallée du Jourdain. Le maître de Damas savait pourtant que son trône était en jeu et qu'il était un gros dossier sur la table des grandes puissances occidentales, surtout des Etats-Unis, grand protecteur de l'Etat sioniste, dans le cadre d'un grand projet de remodelage de la région appelé «Nouveau Moyen-Orient». Un plan ayant pour entre autres objectif d'instaurer des régimes pouvant jouer la carte de la confrontation sunnite-chiite. Il savait aussi que bon nombre de ses «sujets» ont reçu des formations poussées en technologies de l'information et de la communication grâce aux soins de Washington avec pour objectif l'orchestration de la guerre médiatique. Une guerre bien relayée par «Al Jazira», «baguette magique» des émirs du Qatar qui ont transformé leur pays en «Israël-bis». Il savait aussi que son régime est sous pression car mis à l'index et d'une manière sans équivoque dans l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri, très proche de Ryadh et de Paris, et que suite à cette tragique élimination, l'armée syrienne s'est retrouvée «chassée» du pays du Cèdre après près de 20 ans de présence musclée et souvent inique. Bachar savait aussi qu'il était une pièce maîtresse de l'échiquier qui protégeait un «roi» nommé Téhéran et un «cheval» nommé «Hezbollah», la résistance libanaise qui provoque des insomnies, des rages de dent et parfois des diarrhées à l'Etat sioniste. Il savait aussi que «ses» Frères musulmans (l'organisations des) ont dès 2006 décidé de tout faire pour le détrôner lors de l'un de leur fameux congrès et que les choses ont commencé comme ils le voulaient. Il savait aussi qu'il était le «roi» du dernier pays appartenant au fameux «front de la résistance et du refus» créé suite à la normalisation de l'Egypte de Sadate avec Israël en 1979. Pays qui sont l'Irak, l'Algérie, la Libye, le Yémen et le Soudan et enfin la Syrie qui, tour à tour, ont vécu des drames internes et des bains de sang plus ou moins spectaculaires et qui risquent toujours de se voir démembrés (le Soudan l'a déja été). Bachar savait tout cela et il a louvoyé pendant de longues années, malgré les tempêtes et les accusations (possession d'armes chimiques, assassinat de Hariri, soutien à la résistance libanaise...) afin de sauver sa tête. Aujourd'hui et malgré le soutien de ses alliés, dont deux grandes puissances membres du Conseil de sécurité (Russie et Chine), Bachar est dans le pétrin. Son pays est devenu un second Liban doublé d'un second Afghanistan. A la place de la ruse, il a choisi les armes. Les grandes puissances le laisseront faire jusqu'au bout, contentes ainsi de voir ce grand pays s'autodétruire pour le bonheur d'Israël qui, sans aucun doute, participe à ce processus. Bachar et «ses» rebelles sont hélas en train de faire le sale boulot à la place d'Israël. Ils sont en train de préparer le terrain à une future destruction planifiée de l'intérieur comme de l'extérieur de l'ennemi juré d'Israël et des Etats-Unis, l'Iran. C'est pour cela que l'Occident s'est réservé un fauteuil pour admirer cette scène macabre. Il laissera la situation pourrir le temps qu'il faut pour détruire ce beau et raffiné pays et le transformer en loque pour de nombreuses générations afin de créer une région docile prête à intégrer Israël dans son cercle après toutes les concessions possibles et imaginables que cette région aura faites.