La Journée mondiale de l'autisme a été célébrée cette semaine. Encore une fois, elle est passée inaperçue en Tunisie, en raison du tabou qui pèse sur cette maladie qui touche plus de 2.000 enfants. En effet, l'inexistence d'une formation universitaire dans les méthodes et les techniques thérapeutiques de l'autisme dont la plus connue est l'analyse du comportement appliquée (méthode ABA), en plus de l'absence de maîtrise des connaissances sur ce sujet rend, aujourd'hui, difficile le dépistage précoce des troubles envahissants qui affectent toutes les sphères du développement de l'enfant. Des centres ont bien ouvert leurs portes, proposant une panoplie de prestations pour la prise en charge des enfants autistes: séance d'orthophonie, exercices de motricité.... «La prise en charge d'un enfant autiste qui a des besoins spécifiques nécessite une thérapie adaptée à ses troubles, note Dany Bey, parente d'un enfant autiste. Les cliniciens ont recours à la méthode ABA pour traiter les troubles du développement de l'enfant autiste. Or, les cadres et les agents exerçant dans ces centres ne maîtrisent pas cette méthode et appliquent des programmes non adaptés aux besoins de ces enfants. Ces centres jouent plutôt un rôle de garderie». Répondant à l'appel des sirènes, plusieurs parents ont inscrit leurs enfants dans ces centres dans l'espoir de les voir retrouver «la normalité». Mais faute de personnel spécialisé et de méthode adaptée, ces enfants végètent pendant des jours dans ces espaces sans bénéficier d'un programme adapté permettant la régression de leur trouble comportemental. Il y a quelques années, Nejla, mère d'un enfant autiste, âgé de sept ans, en a vécu l'amère expérience. N'ayant constaté aucune amélioration de l'état de son fils, la jeune femme, âgée de 38 ans, décide de le retirer du centre. «Un jour, j'ai visité à l'improviste le centre afin de voir comment on s'occupe de mon fils. Non seulement l'hygiène de ce centre était catastrophique, mais je me suis rendue compte, par ailleurs, que c'est la femme de ménage qui s'occupait des enfants. Je me rappelle également de cette orthophoniste qui, au lieu d'effectuer une séance à mon fils, jouait un jeu de cartes virtuelles». Déçue également par la prestation de ce centre, Yosr, employée dans une entreprise publique, a annulé l'inscription de sa fille autiste, âgée aujourd'hui de dix ans. Comme beaucoup de parents, la jeune femme s'est tournée vers l'association Pas à Pas, créée par Dany Bey, parente d'un garçon autiste qui a mis en place une équipe pluridisciplinaire composée de trois psychologues cliniciennes, d'une orthophoniste et d'une technicienne formées aux méthodes et aux techniques de traitement des divers troubles liés à l'autisme. Cette association accueille tous les jours des enfants autistes, qui, après avoir subi un diagnostic afin de déterminer la nature du ou des troubles qu'ils présentent, effectue soit des séances d'orthophonie, de réorganisation neuro-fonctionnelle ou de rééducation de l'écoute. Trois méthodes connues sont pratiquées dans ce centre: la méthode Zengar Neuroptimal, la méthode Tomatis et la méthode Padovan. Grâce à un système de capteurs électriques installés sur le crâne de l'autiste, la première méthode consiste à améliorer la flexibilité et la régulation du cerveau, afin de mieux synchroniser l'activité des neurones, permettant, ainsi, à l'enfant de passer rapidement et aisément d'une tâche à l'autre. Destinée à repérer les dysfonctionnements de l'écoute chez l'enfant, la deuxième méthode, mise en place par le Dr Alfred Tomatis, médecin français spécialisé en ORL, rééduque l'oreille à la fonction de l'écoute dans le but de remédier aux troubles de la communication et du langage. Quant à la méthode Padovan, cette technique basée sur une série de mouvements corporels précis permet d'améliorer certaines fonctions de base comme la respiration, la succion, la mastication et la déglutition. «Pour que des résultats soient observés, il faut qu'il y ait une prise en charge globale de l'enfant autiste, explique Farah Béji, psychologue clinicienne au sein du centre. La méthode ABA qui est une technique d'analyse appliquée du comportement permet d'évaluer le sommeil, l'alimentation ainsi que d'autres fonctions chez l'enfant autiste. C'est en fonction de cette évaluation qu'un programme va être mis en place afin de corriger les troubles du comportement observés chez cet enfant dont le suivi sera assuré par deux psychologues cliniciens et un éducateur. Au niveau du centre, nous ne pouvons procéder qu'à une prise en charge partielle de l'enfant autiste car nous ne sommes que deux personnes à avoir été formées à la méthode ABA. Cela ne suffit pas pour prendre en charge tous les enfants autistes qui viennent à l'association». Bien que cette méthode n'ait pas été généralisée à tous les enfants autistes, des résultats spectaculaires ont, toutefois, été observés chez certains enfants intégrés dans l'association. Mais, aujourd'hui, les parents s'inquiètent pour l'avenir de ces autistes, dont la maladie reste mal comprise et qui n'ont pas pu suivre une scolarité normale. Seul, l'un d'entre eux, Selim Bey, apporte une note d'espoir car il a fini par sortir de son autisme, devenir autonome et monter un projet équestre qui a réussi. «Il faut garder l'espoir, observe Dany Bey, de voir un jour l'enfant autiste réussir sa vie. Mais c'est au prix de beaucoup d'abnégation et de sacrifices. A nous parents, ces enfants nous ont éloignés des chimères, apporté de la joie et appris à prendre conscience de la vraie valeur de la vie».