Que ce soit celle-là. Il faut avouer que le foisonnement extraordinaire de la vie culturelle en ce printemps, nous réconcilie avec les choses et que rarement, il nous fut donné d'assister à une telle profusion de colloques, de rencontres, de concerts, d'expositions... Au point que nous, qui nous efforçons de suivre au plus près l'actualité des arts plastiques, devons souvent nous avouer dépassés par les événements, et sommes tenus d'avouer que l'on ne peut tout voir pour vous en rendre compte. Mais dans la programmation, particulièrement faste de ce mois d'avril, s'il y a une exposition qu'il ne faut manquer à aucun prix, c'est celle d'Henri Cartier-Bresson, surnommé «L'œil du siècle», exposition ayant pour thème : «L'imaginaire d'après nature», et qui se tient, actuellement et jusqu'au 27 avril, à Dar El Founoun (Centre d'Art vivant) du Belvédère. Cartier-Bresson, c'est une véritable légende : celle d'un homme qui a fait de son appareil photo le prolongement de son être et qui a sillonné le siècle, objectif enclenché. Photoreporter et artiste-photographe, à une époque où il n'y avait pas de frontières entre les deux regards, il est le co-fondateur de la mythique agence Magnum. «Photographier, c'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'œil et le cœur», écrivait ce poète de l'image. C'est armé de ce credo qu'il a parcouru le vingtième siècle, sillonnant le monde avec un regard lucide, sans jamais se départir d'un grand humanisme. Du Mexique à l'Espagne Républicaine, de la Libération de Paris à l'Inde de Ghandi, de la Chine à l'URSS, il a témoigné d'une présence photographique qui est, aussi, une manière d'être dans le monde. «L'appareil photographique est pour moi un carnet de croquis. Il est l'instrument de l'intuition et de la spontanéité, le maître de l'instant qui, en termes visuels, questionne et déclare à la fois. Pour signifier le monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l'on découpe à travers le viseur. Cette attitude exige de la concentration, de la sensibilité, un sens de la géométrie», explique ce photographe qui a fréquenté de près les plus grands peintres de l'époque. En fait, on se dit que c'est là la clé du mystère, la raison de la magie et de l'émotion que diffusent, par-delà les époques, les photos de Cartier-Bresson : cet équilibre subtil entre la raison et l'émotion, cette harmonie maîtrisée où l'instant fugitif se plie à la rigueur de la géométrie, ce sens remarquable de l'organisation de la vision qui, pourtant, n'ôte rien à sa spontanéité, à cette liberté dans la construction et à cette rigoureuse fluidité. Mais on ne raconte pas une photo de Cartier-Bresson, on court la voir. D'autant plus qu'il s'agit là de tirages originaux exposés pour la première fois à Tunis. L'exposition est organisée par Magnum Photos, la fondation Cartier-Bresson, l'Institut français de Tunisie et le Centre national d'Art vivant, avec le soutien de Vision+.