Par Hmida BEN ROMDHANE Dimanche dernier était une journée plus sanglante que d'habitude en Syrie. Les bombardiers israéliens étaient entrés dans la danse, une danse macabre puisqu'ils ont laissé derrière eux des morts, des blessés, des disparus et des destructions. Cette danse aérienne israélienne macabre en Syrie n'a sûrement étonné personne dans le monde. Israël est connu par tous, amis et ennemis, comme une entité hors-la-loi, un Etat paria, qui occupe, agresse, tue avec la bénédiction de la plus grande puissance du monde. Peut-être y-a-t-il encore quelques rêveurs disséminés ici et là à travers le monde, attendant que les Etats-Unis se réveillent un jour, fassent un petit exercice d'introspection, se demandent pourquoi sont-ils obligés de prendre le parti de l'agresseur contre l'agressé, de l'occupant contre l'occupé, du bourreau contre la victime ? Ils attendent toujours. Ils attendent toujours, car cette fois encore, la poussière soulevée par les destructions israéliennes à Damas ne s'est pas encore apaisée, ni les morts ramassés, ni les blessés secourus que l'Etat fédéral américain s'empresse d'afficher haut et fort son soutien à l'incursion militaire d'Israël en Syrie et de défendre son «droit» à assurer sa «sécurité» comme il l'entend... Tout se passe comme si, à Washington, la classe politique américaine a une peur bleue non pas de condamner Israël, c'est impensable, ni même d'être neutre, c'est tout aussi impensable, mais d'accuser un retard dans l'affirmation publique du soutien américain à Tel Aviv. Tout se passe comme si la classe politique américaine a une peur panique d'être prise en flagrant délit d'hésitation quant à son soutien à Israël. Car celui-ci peut en effet interpréter tout retard dans le soutien attendu comme une hésitation et décider de sévir à Washington en détruisant des carrières politiques. A moins que, à force d'obéir aveuglément aux caprices d'Israël, la plus grande puissance du monde a fini par intérioriser le réflexe de Pavlov, ce qui l'amène à opiner énergiquement et automatiquement du chef en signe d'approbation de tout bombardement, de tout drame, de toute catastrophe infligés par Israël à des pays ou des peuples plus faibles militairement. Auquel cas, on comprendra alors parfaitement le comportement américain, car le réflexe de Pavlov, tout comme il amène le chien à saliver sans se soucier de ce qui va venir après la sonnerie, il amène les Etats-Unis à opiner énergiquement du chef à chaque agression israélienne, petite ou grande, sans se soucier des souffrances de millions de personnes provoquées depuis des décennies par le banditisme militaire israélien. Ce réflexe de Pavlov est responsable donc depuis de longues années des graves conséquences du banditisme militaire israélien. Il infantilise si l'on peut dire la plus grande puissance du monde en la dépouillant de sa capacité de percevoir les dangers et de réagir correctement pour les prévenir. Il réduit à néant sa capacité d'analyse et de discernement, la rendant inapte à prendre la décision qu'il faut au moment qu'il faut. Ce réflexe de Pavlov est au moins en partie responsable de la plus grande catastrophe de la politique étrangère américaine : l'invasion de l'Irak. Cette catastrophe pour l'Irak, pour les Etats-Unis et pour le monde est due, entre autres, à la prédisposition américaine à prendre les désirs d'Israël pour des ordres. Y a-t-il une politique étrangère plus irrationnelle, plus absurde, plus catastrophique que celle qui, pour servir les caprices d'un pays de six millions d'habitants, accepte de se faire abhorrer par un milliard et demi d'êtres humains dans le monde ? Pour revenir au bombardement israélien de dimanche contre la Syrie, Israël avance comme argument «la nécessité d'empêcher que des armes iraniennes n'arrivent entre les mains du Hezbollah». Cet argument est fallacieux et n'a aucune crédibilité aux yeux des observateurs objectifs. A supposer qu'il y'ait des armes iraniennes qui circulent en Syrie et tombent dans les mains du Hezbollah, elles ne peuvent en aucun cas, dans les circonstances actuelles, être orientées contre Israël, et ce pour deux raisons principales. La première est que le Hezbollah n'a jamais agressé Israël. Certes, il a combattu ce pays pendant dix huit ans, mais c'était dans le cadre d'une guerre de libération du Sud- Liban, une guerre parfaitement légitime, dans laquelle le Hezbollah était la force motrice qui a fini par expulser manu militari les forces d'occupation israéliennes. Dans toutes les guerres menées depuis par Israël contre le Liban, le Hezbollah n'a rien fait d'autre qu'user d'un droit reconnu universellement, celui de la légitime défense. La deuxième raison est que l'Iran et le Hezbollah, fortement engagés aux côtés du régime de Bachar Al Assad, n'ont ni le temps ni probablement l'envie de penser à Israël. En fait, c'est celui-ci qui n'arrive pas à se défaire de son idée fixe : attaquer l'Iran. La plupart des observateurs estiment que l'attaque israélienne de dimanche dernier était dictée moins par une volonté de s'en prendre à un pays en pleine guerre civile que par le désir de s'engager dans un règlement de comptes avec l'Iran. Les Etats-Unis, totalement inhibés face à Israël, semblent inconscients des risques d'embrasement de la région, si les Israéliens continuent sur leur lancée provocatrice et ne maîtrisent pas leurs démangeaisons anti-iraniennes. Les bombardements israéliens de dimanche ont mis en relief deux «qualités» israéliennes : la lâcheté et l'inconscience. En effet, quoi de plus lâche que de s'en prendre à un pays à genoux, sinistré par une atroce guerre civile, même si c'est l'Iran et le Hezbollah qui sont visés ? Et quoi de plus inconscient que, parce qu'on dispose d'une forte armée et de deux cents têtes nucléaires, on se soucie comme d'une guigne des dangers d'embrasement de toute une région où les risques de brûlures ne se limiteraient pas aux seuls ennemis d'Israël.