Les explications du rapporteur général Habib Khedher C'est à partir de lundi prochain que le comité de coordination et de rédaction de la Constitution se réunira pour se pencher sur les remarques soumises par le groupe d'experts, portant sur la future loi fondamentale. Des rectifications, dont la dernière tranche a été déposée hier par courrier électronique aux membres dudit comité. Rectifications qui touchent tant la forme que le fond de l'ensemble des articles du dernier-né. Le premier et le deuxième articles sont également concernés par ces éventuelles modifications, selon les propos de Habib Khedher. Le rapporteur général nous a déclaré hier, à l'ANC, que le comité de rédaction reste ouvert, aussi bien aux propositions des experts qu'à celles émanant du dialogue national en vue de l'amélioration du texte. Tout en prenant soin d'ajouter que celles-ci n'ont pas de caractère impératif. Une position plus ou moins conciliante, dans une probable tentative de redorer le blason d'un texte décrié avant sa mise à jour définitive. Spécialistes et profanes se sont accordés à taxer le troisième bouillon sorti de l'enceinte de la constituante le 22 avril dernier de restrictif des droits et libertés, très en deçà des attentes du peuple, avec les pièges juridiques qu'il contient, les imprécisions et les formulations sujettes à controverse. Face à ces accusations, en plus de celle qui incrimine le comité de rédaction d'avoir outrepassé ses attributions, le rapporteur général émet des doutes et des argumentations que nous vous exposons. Reste à dire que tout juste hier, le comité s'est réuni pour mettre au point le calendrier de la prochaine étape et quelques détails organisationnels. Il a été décidé, en outre, qu'à partir de lundi prochain le coup d'envoi d'un cycle ultime de rencontres du comité sera donné. La date du 3 juin a été retenue, avec les réserves d'usage, pour le dépôt de la quatrième mouture au bureau d'ordre de l'ANC et pour sa transmission au président de la République et au chef du gouvernement. Habib Khedher, rapporteur général : «Pour aboutir à cette dernière mouture, nous n'avons convoqué aucune fois le vote». La Constitution saisit un esprit et une âme, les articles s'interprètent comme un tout harmonieux. Une disposition ne peut pas se lire en porte à faux avec le reste du texte constitutionnel. Le tribunal administratif comprend dans ses prérogatives de ne pas permettre une interprétation qui s'oppose au reste du texte. Cette Constitution est l'aboutissement de travail des constituants qui viennent d'horizons différents, qui relèvent de plusieurs partis, d'orientations politiques et d'idéologies distinctes. Pour ce qui est de l'article 136, «l'islam est la religion de l'Etat» qui ouvre la voie, selon certaines lectures, à l'Etat théocratique, l'article 2 édicte le caractère civil de l'Etat tunisien. Ainsi que l'article 136, lui-même, qui dispose dans son alinéa quatre la nature civile du régime. De plus, l'Etat civil a trois fondamentaux: la citoyenneté, la souveraineté du peuple et la suprématie de la loi. J'ajouterais que cet Etat civil n'est nullement en conflit ouvert avec la religion. Cette Constitution est celle du peuple tunisien et de l'Etat tunisien, lequel depuis sa création entretient un rapport harmonieux avec l'Islam. Mais, de là à dire que l'article 136 jette les bases d'un Etat religieux, gouverné par un guide suprême, qui tire son pouvoir de Dieu, que nul n'a le droit de contredire faute de basculer dans l'apostasie, c'est un leurre, puisque le pouvoir législatif est entre les mains du parlement. Nous pouvons nous inspirer des idées ou des faits, tels que les dires du Prophète, pour régenter la guerre, si besoin est (ne pas tuer une femme, un enfant, ne pas déraciner un arbre), où est le problème ? Si demain un texte de loi s'inspire de cette noble directive ? Nous avons une réserve riche de principes et de valeurs. La production normative a trouvé certaines de ses sources d'inspiration dans les textes sacrés et les exemples sont multiples; le Code du statut personnel, lui-même, est présenté comme une interprétation qui se situe toujours à l'intérieur des sources scripturaires, le Coran et la Sunna. Pour ce qui est de l'universalité des droits humains, il faut savoir que si on lève certaines restrictions, la voie est ouverte au mariage homosexuel, entre autres, que la société tunisienne dans sa majorité refuse. L'universalité ne doit pas heurter les fondamentaux de la population, ni ses spécificités. Oui, les spécificités n'ont pas été précisées, mais il y a un compromis autour de cela, tel que la notion du sacré ; le Coran est sacré, Dieu est sacré. Nous n'avons pas besoin d'académiciens pour les déterminer. Les attributions du comité de coordination sont régies par l'article 65 du règlement intérieur de l'ANC qui stipule que toutes les commissions constitutionnelles ont la charge d'élaborer (siyagha) y compris le comité. D'un autre côté, la plénière aura à trancher, et non plus à discuter des articles et de leurs formulations. Or, nous avons reçu des points avec trois à quatre versions, exemple : la commission du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif et des relations entre les deux pouvoirs, par le biais de son président Amor Chetoui, n'étant pas parvenue à dépasser ses clivages, nous a demandé d'arbitrer. Sans parler du fait que certaines tournures, faibles, ne peuvent se hisser au niveau d'un texte constitutionnel, des parties sont truffées de détails inutiles, ou d'aberrations, par exemple si nous sommes en guerre et que le président de la République fait un communiqué, il doit préciser le nombre des forces qui sont au front et leur position... Nous avons éliminé les doublons et replacé certains articles dans leur emplacement originel. En plus, au sein du comité, nous ne faisons pas un travail de compilation des rapports des différentes commissions, mais une œuvre d'harmonisation. Il faut que le texte soit un tout harmonieux. Il faut qu'il soit condensé et produise du sens. Et je tiens à dire que sur les 10 jours de délibération, pour aboutir à cette dernière mouture, nous n'avons convoqué aucune fois le vote. C'est un texte de consensus, dans sa majeure partie.