Entrée en service du premier escadron de la police salafiste... en dépit du «niet» du ministère de l'Intérieur Les expéditions punitives avalisées et ordonnées par les cheikhs du mouvement Ira-t-on, mine de rien, vers l'émergence réelle d'une police parallèle dans le pays ? Cette question qui relevait de l'utopie mérite bien d'être posée après les rumeurs, de plus en plus persistantes, qui auraient circulé, ces jours-ci, et qui font état de la mise en place par les salafistes de leur propre police. Pour en avoir le cœur net, nous avons posé la question aux services concernés du ministère de l'Intérieur qui se sont empressés de démentir la nouvelle, tout en exprimant «la volonté du département de mettre tout en œuvre, et dans le cadre de la loi, afin d'empêcher la création d'une police parallèle», précisant, au passage, qu'«une enquête a été diligentée pour les besoins de la cause». Si nous comprenons le souci dudit ministère de privilégier la discrétion dans la conduite d'une enquête aussi sensible, force est, cependant, de reconnaître que la présence de la police salafiste est devenue, qu'on le veuille ou pas, une réalité. En témoignent deux facteurs principaux, à savoir : 1– Des agents de la police et de la Garde nationale l'approuvent. Eux qui, sous le couvert de l'anonymat, assurent avoir déjà constaté les premiers mouvements de la police salafiste dans plusieurs régions du pays, particulièrement dans les cités populaires. 2– L'enregistrement d'incidents dans lesquels est impliquée cette police. En ce sens plusieurs personnes, innocentes aux yeux de la loi mais mécréantes aux yeux des salafistes, en ont fait l'amère expérience, en faisant l'objet d'agressions, qui sur la voie publique, qui dans les lieux de distraction, qui encore au sortir d'un bar ou d'une boîte de nuit. Expéditions punitives sur fond de versets coraniques ! Comment fonctionnent les flics salafistes ? Qui les dirige? Font-ils du... cumul avec la police nationale ? Selon les premiers éléments de l'enquête que nous avions menée ces jours-ci, aussi bien auprès de citoyens qu'auprès d'éléments des unités des forces de sécurité intérieure, il s'est avéré que la police salafiste évolue en escadrons distincts et en application des ordres des cheikhs de leur mouvement. Ceux-ci qui ne badinent pas avec les scènes qu'ils jugent obscènes avalisent, les yeux fermés, les expéditions punitives lancées contre toute personne accusée d'ébriété ou de port de tenue légère ou de profération de blasphèmes ou de vente de boissons alcoolisées ! Portant un... brassard les identifiant comme «agents de l'ordre au nom de Dieu et au service du jihad», les agents de la police salafiste sont généralement triés sur le volet parmi les jeunes à la carrure impressionnante, au fanatisme religieux consommé et... au riche passé dans les arcanes du banditisme ! Faute d'armes, ils sont munis de bâtons, de sabres, de couteaux et de bombes à gaz. Notre enquête a également révélé que les flics salafistes, pour rendre à César ce qui appartient à César, usent, au début de chacune de leurs interventions, de langage clément, avant d'opter pour la violence, voire pour la liquidation physique pure et simple, au cas où leurs «conseils» truffés de versets coraniques tomberaient dans l'oreille d'un sourd!!! Quant à leurs horaires de service, c'est 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec des pauses obligatoires lors de l'accomplissement des prières. Dommages collatéraux... Par ailleurs, il ressort de notre enquête que le sensationnel côtoie le brutal et flirte avec l'anecdotique. En ce sens qu'il arrive parfois qu'un flic salafiste s'en prenne à son collègue, soit à cause d'un excès de zèle ou par simple inexpérience. Le dernier exemple nous est venu récemment du côté d'El Mourouj (gouvernorat de Ben Arous) où un «gendarme salafise» en fonction a surpris de loin un homme et une femme en train de s'embrasser au coin d'une rue. Intervenant illico presto le sabre en avant pour les arrêter, quelle ne fut sa stupéfaction lorsque le mec qui a décliné son identité s'est avéré être un... flic salafiste bien en barbe, alors que sa dulcinée, le... niqab bien en place, appartient, elle aussi, au même mouvement ! Autre exemple des... dommages collatéraux, la fréquence des engueulades qui se déclenchent entre les agents de ces unités, au moment de la sentence à ordonner, celui-ci préférant une dure correction pour la victime et celui-là... son égorgement pur et simple ! La chasse aux policiers «étatiques» ? L'on sait pertinemment que, dans l'idéologie salafiste jihadiste, tous ceux qui sont contre l'instauration de la chariaâ sont à abattre. Quitte à y inclure les forces de sécurité intérieure et de l'armée, dépositaires de la sauvegarde des attributs de la paix et de l'ordre dans le pays. Peut-on parler, à ce sujet, d'un début de bras de fer entre la police salafiste et la police «étatique» ? Sans aller trop vite en besogne, il est permis de répondre par «oui», rien qu'en se référant aux nombreux actes de violence et d'agression dont furent victimes, ces temps-ci, agents de police et de la Garde nationale, ainsi que des soldats et des douaniers. La dernière victime de marque des escadrons de la mort fut le cadre policier Mohamed Sboui sauvagement lynché et atrocement égorgé à Jebel Jelloud. Parmi ses cinq assassins arrêtés et déférés, jeudi devant le juge d'instruction, figurent trois salafistes. A méditer.