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A la recherche d'un équilibre instable
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 05 - 2013


Par Fethi FRINI
Sur la petite place, au lever de l'aurore,Le marché rit joyeux, bruyant, multicolore,
Pêle-mêle étalant sur ses tréteaux boiteux Ses fromages, ses fruits, son miel, ses paniers d'œufs.
Albert Samain, le poète français (Le marché)
Tous ces plaisirs et bien d'autres encore certainement se rappelleront à notre bon souvenir, au temps béni où nous avions tant usé nos fonds de culotte sur les bancs de l'école pour la quitter aussitôt avec une tête plutôt bien faite que bien pleine. Ce marché-là, bien évidemment, à l'instar de nos souks d'antan, au charme à la fois ambiant et désuet, n'a rien à voir avec, n'en déplaise aux nostalgiques invétérés, avec ce qui fait désormais notre lot quotidien si, des fois, l'envie se faisant sentir de s'aventurer dans un de ces marchés parallèles ... Car, débordant le marché traditionnel, depuis quelque temps déjà, le commerce, dit informel, aurait envahi nos rues et même nos vies, contre lequel une âpre lutte est, d'ores et déjà, engagée au quotidien par les forces de l'ordre, les responsables municipaux, ne sachant plus à quel Cheikh, euh, à quel saint se vouer, ni, d'ailleurs, quelle saine et définitive décision enfin prendre à son encontre.
Opérations d'envergure
Des bicoques, baraques et autres kiosques de fortune, sinon des étals à même le sol ont, certes, été «détruits» dans le cadre d'opérations d'envergure, menées un peu partout, qui auraient permis, disons, d'éradiquer bon nombre de sites de commerce informel, mettant nécessairement au chômage technique quelques milliers de jeunes désœuvrés, et non sans mettre également quelques-uns d'entre eux dans de mauvais draps; lesquels, des fois, en désespoir de cause vont jusqu'à s'immoler pour finir par mettre à rude épreuve, de par le passé et présentement, tant de pouvoirs politiques bien en place. D'autres, ici et là, sont encore en souffrance et seraient aux dires des responsables sur le point d'être résolus, tentant, entre autres solutions, d'intégrer ces commerçants illégaux dans le circuit dit «officiel» si tant est qu'il en reste encore. Selon des sources généralement... dignes de foi, dans l'immédiat, ce sont d' anciens et de nouveaux marchands ambulants ou à la sauvette qui vont incessamment bénéficier d'étals, de box ou carrément de locaux dans des marchés nouvellement construits sinon aménagés dans la cité, alors que d'autres sont programmés pour ouvrir prochainement à travers les communes. Autant d'espaces réglementés qui viendraient peut-être bien atténuer le calvaire quotidien enduré tant par les commerçants patentés que par les forces de l'ordre excédées... Reste ce couac, les communes se sont, certes, lancées, depuis, dans la réalisation de marchés, mais ces espaces ont été pour la plupart désertés par ces mêmes commerçants à cause de la concurrence déloyale que leur faisaient encore subir les marchands de l'informel... Ainsi, les box des nouveaux marchés aménagés à lourds frais n'ont que rarement été exploités ou bien alors ils sont tout simplement désertés par les clients potentiels, leur préférant plutôt l'anarchique et le désordonné, curieusement. Ce qui a eu pour conséquence de défigurer le cadre de vie de nos communes puisque les trottoirs et les alentours des marchés continuent d'être squattés. Autre conséquence à déplorer, la «sortie» des marchands, dits légaux, de leurs espaces réglementés jusqu'à déborder sur la voie publique, se disputant les trottoirs aux piétons et la chaussée aux véhicules automobiles. En somme, un beau désordre y règne, qui serait, paradoxalement, un effet de l'art, et des plus recherchés, peut-être bien par ceux-là mêmes qui trônent là haut et un peu partout, d'ailleurs, dans des coins insoupçonnés et pas seulement dans nos souks. Tant et si bien que nous pouvons admettre après Jean-Paul Sartre, dans (Le Diable et le Bon Dieu) que «Le désordre est le meilleur serviteur de l'ordre établi». Néanmoins, André Suarès dans (Idées et visions), considère, de son côté, que «Le désordre est bien puissant quand il s'organise». Il n'en demeure pas moins que «Là où est l'ordre, c'est le pain; là où est le désordre, c'est la faim». Pour G. S. Ghibaudo (Sentence e Proverbi). Voilà, nous sommes édifiés : il s'agit de sauver le pain quotidien de nos chers et non moins pauvres citoyens. Vaste programme !
Pas de société sans règles
A moins de la considérer pour autre chose qu'un rassemblement accidentel d'individus, ou bien alors «une poussière d'individus» (Habib Bourguiba dixit), toute société suppose, toutefois, un ordre puisqu'il n'y a pas de société sans règles. Cet ordre se révèle, au premier regard, par un ensemble de prescriptions et d'interdits auxquels, contraints ou spontanément, se soumettent les membres du groupe, adoptant une discipline qui, éventuellement, sanctionne les comportements aberrants. Tout manquement aux règles expresses ou implicites qui structurent ainsi l'édifice social constitue un désordre, que normalement il devrait recevoir une juste sanction. Car, bien que le droit ne soit pas seulement une force qui punit, bien qu'il soit aussi une force qui organise les rapports des hommes entre eux, il demeure certainement une «force» que les pouvoirs publics, qui se respectent, se devaient d'user et, surtout, de ne pas en abuser. «Ce qui est désordre, violence, attentat au droit d'autrui, doit être réprimé sans pitié», soutient, péremptoire, Ernest Renan dans (Questions contemporaines).
Dès lors, le désordre apparaît comme un refus de la règle ainsi adoptée. Seulement, ce refus peut être motivé par l'individu qui cherche ainsi à se soustraire à l'obligation pour satisfaire une passion ou un intérêt personnels. Il vole pour s'enrichir, il tue pour se venger, il brûle un feu rouge parce qu'il est impatient... En somme, il transgresse la règle, communément admise, pour des raisons souvent inavouables, troublant, pour ainsi dire, l'ordre public établi... Dans ces divers cas, le désordre s'analyse en une infraction par laquelle l'individu s'affranchit de l'ordre sans mettre en cause sa valeur. À condition de demeurer exceptionnels, de tels comportements sont sans gravité pour l'ordre, car ils contribuent en définitive à faire ressortir sa nécessité.
Une cohabitation contrôlée
Au fait, qu'est-ce qui menace le plus la vie en société : l'ordre ou le désordre ? Dans la société, dans toute société, règnent l'ordre et le désordre. Ils ont d'ailleurs toujours cohabité, d'ailleurs, une cohabitation contrôlée, avec plus ou moins de bonheur. La pire menace pour la vie en société est le désordre, bien évidemment . Selon Sigmund Freud, le désordre serait une grave menace car l'homme, paraît-il, agit selon ses instincts et ne souhaite pas être soumis à la contrainte et à l'inhibition des instincts. L'homme souhaite donc jouir pleinement de sa liberté en tant qu'individu. Pour Thomas Hobbes, cependant, le désordre qui menace la vie en société se présente sous la forme de l'Homme de nature: l'état de nature fait que les individus se trouvent dans un «état» où ils sont parfaitement libres d'ordonner leurs actions, de disposer de leurs biens et de leurs personnes comme ils l'entendent, dans les limites du droit naturel, sans demander l'autorisation d'aucun autre homme ni dépendre de sa volonté. Les hommes apparaissent donc dans l'état de nature comme des hommes libres de leurs gestes : l'homme définit donc la condition humaine, à savoir la vie et la liberté, que Thomas Hobbes qualifie d'incommode. Aussi, s'organiser pour une société, ce n'est pas une chasse sans merci au désordre, mais plutôt un exercice vers un meilleur équilibre entre l'ordre et le désordre, dans un sens comme dans l'autre. Ne nous sommes pas constamment à la recherche d'un équilibre instable, depuis, semble-t-il, notre tendre enfance? Se tenir ainsi en équilibre dit instable sur nos deux jambes contre les forces de l'attraction terrestre nécessite en effet un long apprentissage pendant l'enfance pour adopter la position bipède, du fait que les êtres humains sont presque toujours en mouvement, se balançant en arrière et en avant et d'un côté à l'autre, même quand ils tentent de rester immobiles. L'équilibre est une notion qui fait de plus en plus partie de nos préoccupations et à juste titre, une question très contemporaine qui ne se posait même pas il y a à peine quelques décennies. D'ailleurs, la recherche de l'équilibre ne cesse d' interpeller les individus et de façonner la société en général. Par exemple, l'équilibre travail — vie personnelle, ou l'équilibre des pouvoirs, particulièrement difficiles à établir. Seulement voilà, le point d'équilibre entre l'ordre et désordre est différent pour chaque personne, selon sa propre perception des avantages et inconvénients, en fonction de ses choix ou de sa situation particulière., «Le rassurant de l'équilibre, comme l'a justement écrit Julien Gracq, l'écrivain français, c'est que rien ne bouge. Le vrai de l'équilibre, c'est qu'il suffit d'un souffle pour tout faire bouger». Pour Rupert Murdoch, le grand mania des médias : «Le monde change à une vitesse folle. Le fort ne battra plus le faible. Dorénavant ce sera le rapide qui battra le lent». Voilà, nous sommes prévenus. Et bouger pour bouger, ce serait à nous autres de prendre les devants pour innover, pour booster les choses tout autour de nous d'autant quand ça ne tient qu'à un fil, quand tout est devenu si fragile, quand ça ne tient plus à rien, quand plus rien ne nous retient...
Attention au retournement de situation
Nous rencontrons néanmoins, beaucoup de gens qui nous disent: «Certes, nous vivons un équilibre instable mais nous gardons tout de même un optimisme de bon aloi, convaincus que nous sommes que l'on se devait de bouger les choses, de les faire évoluer dans le bon sens, et que, lentement mais sûrement, l'on viendrait à bout des plus intransigeants, que l'on finit, enfin conciliants, par se dégager du goulot d'étranglement». Et nous les croyons volontiers. Ces braves gens de chez nous sont habituellement pourvus d'une intelligence supérieure à la moyenne, ce n'est aucunement scientifique, usant de notre bon sens légendaire, animés qu'ils ont toujours été de bonne volonté. Nous les comparons, volontiers, à des équilibristes sur un fil, en constante alerte pour éviter de basculer dans le chaos total. C'est faisable, c'est jouable même quoique risqué. Autrement dit, le point d'équilibre entre le désordre et l'ordre a beau être mince, fragile même, au risque de rompre, nous avons, nous autres Tunisiens, dans notre écrasante majorité, choisi de nous installer dans une zone plus sécuritaire, du côté de l'ordre, parce que nous avons jugé, en notre âme et conscience, que les inconvénients du désordre pèsent un peu trop dans la balance, qu'on ne mange guère de ce pain, qu'il ne nous faudrait aucunement jouer avec le feu, que nous nous devons plutôt de renverser des situations compromises. Et, à ceux qui continueraient de faire la sourde oreille à la vox populi, qui feraient encore fi des mises en garde, des rappels à l'ordre et autres appels au dialogue, nous leur dirions : attention au retournement de situation. Mais encore là, c'est vraiment une question de choix et jamais nous n'essaierions de convaincre une personne, ou une partie prenante dans notre échiquier politique, d'augmenter le niveau d'ordre, ou de limiter celui du désordre chez elle. Nous nous contenterions d'interpeller. «Au temps des Grecs, (...) la fatalité régnait sur les hauteurs. Mais elle était inaccessible et nul n'osait l'interroger. Aujourd'hui, c'est elle qu'on interpelle (...). On ne s'arrête plus aux effets du malheur, mais au malheur lui-même, et l'on veut savoir son essence et ses lois». (Maeterl., Trésors humbles,1896, p. 188 ).
Critiquer l'Etat, disent justement les Allemands, c'est ton droit ; mais n'oublie pas que l'Etat, c'est toi ! Ce n'est guère la Troïka, ou toute autre formation politique, autant appeler les choses par leurs noms, pardi !Et nous comptions bien le prouver, par la voie démocratique, aux urnes, lors des toutes prochaines échéances électorales. Voilà, à toi de jouer ! Et de gagner !


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