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Mme Habiba Louati, directrice générale des études et de la législation fiscale : Le régime forfaitaire, un "fiasco" Les chantiers de la réforme fiscale
Cette fois, la confection des textes de la législation fiscale n'est plus l'affaire des techniciens uniquement. En effet, la démarche participative adoptée lors de la nouvelle réforme fiscale consiste à regrouper les parties prenantes dans des ateliers pour débattre les six axes prédéfinis. Un atelier pour chaque axe. «Auparavant, le staff technique recueille les propositions des autres ministères, fait le tri et élabore les textes fiscaux et la loi de finances», rappelle Mme Habiba Louati, DG des études et de la législation fiscale. Maintenant, les travaux s'ouvrent à toutes les parties prenantes, et «libre à eux de participer aux ateliers où ils se sentent le plus à l'aise», précise-t-elle. Et la porte reste ouverte à d'autres collaborations des compétences et des expertises confirmées. Au-delà de cette démarche, la question qui se pose toujours est le pourquoi d'une telle réforme. Est-elle dictée par les bailleurs de fonds ou par les pressions budgétaires? Pour ce qui est du rapport avec les institutions internationales, à l'instar du Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'Ocde... la directrice générale insiste sur le fait que ces organisations ont apporté de l'assistance et non des recommandations. «Autrement, pourquoi programme-t-on tous ces travaux de consultations et ces ateliers?», s'interroge-t-elle. Mieux encore, ces institutions ont effectué des diagnostics du système fiscal tunisien qui ont fait ressortir ses défaillances, à savoir la complexité des textes, la dichotomie entre le secteur off shore et on shore... Par contre, la contrainte budgétaire constitue un élément central dans toute réforme. Les équipes de travail sont obligées de quantifier les répercussions de chaque sur les recettes de l'Etat. «On ne peut pas appliquer une mesure dont on ne peut pas substituer les éventuelles sacrifices de recettes suite à sa mise en œuvre», souligne-t-elle. De toutes les façons, cette réforme s'inscrit dans un cadre plus général de réforme qui touche à tout, ou presque, depuis la révolution. «Cette révision a été prévue depuis 2009», rappelle-t-elle. En effet, le système fiscal actuel n'a pas permis l'atteinte des objectifs fixés lors de son élaboration, notamment en matière de promotion des investissements, de création d'emplois et de justice sociale. A l'heure actuelle, force est de constater que le système fiscal est inéquitable. «On est conscient qu'on est en train de sanctionner les entreprises transparentes», martèle Mme Louati. La célérité dans le paiement de leurs impôts, par le biais des retenues à la source, s'oppose à la lenteur dans le traitement de leurs dossiers de crédits d'impôts. «Ces entreprises transparentes sont notre principale source de recettes», ajoute-t-elle. Et de justifier : «On n'a pas les moyens d'aller à la recherche d'autres entreprises et encore moins celles opérant sous le régime forfaitaire». D'ailleurs, le rendement fiscal de ce fichier de 395 mille contribuables sous le régime forfaitaire est de seulement 23 millions de dinars. «C'est un fiasco», s'alarme-t-elle. Mais, à défaut de moyens humains et matériels, les services de l'administration fiscale se contentent du contrôle des entreprises transparentes, de collecter les impôts à temps pour répondre aux besoins budgétaires pressants. «C'est une injustice fiscale criante», renchérit-elle. Pis, les bons contribuables souffrent, également, de la concurrence déloyale des opérateurs du marché parallèle qui échappent à toute imposition et qui ne cessent de gagner du terrain sur toutes les activités. Pour ces mauvais contribuables, elle exige la mobilisation de moyens nécessaires et suffisants pour mener des campagnes de contrôle et d'intégration, dans l'économie formelle, des opérateurs du secteur informel. Et on ne cesse de rappeler, à cet effet, que tout est tributaire du rendement des agents et des cadres de l'administration. «Les conditions de nos vérificateurs sont déplorables», insiste-t-elle. Et de préciser : «A défaut de moyens et de motivation, on n'a pas à espérer de meilleurs rendements». Les chiffres de l'administration fiscale montrent qu'un seul ordinateur est disponible pour trois agents. Les statistiques de l'administration fiscale montrent, également, qu'avec les moyens disponibles actuellement, 40% des recettes sont générées auprès de 1.600 entreprises, les plus transparentes. On assiste à une quasi-incapacité à aborder d'autres terrains pour puiser d'autres fonds, notamment des dettes fiscales non réglées. Certaines professions libérales, à l'instar des médecins et des avocats, figurent parmi les dossiers épineux d'évasion fiscale. «Ils sont forts», estime-t-elle. Dans cette perspective, il convient de se demander : pourquoi ne pas récompenser les bons contribuables? Au contraire, Mme Louati fait savoir que les retenues à la source appliquées sur les entreprises qui remplissent leurs devoirs fiscaux sont de nature à aggraver leurs trésoreries. Dans la même lignée de justice sociale, la révision du barème de l'imposition des revenus permet de substituer la non-imposition des faibles revenus par l'application de taux plus élevés sur les gros revenus. Mais cette proposition a été, d'ores et déjà, rejetée lors de la préparation de la loi de finances 2013. Sur un autre plan, le système fiscal souffre de défaut de déclaration. «Il faut pousser les contribuables à déclarer leurs revenus», souligne-t-elle. Pour ce faire, l'administration aurait à consentir un travail de longue haleine de sensibilisation et à se doter d'un système d'information pour veiller sur les fraudeurs. S'agissant de la législation, l'adhésion des contribuables dépend en large partie de la simplicité des textes qui cultivent la confiance des contribuables. Ces derniers craignent la manière des administrateurs à interpréter les lois. Jugée biaisée en faveur de l'Etat, les interprétations des administrateurs dissuadent les contribuables de déclarer tous leurs revenus. «Dans certains cas, les divergences d'interprétation des textes ont coûté des milliards aux recettes de l'Etat», déplore-t-elle. Avec des textes de loi plus clairs et plus simples, les conseillers externes et les experts comptables des contribuables seraient en mesure de convaincre leurs entreprises clientes de se conformer à la législation fiscale, partant d'une déclaration fidèle.