Même si tous les constituants du bloc démocratique plient bagage, l'ANC continuera à siéger Les menaces de démission exprimées par plusieurs constituants du bloc démocratique peuvent-elles au cas où elles se concrétiseraient bloquer l'action de l'Assemblée nationale constituante, qui pourrait se trouver amputée de près de 70 députés ? Que prévoient la petite constitution et le règlement intérieur de l'ANC pour remplacer les démissionnaires ? Ces deux questions s'imposent aujourd'hui sur la scène politique nationale d'autant plus qu'il ne se passe plus pratiquement un jour sans qu'un constituant (appartenant au bloc démocratique ou parmi les indépendants se proclamant de la gauche) n'annonce son intention de claquer la porte du palais du Bardo. Après le départ tonitruant du constituant Ahmed Khaskhousi (MDS), plusieurs voix se sont élevées pour exprimer leur ras-le-bol de ce qui se passe à la Constituante estimant qu'elle a dévié de sa mission initiale, celle de rédiger une constitution pour tous les Tunisiens et toutes les Tunisiennes et qu'elle a produit, après près de deux années de travail, un projet de Constitution taillée sur mesure pour Ennahdha. Ainsi, Ahmed Essafi (Parti des travailleurs), Mongi Rahoui (Parti patriotique démocrate unifié), Najla Bourial (Al Massar), Rym Mahjoub (démissionnaire d'Al Joumhouri), Ikbal Msaddaâ (indépendante) brandissent-ils l'arme du départ même si certains parmi eux soufflent le chaud et le froid et distillent quotidiennement des déclarations aussi contradictoires les unes que les autres laissant persister flou et perpelexité auprès de l'opinion publique, plus particulièrement auprès de ceux qui les ont portés au palais du Bardo en leur accordant leur confiance le 23 octobre 2011. Le nomadisme partisan face au règlement intérieur de l'ANC «Sur le plan juridique — précise un expert en droit constitutionnel — les choses sont claires puisque le règlement intérieur de l'ANC prévoit que tout constituant démissionnaire est remplacé automatiquement par le candidat qui le suit sur la même liste. Et même si le règlement en question ne l'indique pas clairement, le bon sens veut que le même siège revienne au troisième candidat sur la même liste au cas où le deuxième candidat déciderait de refuser de rejoindre le palais du Bardo. Sauf qu'il y a une donnée qui est venue entre-temps, bouleverser les calculs des uns et des autres. Il s'agit du fameux nomadisme partisan qui a fait que les listes du 23 octobre 2011 ont radicalement changé et qu'un constituant démissionnaire (du bloc démocratique) n'est plus sûr d'être remplacé par un collègue avec lequel il était sur la même liste. Il ne faut pas oublier qu'outre les constituants ayant changé de partis politiques, les candidats heureux du 23 octobre 2011 ont eux aussi rejoint d'autres partis politiques, le plus souvent n'ayant aucun rapport avec leur formation politique initiale. La crainte est réelle de voir un constituant se proclamant de la mouvance démocratique remplacé par un candidat appartenant, désormais à la Troïka ou proche de ses orientations. Tel est le cas, par exemple, du constituant indépendant Naceur Brahmi élu sur les listes du CPR mais ayant démissionné entre-temps pour adhérer au mouvement Wafa qu'il a quitté également pour annoncer sa qualité de constituant indépendant. La loi est claire : Naceur Brahmi risque s'il décide de partir de voir son siège confié à un candidat du CPR». La majorité est toujours assurée Notre expert constitutionnel pousse plus encore son analyse pour faire remarquer : «Au cas où les 70 constituants appartenant au bloc démocratique plieraient bagages, l'Assemblée nationale constituante continuera à siéger puisque la majorité est toujours assurée. Toutefois, je voudrais attirer l'attention sur une disposition contenue dans l'article 7 de la petite constitution autorisant le fait de confier aux trois présidents (le président de la République, le président de l'ANC et le chef du gouvernement) le droit de gouverner par des décrets-lois au cas où le pays traverserait une période dite période exceptionnelle. Plus encore, l'article 11 de la même petite constitution confère, dans son alinéa 7, au chef de l'Etat, en cas de blocage à l'ANC, des pouvoirs exceptionnels». Aussi, notre expert pense-t-il que «les démissions collectives promises par les constituants du bloc démocratique ainsi que les appels des mouvements «Tamarrod» et «Khnaktouna» pour investir la rue et s'y installer à l'égyptienne peuvent être assimilés à des conditions exceptionnelles autorisant légalement le gouvernement de la Troïka à passer à la vitesse supérieure pour confisquer la rue et y imposer l'ordre à sa volonté».