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Voyager dans la mémoire
Lectures - Alkholkhal de Hassanin Ben Ammou
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 06 - 2010


Par Saloua RACHDI
Alkholkhal, paru en 2010, est le sixième roman de Hassanin Ben Ammou qui publie depuis les années quatre vingt et qui a toujours choisi, comme cadre de ses récits, la Tunisie du Moyen Age et de l'époque moderne. L'action de son dernier roman se déroule à l'époque où la Tunisie était une iyala, un département de l'Empire ottoman.
Hassanin Ben Ammou n'est pas le seul à être inspiré par cette époque : il semble en tout cas que Sir Granvill Temple, un peintre anglais, ait été fasciné par un paysage de la ville du Kef en 1835, qu'il a immortalisé dans le tableau illustrant la couverture : le blanc de la chaux, contrasté avec la couleur de la terre… Entre ombre et lumière, se dresse La Kasbah du Kef qui domine la ville… Les époques coexistent dans les édifices et les habitations : le site de Sidi Bou Makhlouf, les ruines byzantines, les cavaliers aux portes de la ville, les sujets en costume d'époque, tout pour nous mettre dans l'ambiance de l'histoire.
Al Hadhira, la capitale : Tunis ne peut être écartée de ce cadre en tant que centre du pouvoir beylical et centre d'attraction économique et social. La Médina, avec ses souks, ses boutiques, ses ruelles, ses Saints,…les banlieues, avec leurs palais et leurs vergers sont aussi le théâtre où évoluent les protagonistes, sans oublier les étendues de steppes et les plaines et collines où résident les tribus et les sujets concernés par l'histoire. Les insulaires paraissent isolés du continent et Kerkennah est présentée comme une terre d'exil, à une époque où les moyens de transport étaient encore rudimentaires.
Les oppositions entre la ville et la campagne, les ruraux et les citadins, la richesse et la pauvreté, la liberté et l'assujettissement, la rébellion et la soumission, le pouvoir et la décadence sont autant de dualités que l'auteur exploite pour tisser la trame de son récit et manipule au moyen de contraintes, ou contretemps, imposés par ce qu'il présente comme hasard ou destin. Ne dit-on pas : " Le hasard fait bien les choses " ? Et on omet de dire que c'est le romancier qui détient le sort de ses personnages et suit la logique de la vie pour parfaire l'illusion. On pense souvent qu'il raconte la vie et on a tendance à oublier qu'il l'invente à sa façon.
" Si le hasard met entre vos mains un bijou en or, ou en argent, ancien ou antique, sachez que, derrière, il y a une histoire d'amour, puis un récit, un roman…"
Ce roman est donc l'histoire du Kholkhal, de celui qui l'a fait faire, de celle à qui il était destiné, de ceux qui l'ont convoité et de celles qui l'ont reçu en héritage. Il est à la fois objet et prétexte de l'histoire. Il a une valeur matrice dans l'évolution du récit et dans son accomplissement.
Cet objet, en plus de sa valeur matérielle, a une valeur symbolique qui dépasse sa fonction de bijou utilisé pour orner les chevilles d'une femme et mettre en valeur sa féminité. Fabriqué en or massif, artistiquement façonné, serti de pierres précieuses, peu commun, cet objet vaut une fortune. Cette valeur matérielle vient appuyer sa fonction sociale, car un tel bijou ne peut être possédé par n'importe qui. Il passe du statut de bel objet à celui de signe de richesse. Sa rareté le destine non seulement aux riches, mais aux plus riches et aux plus puissants : " il est fait pour une Baya " (femme du Bey), comme dirait le juif qui l'a fabriqué. Ainsi devient-il signe de pouvoir et de puissance. Ce bijou sera une sorte de dote et sa valeur sera à la hauteur de la promise. C'est un gage de fidélité, une preuve d'amour, et il acquiert ainsi une valeur sentimentale. Il constitue enfin une garantie contre l'infortune et les coups du sort. Mais… justement, par la manipulation du destin, ce bijou n'arrive à sa destinée qu'après un long détour, et il devient de la sorte un objet maudit, que seul le temps réussit à purifier pour qu'en profite l'héritière.
Les personnages sont présentés progressivement dans le déroulement des évènements. Leur image se dessine au fur et à mesure qu'apparaissent les qualités et défauts, les forces et faiblesses qui constituent leurs personnalités.
Ahmed Lachheb, le cavalier blond, l'officier bras droit de Bey Lamhal, a l'étoffe d'un héros et les faiblesses d'un amoureux. Beau, riche, fort, intelligent et courageux, Si Ahmed est cependant emporté par la hardiesse de la passion qui l'expose sans cesse aux dangers. Aventurier jusqu'au bout, comme Ulysse dans sa détermination, il court vers sa fin. Rusé, il ne sera vaincu que par la ruse.
Zina, la beauté, convoitée par le Bey, courtisée par les notables, est consciente du pouvoir de sa beauté sur les hommes. Elle cherche le meilleur profil de celui qui partagera sa vie après son veuvage précoce. Elle tombe paradoxalement amoureuse de Si Ahmed, l'envoyé du Bey, alors qu'elle le fuyait lui et son maître pour rejoindre un officier algérien qui voulait l'épouser. Un contre-temps l'amène d'abord au Bey, puis un accident la ramène à son amoureux, avec qui elle va tout tenter pour vivre son grand amour.
L'aventure finit par une tragédie. Eloignée à Kerkennah, Zina apprend à connaître les gens, apprend la vie dans le malheur, rencontre Ammar, un pauvre paysan qui a été à l'origine de son drame. Elle apprend à l'apprécier dans un périple salutaire et significatif, puis l'épouse et devient mère…
En somme, Zina, cette beauté fatale passe de la femme bijou, convoitée, à la femme victime, puis à la femme indépendante et manipulatrice, après une longue initiation à la vie par des expériences douloureuses.
Ammar, surnommé le renard, est au départ ce qu'on pourrait appeler un personnage catalyseur. Il contribue à activer les événements, puis il acquiert surtout à la fin une importance en tant qu'actant qui agit sur les événements, réagit, et récolte le fruit de ses actes.
Le bossu, vilain, malicieux, misérable est d'abord un entremetteur et un mouchard. Puis, les circonstances, sa rencontre avec Ahmed Lachheb, son histoire avec le collier de ce dernier (encore un bijou à effet magique), son amour pour Zina qui, déchue, lui revient enfin, tout cela éveille sa conscience endormie et lui apprend à vaincre son côté sombre et à devenir brave et honnête.
Le Cheikh, chef de la tribu révoltée contre le Bey et ses hommes considérés comme des pilleurs, est un personnage important qui agit sur l'évolution de l'histoire et sur la personnalité du protagoniste principal. Il incarne les valeurs des bédouins et contribue par leur biais à l'équilibre (du moins l'équilibre sentimental) de Si Ahmed, devenu son ami dans des circonstances particulières. Il disparaît dans la nature une fois ce rôle accompli, car tout semble affluer dans l'histoire maîtresse : celle de Si Ahmed et Zina.
Bey Lamhal, présenté dans le roman comme prince héritier, percepteur des impôts et homme de pouvoir, est un personnage qui incarne le mal que notre héros doit contourner faute de pouvoir l'affronter. En fait, le degré d'intelligence de Si Ahmed se mesure à celui du danger qu'il affronte tous les jours, celui de côtoyer son rival puissant et l'ampleur de son aventure se mesure à la profondeur de l'abîme qu'elle creuse dans le secret, car Si Ahmed ne renonce ni à l'amour d'une femme (qu'il sait être la propriété du Bey) ni à la vanité qui le pousse à profiter des avantages de sa proximité de cet homme. Cette double traîtrise finit par venir à bout de son aventure désinvolte en le menant à une mort atroce.
Le récit est à la troisième personne, et le narrateur omniscient nous fait découvrir les péripéties de l'histoire avec des retours en arrière. On remonte le temps jusqu'à revenir au point de départ, puis quand on arrive à une impasse, un autre flash-back nous permet de cerner la logique de l'histoire.
L'auteur recourt parfois à l'introspection pour justifier certains revers de situation et certains changements d'état d'âme des personnages. Il veille à ce que le tissu du récit soit sans faille, à ce que rien ne soit gratuit ou sans explication, et il y réussit avec un grand professionnalisme, malgré l'abondance des événements, leur enchevêtrement et leur redondance.
L'écriture est sans faste, accessible, sans pour autant perdre son aspect littéraire. La narration compte beaucoup sur le suspense qui ne manque pas à travers les treize chapitres du roman et retient le lecteur jusqu'au bout, comme le font les bons.


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