Les six allers-retours Moyen-Orient-Washington effectués en quelques semaines par le secrétaire d'Etat John Kerry, rappelle ceux effectués par Condoleezza Rice au temps de George W. Bush, ou ceux effectués par leur lointain prédécesseur Henry Kissinger au temps de Richard Nixon dans le but de ramener la paix entre des voisins qui se détestent dans une région où la tension, les crises et la guerre sont la règle plutôt que l'exception. Entre le premier voyage effectué dans la région par Henry Kissinger il y a plus de 40 ans et le dernier voyage effectué par John Kerry en ce mois de juillet, il est réellement difficile de compter le nombre de ministres, de conseillers et de diplomates américains venus convaincre les Israéliens et les Palestiniens de la nécessité de faire la paix. Avec les énormes moyens politiques, militaires et financiers dont ils disposent, et l'immense capacité de pression qui est la leur, les Etats-Unis auraient pu résoudre le conflit israélo-arabe il y a longtemps. S'ils ont échoué, c'est parce qu'ils leur manque l'essentiel et l'indispensable dans toute entreprise de médiation : l'impartialité, l'intégrité et l'honnêteté. Malgré le nombre incalculable d'échecs enregistrés par « le processus de paix » initié il y a 20 ans, et plus exactement depuis le 13 septembre 1993, date de la signature des accords d'Oslo, les Américains continuent de vouloir jouer les intermédiaires et de faire croire au monde que la paix entre Israéliens et Palestiniens est toujours possible. Pourtant, tout le monde sait, à commencer par les Américains, que le nombre de colonies charcutant la Cisjordanie et Jérusalem-Est est tel, qu'aucune solution n'est possible, qu'il est nettement plus facile de résoudre la quadrature du cercle que de dessiner les contours d'un Etat palestinien dans les territoires occupés. Pourquoi alors tout ce cinéma, et pourquoi les Américains éprouvent-ils de temps à autre le besoin de voir les négociateurs israéliens et palestiniens se soumettre à une séance photos et faire la « Une » des journaux écrits, parlés et télévisés pendant un jour ou deux, avant que tout ne rentre de nouveau dans l'ordre colonial ? En fait, ce ne sont pas les Palestiniens qui ont besoin de négociations. Pour eux, il n'y a rien à négocier. Israël ne quittera jamais volontairement ses centaines de colonies et ne déplacera jamais manu militari ses centaines de milliers de colons. Pourquoi alors acceptent-ils de monter sur scène et de jouer dans des remakes usés jusqu'à la corde ? Ils n'ont guère le choix. Ils sont dépendants dans leur budget et dans le paiement des fonctionnaires des Américains et de leurs alliés. Donc si les Palestiniens montent sur scène, c'est parce qu'ils ont le couteau sous la gorge, et non parce qu'ils attendent un résultat quelconque de la part de la coalition israélo-américaine. La réputation mondiale de ces deux membres de cette coalition est au plus bas. Depuis plus de quarante ans, ils se sont singularisés dans l'opposition systématique à tous les principes de justice humaine et de légalité internationale, condamnant les deux dernières générations de Palestiniens à l'enfer. De temps à autre donc, les deux membres de cette coalition éprouvent le besoin de raccommoder autant que faire se peut leur réputation internationale en lambeaux, espérant faire croire à l'opinion mondiale qu'ils ne se contentent pas d'agresser et de coloniser ou de financer et d'armer les entreprises de colonisation, mais aussi de discuter avec les victimes. Les Etats-Unis ont un motif supplémentaire. Depuis leur agression contre l'Irak, ils ne cessent de collectionner les échecs, ce qui a eu pour effet de réduire fortement leur influence dans la région. Ils ont besoin de croire et de faire croire qu'ils sont tout aussi puissants et influents qu'avant. Et faire monter sur scène Palestiniens et Israéliens pour un remake ennuyeux, pourrait les aider dans ce sens. Mais si du côté des Américains la région en général et les Palestiniens en particulier n'ont rien à attendre, cela ne veut pas dire que tous les horizons sont bouchés. Une petite lueur d'espoir vient de l'Europe qui, en ce mois de juillet, a rendu publique une directive qui balise le terrain à un boycottage général des territoires occupés par Israël. L'application de cette directive, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014, est obligatoire pour tous les membres de l'Union européenne. Concrètement, à partir de cette date, il sera formellement interdit aux pays européens de financer ou de coopérer avec toute entité, institution ou société opérant dans « les territoires occupés par Israël depuis 1967 et comprenant les hauteurs du Golan, la bande de Gaza, la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ». A peine annoncée, cette directive a semé la panique en Israël. Elle a même rendu certains responsables hystériques. L'un d'eux, le ministre de l'Economie, Naftali Bennet, a qualifié la directive de « terrorisme économique ». Quand ils auront dépassé leur crise d'hystérie, les Israéliens n'ont guère le choix que de mobiliser leurs alliés traditionnels, les Etats-Unis et les îles Marshall, pour s'opposer à cette forme inédite de terrorisme en provenance de l'Europe.