Par Hmida BEN ROMDHANE Après la mort sous la torture du prisonnier palestinien Arafat Jaradat, la Cisjordanie est au bord d'une troisième intifadha. La tension entre les civils palestiniens et l'armée d'occupation est, encore une fois, à son comble, et ce, à quelques jours de la visite du président américain, Barack Obama, en Israël et en Cisjordanie. Ni les Palestiniens, ni les Arabes, ni les Musulmans dans le monde n'attendent de miracle de cette visite du président américain. Cela fait près d'un demi-siècle que les présidents américains successifs tentent de résoudre le problème israélo-arabe. Nous avons eu droit au «plan Rogers» sous Nixon, aux accords de Camp David sous Carter, aux accords d'Oslo sous Clinton qui a récidivé avec une autre tentative d'accord avortée à Camp David en été de l'an 2000, à la feuille de route de Bush-fils et à sa conférence d'Annapolis, etc. Le problème est que ces initiatives multiples ont eu pour effet d'aiguiser l'appétit des Israéliens pour les terres palestiniennes au point qu'un demi-million de colons vivent aujourd'hui dans des colonies illégales construites à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, grâce en partie au moins à l'argent du contribuable américain. Tout se passe comme si à chaque initiative, Israël panique face à la perspective de paix, et se lance dans de nouvelles conquêtes de terres palestiniennes, le but étant de rendre matériellement impossible la création d'un Etat palestinien fiable et indépendant. Selon les témoignages et enquêtes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, le charcutage des terres palestiniennes par les innombrables colonies, par les «murs d'apartheid» et par les routes de «contournement» interdites aux Palestiniens est tel que les Israéliens ne sont plus loin de réaliser l'objectif que poursuivaient leurs dirigeants, de Golda Meir à Benyamin Netanyahu, en passant par Menahem Begin, Yitzhak Shamir, Ariel Sharon ou encore Ehud Barak. L'élection en novembre 2008 de Barack Obama a soulevé de gros espoirs dans le monde arabe et musulman. Ces espoirs ont été soutenus par le discours fait par le président américain en juin 2009 au Caire dans lequel il a fait des promesses généreuses, promesses aussitôt faites, aussitôt oubliées. Pendant l'intégralité de son premier mandat à la Maison-Blanche, Barack Obama a ignoré superbement le conflit israélo-arabe et s'est comporté comme si un tel problème n'existe pas. Peut-être la seule fois où il s'est intéressé au sort des Palestiniens était quand il s'était engagé dans un bras de fer avec Netanyahu sur la question de la construction illégale de colonies. Cette très brève confrontation avec Israël s'est terminée très vite par un abandon du président américain qui, à l'instar de ses prédécesseurs, n'était ni à la hauteur de défendre les principes dont se réclame la démocratie américaine, ni en mesure d'envoyer des signes rassurants aux communautés arabes et musulmanes dans le monde. Certains croient que dans son second et dernier mandat, Obama serait plus libre de ses mouvements et moins soumis aux pressions d'Israël et du lobby qui le représente aux Etats-Unis. Ils risquent fort une nouvelle déception, car l'imminente visite d'Obama au Moyen-Orient, qu'il commencera par Israël, aura pour sujet principal l'Iran et non la question palestinienne. L'Iran, qui enrichit quelques kilogrammes d'uranium pour ses besoins énergétiques, mobilise depuis des années l'Amérique et l'Europe et empêche ses politiciens de dormir. Et le peuple palestinien qui, depuis plus de 60 ans, souffre le martyre et voit chaque jour ses terres confisquées et ses enfants emprisonnés et torturés par la dernière force colonialiste dans le monde, ne suscite ni soucis ni insomnies des deux côtés de l'Atlantique. C'est à une grave information que nous avons eu droit lundi dernier de la part de la chaîne 10 de la télévision israélienne. Selon cette chaîne, Obama se rendra le mois prochain en Israël avec une mission précise à accomplir : demander à Netanyahu de faire profil bas et de ne plus parler de l'Iran, non pas dans le dessein de le dissuader de ne pas lancer d'attaques contre ce pays, mais pour le rassurer que ce sont les Etats-Unis qui vont lui régler son compte, et ce, en lui déclarant la guerre «en juin 2013»... A cette grave information donnée par la chaîne israélienne, s'ajoute le même jour un avertissement du nouveau secrétaire d'Etat consistant à dire qu' «il n'y a plus beaucoup de temps pour la diplomatie». Voilà donc le ton est donné. A peine s'est-il installé dans son bureau de secrétaire d'Etat que John Kerry a fixé la priorité américaine. De tous les problèmes d'une extrême gravité qui déchirent le monde en général et le Moyen-Orient en particulier, les Etats-Unis n'ont trouvé d'autres priorités brûlantes à résoudre dans le monde que les quelques kilogrammes d'uranium que les centrifugeuses iraniennes sont en train d'enrichir. Il faut rappeler ici que malgré toutes les réserves sérieuses que l'on peut avoir sur le régime despotique des mollahs, et sauf à vouloir manipuler l'histoire, on ne peut ne pas relever le fait que depuis des décennies, peut-être depuis des siècles, l'Iran n'a jamais été le premier à déclencher une guerre ou à faire preuve d'intentions belliqueuses ou expansionnistes. Il faut rappeler aussi que c'est plutôt l'Iran qui était victime au début des années 1950 du renversement par Washington et Londres du régime nationaliste et démocratique de Mohamed Mosaddeq dont les conséquences désastreuses se font sentir jusqu'à ce jour dans les conditions de vie difficiles du peuple iranien. Il était également victime au début des années 1980 d'une guerre qu'il n'a pas déclenchée et dont le rôle des Etats-Unis dans son déclenchement sera éclairci tôt ou tard. Maintenant, on nous promet une nouvelle guerre contre l'Iran en juin 2013, comme s'il n'y avait pas assez de guerres et de destructions dans cette région maudite du Golfe-Moyen-Orient. Face à cette perspective terrifiante, il n'y a que deux souhaits à faire : que la chaîne israélienne qui a donné l'information prenne ses désirs pour de la réalité; que cette information soit un bluff américain qui vise à mettre la pression sur l'Iran et l'amener à faire des concessions dans le nouveau round de négociations sur le nucléaire iranien qui a commencé mardi dernier au Kazakhstan.