De notre envoyée spéciale à Marseille : Souad BEN SLIMANE Après un week-end à Argilla, le plus célèbre des marchés potiers, vous n'avez qu'un seul désir : mettre la main à la pâte. Quand on dit qu'Argilla est le plus grand marché de la terre, on n'exagère pas. Il faut vraiment deux jours pour faire le tour des stands qui investissent le cœur d'Aubagne. 185 exposants venus de 20 régions de France et d'une dizaine de pays européens, offrent aux regards de milliers de visiteurs, un nombre infini de formes et de couleurs. Les objets en céramique, qu'ils soient utilitaires du quotidien, des pièces décoratives, des bijoux, ou œuvres d'arts, vous transportent chacun dans un univers différent. Il y en a qui par leurs desseins, vous replongent dans l'enfance et les contes de fées. Il y en a d'autres qui nourrissent votre côté fou. D'autres encore vous donnent envie de changer de décor et de vie. Certaines œuvres d'arts sont réellement impressionnantes. Elles sont réalisées avec un curieux mélange de matière. Il y a des sculptures abstraites et d'autres, par exemple, de céramique et de fer, mettent en scène des situations burlesques inspirées de la vie dans les grandes villes. Une de ces sculptures « Cherche des étoiles » (tel en est le titre). Et, elle a des yeux qui vous fixent tendrement, au point de vous clouer sur place pendant plus d'un quart d'heure. Quelles belles émotions et quelle créativité ! Après ce week end du 17 et 18 août 2013 à Aubagne, vous n'avez qu'un seul désir : mettre la main à la pâte ! Une ambiance de fête Depuis le coup d'envoi du marché, c'est la fête à Aubagne. Tout le monde trouve son compte. Les enfants ont leur «boulevard», cet espace du centre-ville qui leur est consacré et où « Argilla » les invite à découvrir le toucher et le modelage de l'argile, dans des ateliers interactifs. On leur propose également de s'amuser dans le manège à vélo qui tourne au rythme d'une musique venant d'une orgue de barbarie. Les visiteurs, qui se promènent à travers les stands, peuvent se désaltérer à l'eau fraîche, mise à leur disposition gratuitement par les organisateurs du marché. De temps en temps, ils s'arrêtent pour goûter aussi aux glaces italiennes et regarder en même temps, les orchestres ambulants et les fanfares. De drôles d'oiseaux les croisent. Ce ne sont que des hommes pingouins qui déambulent dans les rues pour amuser les passants et se faire prendre en photos souvenirs. Le soir, c'est la pause pour les invités et les exposants. Samedi, ces derniers ont eu droit à un repas spectacle à l'espace Lucien Grimaud, animé par un orchestre aux rythmes cubains. Au programme de cette soirée festive, il y a eu un moment merveilleux : un « mapping », spectacle son et lumière, réalisé par une association appelée « Tétines et biberons », en hommage à Danielle Jacqui, peintre sculptrice française. Des chefs-d'œuvre et des civilisations Rappelons que ce marché potier qui en est à sa 12ème édition s'inscrit dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture. A l'occasion, Aubagne, accueille des expos évènements. En plus de «Laaroussa » de Sejnane, invitée d'honneur, il y a les mosaïques de Ravenne(1) qui mêlent réalisme et symbolisme, influences romaines et byzantines, les céramiques de Picasso au nombre de 160 dont certaines sont inédites, le Centre Pompidou mobile qui propose 15 chefs-d'œuvres des XXe et XXIe siècles présentés à tous les publics dans une médiation culturelle ludique, Danielle Jacqui, le four de Pierre Architta, céramiste aubagnais (2), et les photos de Patrick Massaïa qui présentent six ans de reportages sur le continent africain, au contact des savoir-faire ancestraux, dont certains sont en voie de disparition. Un certain regard Grâce au projet Laaroussa, initié par l'association l'Art Rue de Sofiane et Selma Ouissi, le savoir ancestral de Sejnane a réussi à franchir les frontières. Les potières du nord-ouest de la Tunisie ont enfin rompu leur isolement. Les voilà qui exposent au plus grand marché de France. Un stand très spacieux leur est consacré à l'Esplanade De Gaulle, en plein cœur de la ville d'Aubagne. Leur nouvelle collection de poupées, créée dans le cadre de résidences avec l'artiste céramiste Emmanuelle Not, est au centre du stand. Elle est le résultat d'un travail sur le mouvement et sur de nouvelles techniques de cuisson. Mais ces poupées sont si différentes des poupées traditionnelles de Sejnane. Il s'agit d'une armée de femmes voilées, sans visages, qui donne la chair de poule. On nous explique que cette collection traduit la vision du monde d'E. Not. Par ailleurs, l'expo vous immerge dans l'univers de nos potières, avec des installations sonores et une vidéo chorégraphique, inspirée par les gestes de ces femmes artistes et artisanes. Malgré la chaleur, le public nombreux, prend tout son temps pour apprécier le travail des Tunisiennes. On nous apprend, d'ailleurs, une bonne nouvelle : l'expo Laaroussa est sollicitée par l'Italie et le Portugal dans des manifestations similaires à Argilla. Ravenne est une ville italienne de la province de Ravenne en Emilie-Romagne. Elle est considérée comme la capitale mondiale de la mosaïque. Pierre Architta et son compère André Adelheim se sont inspirés du travail des céramistes japonais pour relever un défi original : construire de leur main un four- tunnel à bois de haute température. La plasticienne Aurélie Malbec a suivi toute l'aventure, qu'elle retrace dans ses aquarelles.