C'est un florilège de manifestations artistiques qui pullulent à Tunis et sa banlieue nord. L'événement exceptionnel de la saison, vient d'avoir lieu au centre national de céramique d'art, Sidi Kacem Jelizi qui a abrité samedi dernier les «24 heures non stop», consacrées à la céramique, en présence d'un public dense. L'événement qui s'intitule en arabe «Yaoum El khazaf» s'est donné comme axe au cours d'une première édition en 2009, le travail des potiers de Nabeul, leurs émaux vert et jaune et leurs décors familiers. La nouvelle session 2010 s'est voulue hommage au travail et à la créativité des potières rurales de tradition berbère qui transforment la terre glaise en objets fonctionnels et merveilleux. Un savoir-faire ancestral Ils étaient tous là, ce samedi 29 mai dès 10H00 du matin, réunis à la Zaouia de Sidi Kacem Jelizi, autour de potières sculptant et moulant d'abord à la main et polissant ensuite avec un galet ou un coquillage… Des mains habiles et savantes qui ont permis à ce savoir faire millénaire de résister au temps. Elles proviennent de lieux divers divers : Sejnane en Tunisie, Maatkas (à trente km au sud de Tizi Ouzou, haut lieu de la tradition kabyle en Algérie) et des îles Canaries en Espagne ; elles aussi, appartiennent à la culture amazigh ! Elles étaient onze potières, affairées autour de pièces multiformes, disposées à même le sol de l'enceinte de Sidi Kacem pour mieux sécher ; des récipients et ustensiles usuels d'usage courant, des figurines, vases, appliques murales, bibelots, oiseaux et les fameux petits poissons, symboles de la fertilité. Nul n'ignore que la poterie revêt dans notre pays, une importance capitale, c'est notre mémoire, celle d'une culture et d'un savoir faire ancestral, particulièrement féminin, si non, comment expliquer l'engouement des visiteurs pour ce genre de patrimoine ? Sejnane, ville du nord de la Tunisie, est connue pour être un centre de poteries artisanales aux motifs berbères. Convergents, et souvent figuratifs, tracés en rouge et en noir, qui nous guident dans cet univers féminin. Selon Mohamed Hachicha, artiste céramiste et directeur du centre national de céramique d'art, la manifestation a tenu cette année, à s'ouvrir à d'autres invitées, gardiennes de la tradition berbère, ce qui lui confère une dimension internationale grâce au concours du Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, de l'Ambassade d'Espagne à Tunis et de l'association «la potière de Maatkas» représentée par l'un de ses membres, Ziyani Mourad. Maatkas et le langage secret de ses potières Les potières et les œuvres présentées sont originaires de chaumières nichées sur le versant nord des monts de Djurdjura, la plus haute chaîne montagneuse de la Kabylie où les femmes travaillent l'argile depuis toujours, avec un double souci : le renouvellement des poteries culinaires et la décoration des maisons. Si la Kabylie reste de nos jours une des régions de l'Algérie où le travail des potières est le plus créatif, les poteries utilitaires se font moins fréquentes, supplantées souvent par des vaisselles industrielles, et c'est surtout la poterie décorative qui reste à l'honneur. De même, la potière n'est pas seulement une artiste qui produit pour son propre foyer, mais elle a aussi acquis le statut d'artisane et met ses créations en vente. Ce qui demeure pouratant, c'est le langage secret des motifs qui décorent les poteries ; un langage de femmes qui parlent en silence à ceux qui les contemplent. Les « Loceras » des Iles Canaries Parmi les onze potières, cinq étaient espagnoles. Elles nous viennent des îles Canaries et se font appeler « Loceras ». Elles reproduisent, elles aussi, des formes traditionnelles et travaillent souvent dans les grottes, un endroit idéal, semble -t- il, pour emmagasiner l'argile et créer à l'abri de la trop grand Les outils utilisés sont souvent des éléments naturels comme les cailloux, les galets de plage et les éclats de bois ou branches ou encore, du matériel recyclé. La terre utilisée est une argile volcanique, une pâte riche en matériaux qui donnent aux pièces cuites leur originalité. Les artisanes utilisent un colorant minéral ocre dont l'usage remonte à la période préhistorique de l'île et qui reste le principal élément décoratif de la poterie modelée canarienne.