Tout le monde semble — plus ou moins — s'accommoder du huis clos. Sauf les principaux concernés... A notre connaissance, il n'y a pas le feu au pays... D'ailleurs, il n'y même pas le couvre-feu. Nous ne sommes pas en Irak; nous ne sommes pas en Syrie; nous ne sommes pas en Egypte et nous ne sommes même pas (que vos voisins du Sud nous en excusent) en Libye. Avec un peu de retard, mais —enfin— avec beaucoup d'énergie et d'efficacité, nous combattons et nous portons des coups très durs au terrorisme naissant et nous espérons bien tuer dans l'œuf un terrorisme qui est totalement étranger à nos mœurs et à nos traditions. Mais à notre connaissance et à notre grand regret également, l'après 14-Janvier a été ravageur pour notre sport, les politiques n'ayant pas jugé bon d'y prêter la moindre attention et encore moins la moindre importance. Des politiques qui ont décidément la mémoire bien courte, puisqu'au lendemain même du 14 janvier 2011, certains d'entre eux ont insisté pour se faire voir lors des deux finales continentales disputées par l'Espérance et le Club Africain. La politique remplace le sport... Depuis, ils ont tourné le dos au sport et contraint les centaines de milliers de supporters à rester en dehors des enceintes dans une punition collective que plus rien ne justifie. Il faut dire que tout ce beau monde porté au-devant de la scène par la grâce de la révolution et de ses martyrs a vite fait de trouver d'autres terrains de jeu où toute concurrence et accès étaient interdits aux autres. Nous voulons bien sûr parler des télés, des radios et des journaux où on ne voit et où on n'écoute et on ne lit qu'eux. Chacun y va de son discours, de son show et, surtout, chacun se proclame de la révolution et veut en assurer paternité et maternité. Ironie de l'histoire, leurs prédécesseurs de sinistre mémoire, qui avaient le pouvoir, mais pas celui de débattre de la démocratie, se rabattaient parfois sur les émissions sportives pour chanter la gloire de leur patron et «l'excellence» du sport tunisien, qui pataugeait à l'époque dans un véritable égout, et qui a longtemps été dirigé par des responsables à qui on aurait dû planter un grand tribunal sportif, à l'instar de celui du Nuremberg. Car, ce que les politiques, toutes époques confondues, n'ont pas dit et ne disent pas encore, c'est qu'il y a eu crimes contre le sport tunisien, comme il y a eu crimes contre l'humanité. Nous n'en finissons pas d'en subir les conséquences et nous en aurons sûrement pour un bon nombre d'années encore. C'est que le sport vit de cycles et les champions et les résultats exigent du temps, de l'argent, du travail, des sacrifices et des talents. Il exige également des responsables et, quand bien même on a placé Tarek Dhiab à la tête d'un ministère, il ne peut à lui seul relancer la machine sportive. Car les responsables, les vrais, sont ceux à la tête des institutions sportives: Cnot, fédérations et clubs. Or, plus de deux ans après le 14 janvier 2011, nous ne sommes pas sûrs que nous avons pris et retrouvé les meilleurs à la tête de ces institutions, un bon nombre de transfuges du passé s'étant faufilés à travers les filets de l'histoire pour se refaire une virginité et se retrouver, à nouveau, à des postes de responsabilité. Solutions de facilité Le sport n'étant malheureusement pas au centre des débats, des enjeux et des intérêts au lendemain de la révolution, l'establishment n'ayant pas connu de révolution, nous nous retrouvons aujourd'hui dans une véritable impasse : le huis clos. Il est certes le fruit d'une situation bien particulière que traverse le pays, mais il est aussi et surtout la faute de ceux censés le défendre, qui ne lèvent pas le petit doigt pour le faire et qui s'accommodent même de cette situation. Un ministre ou un ministère ne peuvent eux seuls faire pression sur un gouvernement pour rouvrir les portes des stades. Or, le gouvernement décrète le huis clos comme une solution de facilité, alors que les responsables de nos institutions sportives se terrent et que l'opposition, capable d'ameuter des centaines de milliers de personnes au Bardo et ailleurs, ne daigne même pas se pencher sur la question. En fait, le seul consensus qui réunit le pouvoir et l'opposition dans ce pays, c'est de maintenir un insoutenable statu quo; un inadmissible huis clos. Ces donneurs de leçons qui squattent nos médias et envahissent chaque soir nos foyers ignorent ou feignent d'ignorer quelques points importants. Cette révolution est l'œuvre des jeunes, dont bon nombre se déversent les week-ends dans nos stades et qui sont aujourd'hui privés de leur passe-temps favori, des clubs auxquels ils s'identifient et de leurs idoles. Les clubs accueillent et encadrent des centaines de milliers d'autres jeunes qu'on sauve de la délinquance, de l'oisiveté, de l'alcool et de la drogue, pour en faire de bons citoyens. Interdire l'accès aux stades de football, c'est priver des clubs (tous omnisports) de leur locomotive, le foot, qui fait vivre nos associations et sans lequel le sport est condamné à la disparition. Faut-il enfin rappeler aux grands, et jusqu'à présent, aux seuls bénéficiaires de la révolution que sont les politiques, que c'est un peu beaucoup grâce aux mouvements de protestations et de fronde dans nos stades de foot (et au même titre que les soubresauts du bassin minier) qu'ils sont là où ils sont aujourd'hui. De quel droit donc empêche-t-on aujourd'hui un peuple tout entier, celui du sport et du foot en particulier, de se réapproprier son territoire et de vivre sa passion?! Et si messieurs les politiques vous avez peur du grabuge, on vous répondra «surtout restez en dehors des stades et ne déplacez pas votre petit commerce et grandes magouilles dans les enceintes sportives. Le sport et le football ne s'en porteront que mieux». En d'autres termes, footez-nous la paix!