Les projections ont confirmé la réussite de deux grandes écoles du cinéma, celles d'Egypte et d'Iran. Le festival international du film amateur de Kélibia (Fifak) a connu, mardi dernier, sa deuxième soirée de projection, où la compétition internationale continuait d'avancer d'un bon pas, alors que la nationale a servi son premier lot de films. Quatre courts-métrages en lice dans la première catégorie ont été suivis de cinq autres pour la deuxième. La soirée spéciale dédiée à la Palestine, prévue tout de suite après, a été interrompue, à cause de la pluie. Le public défie la pluie Le ciel de Kélibia est, depuis deux jours, défavorable aux activités du Fifak, surtout la principale, à savoir les projections, qui ont lieu dans la soirée, au théâtre de plein air de la ville. Mais le public était là, comme toujours. « Pas une place de vide », pouvait-on entendre ici et là dans les rangées, mardi dernier. La grande affluence du public est une constante du festival. D'autres constantes ont été révélées pendant cette soirée, de par son programme et son contenu. En ce qui concerne la compétition internationale d'abord, où ont été montrés les films Une visite quotidienne de l'Egyptien Maged Nader, 10 sur la capitale du Tunisien Hamdi Jouini, Rogalik du Polonais Pawel Ziemilski et Night of lamb de l'Iranien Amir Mechran. Cette projection est venue confirmer la réussite de deux grandes écoles du cinéma, celles de l'Egypte et de l'Iran, habituées à se présenter au Fifak, toujours, avec des films qui laissent leurs empreintes. Une visite quotidienne, une fiction de douze minutes, est le deuxième des quatre films égyptiens en compétition à avoir été projeté, après Catharsis de Alya Ayman, qui l'a été la veille. Maged Nader, par ailleurs, fils d'un grand critique égyptien, narre avec sensibilité et délicatesse la rencontre quotidienne d'une vieille dame et de la jeune femme qui s'en occupe. La première se rappelle des souvenirs lointains et les raconte à haute voix, devant un silence complet de la deuxième qui se contente d'effectuer ses tâches habituelles. Les paroles de l'une et les actions de l'autre sont ponctuées par une sonnerie de portable qui revient plusieurs fois. Ce huis clos, au-delà de son aspect nostalgique, confronte deux générations qui se croisent dans des étapes différentes de leurs vies. Que transmet la plus âgée à la plus jeune et que fait cette dernière de l'héritage qui est là, posé, parfois pesant, à l'image de cette vieille dame, constamment assise dans son fauteuil, près de la fenêtre? C'est ce que semble se demander le réalisateur. Son vieux personnage semble dire « j'ai vécu », devant une jeune génération qui ne vit pas, en tout cas, de la même manière. Quant à la jeune génération de cinéastes égyptiens, elle renouvelle le 7e art, que ce soit dans une forme classique comme pour Une visite quotidienne, ou recherchée, comme pour Catharsis, et prouve que la relève est assurée. La même chose s'applique à l'Iran où le cinéma reste institutionnel mais où les films regorgent de génie et de créativité. Quand on regarde un film iranien au Fifak, on regarde du cinéma mais aussi une réinvention de sa conception et de sa pratique qui permet aux cinéastes de déjouer la censure et les tabous, réussissant ainsi à passer leur message. Du bon et du moins bon Mardi dernier, c'est avec le film d'animation Night of lamb que ce pays a défendu son drapeau. L'action se déroule dans une ferme où un petit agneau devient la risée du troupeau quand on lui tond sa laine. Il passe dès lors par une épreuve qui lui apprendra beaucoup sur lui-même et sur la vie. Cela donne 13 minutes et 54 d'humour et de sagesse où, à la manière des fables, les animaux prennent la place des humains pour servir la morale de l'histoire. Le film tunisien de la compétition internationale est un documentaire qui, comme son titre l'indique, 10 sur la capitale, parle d'un endroit qui se trouve à 10 km de la capitale. Il s'agit de la ville de Mhamdia où la caméra de Hamdi Jouini squatte pendant 23 minutes la souffrance et la précarité des habitants, le taux élevé du chômage, le manque d'infrastructure, le quotidien dépourvu de toute activité de loisir... Bref, toutes les composantes d'un reportage basé uniquement sur les témoignages, où les interviewés parlent comme sur un écran de télévision. On parle encore et encore, on se plaint des conditions avec des « rien n'a changé » redondants. Un thème combien usé, où le cinéma est le «parent pauvre» et où la forme n'apporte rien au sujet. De plus, l'idée sur laquelle le réalisateur base son film est la dénonciation que des gens puissent vivre dans de telles conditions et l'étonnement que cela se passe à seulement 10 km de Tunis, alors qu'en plein centre de Tunis, à la Médina par exemple, on peut trouver la même situation et parfois pire. Le documentaire reste donc un exercice difficile pour nos jeunes cinéastes. La compétition nationale le confirme. On y retrouve Sidi Ahmed Bey (11minutes) de Mehdi Chaker, Awatef Tarzi et Bilel Ben Romdhane, L'autre (4) de Sami Belhaj et Lassoued (4) de Aymen Zawali. Trois documentaires où l'on perçoit des personnalités très différentes. Le premier est réalisé par des étudiants de l'école d'architecture et d'urbanisme à propos d'une propriété beylicale abandonnée à La Marsa. De par sa raison d'être, ce film est davantage axé sur les informations qu'il contient que sur la forme. L'autre est par contre un poème filmé qui réussit à émouvoir, qui peint rapidement une société construite autour d'un nœud. Loin de la parole abondante, Lassoued filme le phosphate de Gafsa par des plans fixes, des lieux et des visages à travers lesquels il pose de nombreuses questions. Côté fiction, c'est une autre constante que nous a livrée la compétition nationale de mardi dernier avec les deux courts-métrages Des couleurs chez les nuances de Mohamed Hamemi et A la couleur du néant de Mohamed Maaoui. Les deux films appartiennent à deux clubs de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs qui ont habitué les organisateurs et le public à des œuvres compétitives, où le travail d'équipe est un point fort qui porte, souvent, ses fruits. Le club FTCA de Hammam Ghezaz, pour le premier film, et celui de Kélibia, pour le deuxième, ont, à maintes reprises, raflé des prix au festival. Des couleurs chez les nuances n'est pas au niveau de Le fils de pauvreté de Nidhal Ben Hassine, prix spécial du jury du Fifak 2012, mais la compétition nationale n'en est qu'a ses débuts. A suivre...