Invectives, menaces et grande gesticulation, sans oublier la théorie du complot, ont truffé les interventions des élus Hier, en fin de matinée, s'est tenue une séance parlementaire, dite consultative, rassemblant presque la plupart des élus, hormis ceux qui se sont retirés et quelques présidents des groupes parlementaires majoritaires, dont l'absence a été relevée. Le rendez–vous est donné dans la salle de l'ancien bâtiment du palais du Bardo. Et justement, le lieu avait acquis, à travers le prisme de la crise que traverse l'ANC, une formidable charge symbolique. Devait-on oui ou non rester dans la petite salle, presque en cachette ? Ou bien forcer la lourde porte de la plénière et signer, par cet acte violent, une contestation forte, voire une dissidence à l'encontre de l'autorité de Ben Jaâfar. Le président de l'Assemblée, en étant absent, avait capitalisé hier à lui seul une bonne partie des discussions houleuses qui ont basculé rapidement vers des polémiques tapageuses. On contestait sa décision unilatérale de suspendre les travaux de l'ANC, on l'accusait même d'abandon de poste et de trahison de la mission qui lui est impartie. Ben Jaâfar aurait alourdi son dossier par la fermeture de la grande salle. Au beau milieu du débat, non encore tranché, Azad Badi, du mouvement Wafa, annonce l'impossibilité de migration vers la coupole, puisque, dit-il, en lisant un billet qu'il vient de recevoir, elle est fermée à clef, suite à la décision du président. Grande agitation dans les travées, appel à un passage en force, tant et si bien que le bouillonnant député nahdhaoui Néjib Ben Mrad cria, en se levant brutalement de son siège : «Ici ce n'est pas la maison de son père », visant le président de l'ANC (sic). Accusations, invectives, menaces et grande gesticulation, sans oublier la théorie du complot, ont truffé les interventions des élus, pour empoisonner l'atmosphère d'une réunion longue et agitée qui a duré près de quatre heures. A côté de Ben Jaâfar sur le banc des accusés se trouvait en bonne place le mouvement Ennahdha, qui est accusé, au mieux de perdre ses repères, au pire de déloyauté, en oubliant ses vrais alliés, en s'adonnant à des tractations dans des chambres closes, avec ses propres ennemis, les rcdistes, ceux contre qui le peuple s'est révolté. Ces alliances contre nature Certains députés indépendants, d'autres du courant «Mahaba» (ex-Aridha), et du mouvement Liberté et dignité, du CPR, actuels et démissionnaires, ont été particulièrement virulents à l'adresse des députés qui se sont retirés, et de facto, en situation d'illégalité, qu'il faut ignorer et reprendre les travaux, mais également à l'adresse du parti islamiste au pouvoir. Ennahdha a été plusieurs fois accablé, à cause de ses nouvelles alliances contre nature, «qui ne font que confisquer la volonté du peuple». L'Ugtt n'a pas été épargnée, de son côté, ce médiateur non équitable, «rallié scandaleusement à une partie au détriment d'une autre», selon les détracteurs, ni les puissances étrangères qui osent interférer dans les affaires internes du pays. Dans ce brouhaha, certains élus, connus pourtant par le passé par leur intransigeance, à l'instar de Walid Bannani, appelaient à l'apaisement, au débat. Jamel Touir, d'Ettakatol, invoquait, de son côté, la patience et la retenue jusqu'à aujourd'hui, puisque Ben Jaâfar donnera un discours à la nation. «Ecoutons-le, d'abord», s'adressa-t-il à ses collègues. Des appels ignorés, rejetés, voire violemment critiqués. La tendance dominante était au combat frontal. Tahar Hmila, Amor Chetoui et Samia Abbou avaient proposé, to de go, de tenir une séance d'ouverture et de nommer Tahar Hmila (le député le plus âgé), président, comme le stipulent les articles 26 et 27 du règlement intérieur. «L'Etat souffre de ce vide institutionnel. Et si le pays était attaqué par Israël, ou par un pays voisin, alerte-t-il, que peut-on faire ? Qui va prendre des décisions ?», s'écriera l'autopressenti Tahar Hmila. La surenchère était au rendez-vous et les esprits chauffés à blanc. Il est clair que dans cette phase délicate que vit la Tunisie, les élus de certains courants se sont sentis écartés d'un revers de la main des véritables enjeux régentés par les acteurs politiques majeurs. D'où l'extrême virulence du lexique et la violence presque physique de la réunion. Nous avons assisté à des plénières très violentes, hier le ton était différent, ce n'est plus un combat politique ou sociétal musclé, mais plutôt une lutte pour la survie. Des groupes entiers ont senti, à tort ou à raison, que la présente redistribution des cartes s'est faite sans eux.