Les concertations entre le quartet parrainant le dialogue national et les partis de la Troïka sont-elles entrées dans l'impasse ? L'issue à la crise paraît de plus en plus lointaine Le discours de Ben Jaâfar jouant la carte de l'apaisement a-t-il contribué à changer la donne au sein du paysage politique national ? Les déclarations de Houcine Abassi à l'ouverture, hier, du congrès de l'Union régionale du travail de Tunis indiquant que l'option du dialogue est toujours à l'ordre du jour et que les différents protagonistes sont plus que jamais pressés de consentir les concessions, même les plus douloureuses, ouvrent-elles une brèche dans cet imbroglio installé mercredi 4 septembre et menaçant de retourner à la case départ ? Voici les principales interrogations que se posent aujourd'hui aussi bien les citoyens ordinaires que les analystes ou acteurs de la scène politique et civile nationale. Nous attendons des messages clairs Au niveau de l'Ugtt, le ton est à l'apaisement mais pas à n'importe quel prix: «Houcine Abassi a bien laissé entendre que les concertations peuvent reprendre mais à condition que la Troïka consente clairement les concessions que tout le monde attend et en premier lieu la démission immédiate du gouvernement Laârayedh. Nous ne voulons plus des négociations interminables à travers lesquelles la Troïka ne fait que gagner du temps», martèle Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l'Ugtt, chargé de l'information. Il est encore plus tranchant en soulignant : «Les négociations ne reprendront que sur la base de concessions sérieuses. Nous exigeons des messages clairs de la part de la Troïka. Pour le moment, il n'y a pas de rencontre programmée pour les jours à venir entre le quartet et la Troïka». Pour ce qui est de sa lecture de l'allocution télévisée de Mustapha Ben Jaâfar, le responsable syndical est convaincu que «le président de l'ANC est objet de plusieurs pressions auxquelles il a fini par céder sans parvenir à concrétiser sa promesse initiale, à savoir que la levée de la suspension des travaux de l'ANC est conditionnée au démarrage du dialogue national». «En tout état de cause, conclut-il, la réunion de la Commission administrative nationale de l'Ugtt est toujours à l'ordre du jour et ce sont les membres de cette même commission qui décideront de ce que la centrale syndicale ouvrière va faire à l'avenir». Ils sont tous en dehors de l'histoire et de la géographie Une autre voix considère les choses autrement et l'on peut dire même radicalement. Il s'agit de Saïd Kharchoufi, porte-parole de Tayyar Al Mahabba et l'un des chefs de file des constituants légalistes qui campent toujours au sein de l'hémicycle du Bardo. «D'abord, précise-t-il à La Presse, la séance plénière exceptionnelle prévue pour aujourd'hui pourrait sauter puisque nous allons nous réunir aujourd'hui à 10h00 pour en discuter et il est fort possible que nous n'aurons pas le temps de la tenir sachant que les clés de la grande salle sont toujours confisquées par Ben Jaâfar. Quant à l'adresse télévisée de Ben Jaâfar, elle l'a révélé sous l'image d'un dictateur qui n'en fait qu'à sa tête et n'accorde aucune importance aux avis des autres. Il prend les décisions au nom des constituants sans les consulter et il est allé jusqu'à dire qu'il est libre de ses actes, qu'il ne craint personne et qu'il fait fi de tout le monde, y compris son parti Ettakatol et la Troïka qui l'ont porté au poste qu'il occupe aujourd'hui. Pour nous, il doit être sanctionné comme le prévoit la petite Constitution afin que de telles pratiques ne se reproduisent plus à l'avenir». Volet poursuite ou interruption des concertations entre le quartet et la Troïka, Kharchoufi est encore plus clair et tranchant : «Nous ne voyons aucune utilité dans ces pourparlers interminables qui n'ont aucune place dans les démocraties qui se respectent. Le peuple n'a choisi ni Hammami, ni Caïd Essebsi, ni Ghannouchi, ni Abassi pour parler en son nom. Ce sont des citoyens comme tous les autres tunisiens bénéficiant des mêmes droits et astreints aux mêmes devoirs. Donc, nous ne sommes pas concernés, en tant que constituants élus par le peuple, par les accords qu'ils signent quel que soit leur contenu». Du côté du Front du salut national (voir témoignages recueillis par Samira Dami), on se cramponne sur les positions révélées mercredi 4 septembre. «Il n'est pas question de retourner à la table des négociations avant que la Troïka n'accepte clairement la démission immédiate du gouvernement Laârayedh», relèvent en chœur les personnalités approchées par La Presse.