Information et communication sont les deux termes-clés de l'ouvrage publié récemment par l'Académie tunisienne des siences des lettres et des arts Beït El Hikma et signé par le Pr Abdelwahab Bouhdiba. Par ces temps, où sont déplorés l'absence et le mutisme de la recherche sociologique du vécu, cet ouvrage vient à point nommé apporter un éclairage multiple sur l'un des phénomènes les plus frappants, mais aussi les révolutionnaires de notre époque : celui des nouvelles de chronologie de l'information. Pour autant que la gestion s'inscrive dans le rythme soutenu de la recherche et de l'inventivité technologique, l'approche adoptée par l'auteur tente de reconstituer le champ sociologique dans lequel ont germé les prémisses du phénomène numérique. La prétendue unification du monde prônée par la mondialisation a-t-elle réellement abouti? Quels rôles les TIC ont-elles joué à ce propos? Les frontières entre les peuples, les cultures, ont-elles été pour autant levées par l'effet de ces TIC ? Le Pr Bouhdiba décrit la planète comme une sorte de «pelote». «Au ras du sol, ajoute-t-il, c'est un patchwork et les cassures entre nations et, au sein de celle-ci, entre groupes sociaux s'accentuent à qui mieux mieux». Relevant la subtilité des mutations qui ont touché l'écrit, celui-ci étant transféré du papier vers le clavier, mais demeurant digital, l'auteur propose de distinguer dans ce champ d'investigation, «deux grands domaines: celui de l'audiovisuel et celui des multimédias». Des pistes assez intéressantes sont proposées pour une perception rationnelle et détachée du phénomène. Il s'agit notamment de l'analyse des réseaux électroniques en comparaison avec les communautés conventionnelles. Les concepts géographiques, mais aussi de citoyenneté interviennent aussi dans l'analyse, créant une nuance de taille. Nous voilà en présence de «deux ordres de réalité» dont la différence, relève l'auteur, «ne s'exprime pas dans la seule opposition simplifiante du matériel et de l'immatériel». C'est une image parabolique soustendue par une perspicacité incisive que celle développée par le Pr Bouhdiba : «L'utilisateur, seul la plupart du temps face à l'écran, est seul aussi avec lui-même. Les institutions classiques: tradition, famille, école, état s'effacent. Leur rôle de soutien s'estompe. On est passé de la contrainte sociale au contrôle social». Entre l'aliénation et la libération, un long chemin est parcouru par les usagers des TIC et dont les péripéties sont une matière aussi riche que problématique pour la recherche en matière de sociologie de la communication. Cet ouvrage du Pr Bouhdiba s'avère être une référence de base tant au niveau de l'approche qu'au niveau des diverses pistes d'analyse qu'il défriche.