Coup sur coup, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a reçu cette semaine deux figures principales du paysage politique tunisien, qui sont en même temps les deux protagonistes de la crise politique actuelle... Il y a eu d'abord le président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, qui a fait le déplacement mardi en compagnie de Ameur Laârayedh, membre du bureau exécutif et président du département politique du parti majoritaire, ainsi que de Rafik Abdesselem. Puis, le jour suivant, donc hier, c'était au tour du président de Nida Tounès d'avoir un entretien avec le chef d'Etat algérien. L'initiative de ces visites est algérienne et, à travers le choix des personnes, il est clair que l'Algérie envoie un message clair concernant son intérêt dans le dénouement de la crise à Tunis. Ameur Laârayedh, interrogé à ce sujet, fait d'ailleurs remarquer que ces rencontres sont les premières réalisées depuis son retour de convalescence par le président algérien. Le responsable d'Ennahdha rappelle cependant qu'un «désir» s'était exprimé de la part de Rached Ghannouchi de rendre visite à Bouteflika «pour le féliciter de son rétablissement»... Quel rôle peut jouer l'Algérie, cependant, dans une crise interne? Pour le porte-parole de Nida Tounès, Lazhar Akremi, l'Algérie, qui est la «grande sœur» («ech-cheqiqa elkobra»), peut rapprocher les positions des uns et des autres... Pour quelle raison ? Parce que «sa sécurité nationale se joue sur notre territoire !». Autrement dit, elle ne peut pas être indifférente aux conditions politiques qui pourraient se traduire par une aggravation de la situation sécuritaire, étant donné les retombées inévitables que cette évolution aurait sur sa propre sécurité intérieure. Et, ajoute le porte-parole, l'Algérie est un pays qui dispose de ressources et d'excédents sur le plan économique qui la mettent en position de proposer des incitations en vue de tout règlement qui serait synonyme de stabilité à la fois en Tunisie et dans la région... La rencontre comporte donc des enjeux sur le plan politique, mais aussi sur le plan sécuritaire et économique. Elle relève à la fois de la logique de la médiation dans le contexte de la crise politique que nous traversons, mais aussi de la logique du partenariat, comme le souligne de son côté Ameur Laârayedh: «Les discussions ont porté sur les moyens de développer la coopération à tous les niveaux, dans l'intérêt supérieur des deux pays...». Bien entendu, ces rencontres n'ont pas vocation à donner lieu à des décisions ayant un caractère officiel, car c'est le lot des parties gouvernementales de traduire les engagements politiques en projets concrets... Mais, à l'heure où l'on s'achemine vers un changement de gouvernement, il est certain que les leaders des partis qui comptent le plus sur la scène sont, pour le moins, des interlocuteurs de poids.