«Les majorités sont souvent étroites en Allemagne», a affirmé mercredi la chancelière allemande Angela Merkel, en prévision des législatives de ce dimanche. Chez nous, les idées sont souvent courtes. Près de deux mois que la classe politique s'abîme dans un débat oiseux sur la relance du dialogue national. Les institutions sont en panne. L'économie s'effondre. L'insécurité sévit. On en oublie même que les terroristes sont toujours terrés dans le jebel Chaâmbi. Et que l'on n'arrive guère à les en déloger. Depuis avril dernier ! Le constat d'échec est patent. De part et d'autre, l'immobilisme l'emporte. Bien qu'ayant trépassé, la coalition gouvernementale joue encore les prolongations. Passe encore s'il s'agissait de gestion des affaires courantes. C'est bien pis. La Troïka a bien dressé son constat de décès depuis des semaines. Elle ne s'agrippe pas moins aux dignités d'un establishment de plus en plus fantomatique et virtuel. Seuls les automatismes de l'instance administrative assurent la survie des rouages gouvernementaux. En face, l'opposition radicale campe sur ses positions tranchées. Nettes et sans concession. Le quatuor civil et associatif jouant les bons offices hausse, lui aussi, le ton. La conférence de presse tenue hier par Houcine Abbassi, SG de l'Ugtt, et ses sociétaires est on ne peut plus significative à ce propos. Finalement, il y a risque de rater la rentrée politique. De faire encore antichambre dans la tétanisation, les querelles interminables, les attentes désespérées. Le tout à cause de l'obsession du pouvoir ou de l'ivresse de l'uniforme. Et plus l'on s'y agrippe, plus on s'enfonce. Témoin, le non-dit des interminables tractations en cours. Assurer l'impunité de ceux qui tiennent actuellement les rênes des affaires est l'une des principales pierres d'achoppement. Les conciliabules, pour l'essentiel secrets, entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, chefs respectifs de Nida Tounès et d'Ennahdha, ont abordé cette question. Vainement. Tout porte à croire que l'actuelle crise gouvernementale ressemble tragiquement à celle qui l'a précédée. Souvenons-nous. On a mis près de sept mois avant que le gouvernement Jebali ne rende le tablier, l'hiver dernier. Et bien qu'ayant consenti à se démettre, le gouvernement Laârayedh n'en finit pas de faire du surplace. De sorte qu'entre deux hivers, on aura consommé le temps à s'agripper à un pouvoir dont on se démet. Et l'on feint de s'interroger après sur les raisons de la persistance du chômage massif ou de l'augmentation vertigineuse des prix. Sans parler du maintien des régions intérieures dans le sillage des éternels laissés-pour-compte. Entre-temps, des forces obscures creusent leur tanière. Des sommes colossales d'argent sale, ou louche, ou du moins de provenance inconnue, ont fait irruption sur la place. Elles sont à l'œuvre dans les circuits parallèles et informels de la contrebande et du commerce occulte. Elles investissent aussi les partis politiques, les associations, les médias. En toute impunité. Parallèlement, les mouvances populistes gagnent du terrain. Elles occupent les espaces vidés par la politique politicienne en faillite. Un phénomène nouveau et digne d'être suivi et ausculté de près. Et c'est d'autant plus frappant que la place politique se caractérise par un très faible taux d'affiliation aux partis. C'est à peine si les plus grands partis peuvent mobiliser soixante à soixante-dix mille adhérents. La crise est longue en raison précisément des idées courtes. Quelle que soit l'ampleur des attitudes tranchées de part et d'autre des lignes de clivage, il y a toujours matière à tractations porteuses sur fond de modus vivendi. En fait, Angela Merkel, présidente de la CDU, a bien déclaré mercredi que «les majorités sont souvent étroites en Allemagne et, si les citoyennes et citoyens nous donnent un mandat pour poursuivre notre coalition actuelle, quelle que soit l'ampleur de la majorité, nous gouvernerons ensemble». Sous nos cieux, hélas, on préfère faire naufrage ensemble plutôt que sauver les meubles en commun.