Détenu depuis plus d'un mois, Nasreddine S'hili qui a comparu hier devant le juge a été remis en liberté provisoire. Le verdict est fixé pour le 13 octobre prochain. Il n'empêche que, pour soutenir les deux présumés dans cette affaire, un grand nombre de cinéastes, d'artistes, de techniciens, de représentants des syndicats du secteur culturel ainsi que des activistes de la société civile étaient au rendez-vous. Suite à une détention de plus d'un mois à la prison de La Mornaguia, le cinéaste Nasreddine S'hili a comparu hier matin au tribunal de première instance de Tunis dans le cadre de « l'affaire de l'œuf » où il est poursuivi pour avoir avec agressé par un jet d'œuf le ministre de la Culture Mahdi Mabrouk. Dans cette même affaire, comparaissait aussi le journaliste caméraman à Astrolabe TV Mourad Mehrerzi (actuellement en liberté provisoire), accusé de complicité et de complot contre un haut fonctionnaire de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions, et ce, pour avoir filmé et diffusé la vidéo de cette « agression » à l'œuf. Un grand nombre de cinéastes, d'artistes, de techniciens, de représentants des syndicats du secteur culturel ainsi que des activistes de la société civile ont fait acte de présence au Tribunal de première instance de Tunis pour soutenir leurs collègues Mourad Meherzi et Nasreddine S'hili. L'inquiétude se ressentait sur leurs visages. Et pour cause, Nasreddine est diabétique et son état de santé n'est pas rassurant. «Free Nasreddine» scandait à gorge déployée la foule devant le palais de justice en tapant sur des bouteilles vides des mains et des pieds pour faire du bruit, sensibiliser les passants et protester contre les nombreuses arrestations qu'elle juge injustes contre tout esprit libre et affranchi. Ils dénonçaient un processus de répression et d'intimidation qui a commencé par Weld El 15, en passant par l'interpellation des journalistes pour enchaîner avec l'affaire de Shili-Meherzi. Dans les couloirs du palais de justice, les nerfs à vif, amis et parents du cinéaste s'agitent. Mourad Meherzi (en liberté conditionnelle) fait les cent pas. Le bruit court que Nasreddine était en geôle depuis ce matin. L'attente se fait longue. La salle d'audience numéro 6 est déjà bondée. La juge doit statuer sur cinquante-deux affaires avant d'appeler Nasreddine et Mourad à la barre. Voulait-elle retarder au maximum l'audience ? Les policiers commencent à intimider les présents voulant les empêcher l'accès à la salle. Dehors, la rue gronde «un œuf n'est pas une grenade, ni une bombe c'est un acte de contestation... ». A l'intérieur les avocats s'impatientent, ils commencent à protester. Et la juge lève la séance pour une heure de pause. A quatorze heures, reprise des séances. Le mot d'ordre est passé, rester calmes pour le bon déroulement du procès... On continue à statuer sur d'autres affaires de droit commun. Les accusés de vente clandestine d'alcool, de coups et blessures, de consommation de stupéfiants se succèdent. Enfin, on appelle Nasreddine S'hili et Mourad Meherzi, la défense est composée de plus d'une vingtaine d'avocats dont Najet Yaâkoubi, Abdennasser Laâouini, Wissem Saïdi, Leïla Ben Debba, Abada el Kéfi, Charfeddine Kellil... La parole est donnée à l'avocat de la partie plaignante, le ministre de la Culture. On évoque la violence, les injures, l'agression d'un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, l'atteinte à la sureté de l'Etat, l'appel à la désobéissance civile, à l'anarchie et moult chefs d'accusation par lesquels on voudrait accabler les accusés. On invoque même un scénario de complot et de planification de cet incident entre le cinéaste et le journaliste. Et bien sûr la diffamation figure en pole position sur la liste des chefs d'accusation, et ce, pour avoir publié la vidéo du jet d'œuf sur la toile et les réseaux sociaux. La défense commence à son tour sa plaidoirie appelant à l'acquittement des accusés. Pour le journaliste caméraman Mourad Meherzi, la défense affirme qu'il était dans l'exercice de son métier de reporter, qu'il était présent le jour de l'incident pour couvrir un évènement culturel et que la diffusion de la vidéo fait partie de son métier de journaliste. On a invoqué le décret-loi 115 et on condamne même son arrestation considérée comme une atteinte à la liberté d'expression. Quant à Nasreddine S'hili et cette affaire de l'œuf, les avocats de la défense ont mis en cause le certificat médical fourni par le ministre de la Culture, délivré trois jours après l'incident et attestant d'une rougeur persistante causée par le jet d'œuf. Ils ont aussi émis des réserves sur le procès-verbal que Nasreddine aurait signé sous pression et presque en état d'hypoglycémie, puisqu'il a été privé de son insuline durant de longues heures d'interrogatoire. La défense avait dénoncé les pratiques policières et cette méthode de soutirer des aveux pendant l'interrogatoire, des méthodes qui perdurent depuis l'ancien régime jusqu'à nos jours. Les plaidoiries se sont prolongées tard dans la soirée. Néanmoins, la décision du juge de remettre en liberté provisoire Nasreddine S'hili a été favorablement accueillie. ... Le verdict est annoncé pour le 13 octobre 2013.