Présents au cours de la manifestation du 23 octobre organisée par l'opposition, des politiciens expliquent les raisons de ce mouvement. Ils réagissent aussi aux évènements tragiques survenus à Sidi Bouzid dans l'après-midi. Issam Chebbi (Al Jomhouri) : « Peut-être que le gouvernement devrait partir avant même la fin des trois semaines » « Nous sommes ici pour affirmer que deux ans de gouvernement de la Troïka, cela suffit. Il nous faut de nouveaux gouvernants capables d'appliquer la Feuille de route dans les délais impartis. Quant au retour sur les bancs de l'Assemblée des députés retirés, il est conditionné par une annonce sans ambiguïté de la démission du gouvernement actuel. A ce moment-là, nous pourrons dire que la Tunisie s'engage sur la voie du dialogue. Ce qui s'est passé aujourd'hui à Sidi Ali Ben Aoun du gouvernorat de Sidi Bouzid prouve que nous sommes dans une véritable guerre contre le terrorisme. Cela prouve également que ce gouvernement n'est pas capable de protéger ses citoyens. Peut-être qu'il devrait partir avant même la fin des trois semaines. Malheureusement, à l'heure où je vous parle, Ali Laârayedh continue à ignorer le salut national et n'annonce pas clairement la démission du gouvernement. Mais en tout état de cause, je dis que ce gouvernement partira quel qu'en soit le prix. Fadhel Moussa (Al Massar) : « Nous avons été à plusieurs reprises bercés par des promesses en attendant le passage de l'orage. Cette fois, on ne se laissera pas faire » Cette manifestation intervient un mercredi, journée dédiée, depuis la mort de Chokri Belaid, puis de Mohamed Brahmi, à un mouvement qui demande la vérité sur ces assassinats. Donc, nous sommes là pour réaffirmer que l'affaire des assassinats politiques reste un dossier fondamental. Deuxième symbolique de cette manifestation : il n'y a plus de possibilité de se dérober à la feuille de route du Quartet. Nous avons été, à plusieurs reprises, bercés par des promesses en attendant le passage de l'orage. Cette fois, on ne se laissera pas faire, on fera pression pour faire réussir le processus du Dialogue national, même si on a certaines réserves à son encontre. De plus, je pense à titre personnel que l'ANC ne peut plus fonctionner avec les mêmes règles de majorité et de minorité. Quant à l'attaque perpétrée à Sidi Bouzid et au vu des informations dont nous disposons jusqu'à présent, je suis étonné que sept agents de la Garde nationale soient tués en même temps, de façon aussi simple, alors que quelques jours auparavant une opération semblable a fait des morts. J'estime qu'il y a une défaillance et de l'amateurisme dans l'opération. Et pendant ce temps-là, Ali Laârayedh ne daigne pas annoncer enfin la démission de son gouvernement. Saïda Guarrache (Nida Tounès) : « Les Tunisiens ressentent l'échec du gouvernement dans leur chair » C'est probablement la dernière chance que la Tunisie donne au parti Ennahdha, pour qu'il sorte de son autisme politique et rentre dans un réel dialogue constructif. Ce gouvernement n'a aucun programme de gouvernance, ni sur le plan économique ni sur le plan sécuritaire, ni sur le plan social. Les Tunisiens ressentent l'échec du gouvernement dans leur chair, dans leur pain quotidien. Sous la pression populaire, Ennahdha a reculé mais, jusqu'à présent, j'ai de sérieux doutes sur les bonnes intentions du gouvernement de Ali Laârayedh. Ennahdha a toujours pratiqué l'art de l'esquive. Propos recueillis par Karim Ben Said Saïd El Aïdi (Nida Tounès) : «La démission de ce gouvernement est devenue impérative» La manifestation du 23 octobre répond à une exigence fort populaire, d'où la représentativité importante de tous les courants de l'opposition qui demandent de mettre un terme à cette phase transitoire dirigée par la Troïka. Laquelle a plongé le pays dans une faillite morale avec des conséquences politiques et économiques désastreuses. La solution réside dans l'option pour un gouvernement non partisan afin d'achever cette phase dans des conditions acceptables et pouvoir s'en sortir économiquement et sécuritairement. Maintenant, suite aux tragiques événements qui ont eu lieu hier à Sidi Bouzid et qui se sont soldés par la mort de six agents de la Garde nationale et deux blessés graves, ce qu'on craint c'est la faiblesse et la fuite en avant de la Troïka. Aujourd'hui, après ces attaques terroristes et la mort au total de 8 agents des forces sécuritaires, auxquelles nous exprimons notre soutien et notre solidarité, l'Etat est totalement désorganisé et il devrait assumer la responsabilité du terrorisme sur notre sol. L'urgence consiste, maintenant, à faire face à cette menace terroriste qui pèse sur la Tunisie. On ne peut plus organiser un dialogue national dans ces conditions. C'est pourquoi je pense que ce gouvernement ne peut plus assurer la gestion du pays et sa démission est devenue impérative. Qu'il démissionne car la situation est devenue plus que critique. Maintenant quant au retard de l'annonce de la démission, du gouvernement Ali Laârayedh, selon la feuille de route du Dialogue national, cela n'a plus d'importance. Quand il y a mort d'hommes, cela devient secondaire par rapport au fléau du terrorisme et les tragédies qu'il engendre. Mohamed Kilani (SG du Parti socialiste) : «La démission du gouvernement Laârayedh ne sera pas exprimée clairement» Cette manifestation organisée par l'opposition symbolise le rejet d'un système qui a débouché sur un échec. Ce mouvement de protestation constitue une réaction à la situation catastrophique que vit le pays et qui s'inscrit dans un désir de changement. Mais les pourparlers et le dialogue national qui pourraient inscrire la Tunisie dans un projet républicain ne nous rassurent pas tellement. Tant des doutes persistent. A preuve, la non-démission du gouvernement Ali Laârayedh. Démission qui ne sera pas exprimée de manière franche et nette, le chef du gouvernement trouvera le moyen de refuser de démissionner à un moment donné. Il ne s'engagera pas clairement. Mais en définitive, la Troïka sera obligée de rejoindre le chemin qui nous mènera vers un accord nécessaire pour l'organisation des prochaines élections dans un délai de six mois. Accord exigé par les bailleurs de fonds. Propos recueillis par Samira DAMI