• «Il y a une intention claire de gagner du temps et de manœuvrer, mais nous allons œuvrer à appliquer notre feuille de route en comptant sur nos propres forces», s'offusque le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abbassi • Le bâtonnier, Me Fadhel Mahfoudh, appelle le mouvement Ennahdha à «ne pas faire tomber le rameau de l'olivier» • «Nous allons toujours nous ranger du côté des revendications populaires», avertit Me Abdessattar Ben Moussa, président de la LTDH • «La Situation économique est très mauvaise et il est impératif d'arrêter l'hémorragie», déclare la présidente de l'UTICA, Wided Bouchammaoui Les quatre organisations nationales qui parrainent le dialogue national visant à trouver une solution concertée à la crise consécutive à l'assassinat du député Mohamed Brahmi ont opposé, hier, une fin de non-recevoir à la réponse du mouvement Ennahdha à sa feuille de route. L'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH) et l'Ordre National des Avocats qui jouent le rôle de médiateurs dans la crise ont également accusé le parti qui dirige le gouvernement d'avoir par ses «ambiguïtés» paralysé leurs efforts pour sortir de l'impasse politique. Le mouvement Ennahdha a pourtant indiqué vendredi avoir accepté la feuille de route proposée par les médiateurs tout en appelant au lancement d'un dialogue national sans conditions préalables. «Nous considérons que le communiqué d'Ennahdha est ambigu et permet des manœuvres, des interprétations et des lectures diverses», a estimé le secrétaire général de l'UGTT Houcine Abassi lors d'une conférence de presse. Et d'ajouter : « il y a là des procédés dilatoires et une volonté manifeste de manœuvrer. On ne peut accepter leur accord car la moitié de la feuille de route n'a pas fait l'objet d'une réponse précise ». M. Abbassi a expliqué que la position exprimée dans le communiqué publié vendredi par Ennahdha ne prend pas en compte certains points de la feuille de route. « Dans son communiqué Ennahdha parle d'initiative alors que nous proposons une feuille de route comportant des points clairs et des délais précis. En ce qui concerne le point relatif au gouvernement, Ennahdha évoque une alternative gouvernementale dont le programme doit être défini lors du dialogue tandis que notre feuille de route parle clairement d'un gouvernement de compétences disposant de toutes les prérogatives nécessaires pour accomplir sa mission », a-t-il fait savoir. M. Abbassi a, par ailleurs, estimé que le dialogue national tel que conçu par Ennahdha pourrait n'aboutir à rien. «L'acceptation par le quartet de la position ambiguë du parti islamiste équivaudrait au démarrage d'un nouveau dialogue à durée indéterminée et qui pourrait aboutir à un échec total », a-t-il indiqué. Le secrétaire général de la centrale syndicale a, d'autre part, estimé que la position « confuse » d'Ennahdha ne fera qu'aggraver la crise. « La crise politique, sociale et économique va s'aggraver. L'inflation va continuer à monter et beaucoup d'entreprises vont mettre la clef sous la porte », a-t-il averti. Malgré ce ton pessimiste, M. Abbassi garde l'espoir de voir Ennahdha accepter de façon claire la feuille de route du quartet. « Nous continuerons à jouer un rôle national malgré les campagnes de dénigrement menées à notre encontre. Nous tenons à notre initiative et nous allons œuvrer à la faire appliquer en nous appuyant sur nos propres forces et sur notre peuple avant tout”, a-t-il souligné. S'agissant du document fuité selon lequel le ministère de l'Intérieur avait été alerté par les services secrets américains sur les menaces qui pesaient sur la vie du député Mohamed Brahmi, Houcine Abbassi a estimé qu'il faudrait rendre hommage à celui qui a fuité ce document et à enquêter les responsables sécuritaires qui n'ont pas pris en considération l'alerte américaine au lieu d'ouvrir une enquête pour démasquer ceux qui étaient à l'origine de la fuite. De son côté, le bâtonnier, Fadhel Mahfoudh, a invité Ennahdha à clarifier sa position sur la feuille de route du quartet qui a été acceptée par l'écrasante majorité des partis politiques. « La porte est encore ouverte. J'appelle à Ennahdha à ne pas faire tomber le rameau de l'olivier », a-t-il déclaré. Mauvaise situation économique Dans ce même ordre d'idées, le président de la LTDH, Me Abdessattar Ben Moussa, a noté que l'actuel gouvernement aurait dû démissionner au lendemain de l'assassinant de Mohamed Brahmi ou de l'attentat terroriste ayant coûté la vie à huit soldats à Djebel Chaâmbi, estimant que les manœuvres dilatoires de la Troïka au pouvoir risquent d'aggraver la crise politique dans le pays. Il a également noté que les organisations de la société civile vont tenter encore de trouver une issue concertée à la crise. « Nous allons toujours nous ranger du côté des revendications populaires », a-t-il précisé. La présidente de l'UTICA, Wided Bouchammaoui, a, quant à elle, indiqué que la situation économique est «mauvaise, voire très mauvaise » en raison du manque de visibilité qui décourage les investisseurs locaux et étrangers. « Lors de nos rencontres avec les investisseurs étrangers, on ne sait plus quoi dire pour les rassurer sur l'avenir du pays », a-t-elle noté, rappelant que la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a reconnu récemment la gravité de la situation. A noter que le Front de salut national, une coalition hétéroclite d'opposition, a annoncé, vendredi soir, qu'il accepte la feuille de route du quartet. Cette feuille de route demande aux deux camps de se réunir pour «un dialogue national », en présence du président Moncef Marzouki et du Premier ministre Ali Laârayedh pour annoncer solennellement que le gouvernement sera remplacé sous trois semaines par un cabinet d'indépendants. Parallèlement, l'Assemblée nationale constituante (ANC) doit en un mois à compter de cette annonce approuver une loi et une commission électorale, fixer le calendrier des scrutins à venir et finaliser l'élaboration de la Constitution. Dans son communiqué, Ennahdha évoque l'adoption de la Constitution «dans un délai ne dépassant pas trois semaines», des élections dans les six mois suivant la formation d'une commission électorale et la mise en place d'un nouveau gouvernement. Le parti ne dit cependant pas expressément accepter le calendrier proposé pour la formation d'un gouvernement de technocrates pour remplacer celui qu'il dirige.