Les projets d'envergure demeurent en instance faute de bonne gouvernance Les quelques expériences réussies de l'utilisation des TIC dans des opérations administratives, financières et commerciales courantes témoignent du potentiel des activités à forte teneur en technologie en Tunisie. Désormais, le e-partout, ou le full numérique, est un objectif commun de toutes les parties prenantes, entreprise, Etat et citoyen. En effet, « il s'agit d'un secteur horizontal qui touche l'ensemble des filières de l'économie et de l'administration. », mentionne M Kais Sellami, président de la Fédération nationale des technologies de l'information et de la communication, relevant de l'UTICA. Toutefois, les projets de digitalisation n'ont pas évolué au rythme des potentialités, et encore moins de la célérité qui caractérise le secteur. Pourtant, l'orientation mondiale vers le numérique et la qualité des ressources humaines en Tunisie confirment le large potentiel du secteur, selon l'investisseur. Cet écart pourrait remettre en cause une image longtemps véhiculée d'un pays plateforme de nouvelles industries. A vrai dire, pour un pays dépourvu de ressources naturelles, le secteur se positionne, vraisemblablement, au niveau stratégique, surtout que le marché regorge de compétences. Actuellement, le secteur contribue à raison de 7% au Pib, d'après le dirigeant. Mais, cette performance est générée dans une large partie par la filière de la téléphonie. Dans sa description de l'état des lieux, le membre de bureau exécutif de la centrale patronale rappelle qu'une trentaine d'entreprises évoluent dans l'industrie des TIC. Les boites qui ont su se tailler une place sur les marchés étrangers, continue-t-il, se comportent mieux que les entreprises dont le portefeuille est limité au marché national, notamment les marchés publics. Ces deux vitesses, sur les marchés extérieurs et sur le marché national, mettent en évidence que les principaux freins au développement du secteur sont d'origine interne, « Mais exogène au secteur », précise M Sellami. « Et qui perdurent depuis longtemps. », renchérit-il. En effet, le secteur souffre du manque de grands projets publics, selon le promoteur, et quand il y en a la réglementation est bien lourde. Pourtant, « à terme tout devrait être numérisé », relève-t-il. De l'e-gov à e-learning en passant par la santé et le transport, toutes les activités économiques et administratives auraient besoin d'une dimension numérique. A cet égard, le numérique, estime-t-il, est un moteur de transformation socioéconomique. Sur le plan économique, les flux et les relations entre l'entreprise, l'administration et le citoyen passeraient par de nouveaux canaux virtuels. Toutefois, des projets d'envergure demeurent en instance faute de bonne gouvernance. « Rien ne bloquait le projet e-gov, sauf que tout le monde attend l'autre. », rappelle-t-il cette constatation lors d'un séminaire qui a regroupé toutes les parties prenantes du secteur. « Et cela fait 5 ans qu'on en parle de ce projet. », martèle-t-il. Suite à cette prise de conscience que rien ne bloquait le projet, une première phase a été lancée, « mais qui avance timidement. », déplore-t-il. Ce manque de projets et le retard des réalisations renvoient vers le deuxième frein au développement des TIC en Tunisie, à savoir la qualité de la gouvernance de ces œuvres. Le paradoxe est que ce secteur horizontal soit géré d'une façon verticale par le ministère de tutelle. « Chaque ministère conçoit son système sans aucune synchronisation », constate-t-il. La recommandation de l'investisseur consiste en la création d'une structure centrale au niveau de la Présidence du gouvernement qui centralise la conception des projets de digitalisation puis les décliner à chaque administration pour les accommoder aux besoins spécifiques de chaque utilisateur. Pour ce qui est de la réglementation, rien n'a été fait depuis une bonne dizaine d'années. A cet effet, le promoteur insiste sur la renonciation de la fameuse règle du « moins disant ». « C'est la qualité qui compte ! », insiste-t-il. « On attend la révision de cette règle depuis des années, mais jusque-là, rien n'a changé » « Pis, on n'arrive même pas à rencontrer le maitre d'œuvre de cette révision »... Plus généralement, il faut que la réglementation des marchés publics en matière de TIC considère les spécificités de ces activités, sans pour autant avoir une réglementation spéciale. Sur un autre plan, l'implication limitée du secteur privé dans la conception de ces projets limite l'efficacité des œuvres. D'ailleurs, « on est à l'écoute des évolutions du secteur », explique-t-il. Et d'ajouter « C'est un train qu'on doit rattraper et qui risque de nous échapper ». A cet égard, il rappelle que les accords de principe pour la constitution d'un conseil national du numérique, avec la participation significative du secteur privé, ont été handicapés par une loi ancienne, selon la quelle un seul représentant des entreprises figure parmi les membres du dit conseil. D'où l'implication des professionnels reste limitée conformément à la loi. Sur le plan macroéconomique, l'objectif, selon l'industriel, est de faire de la Tunisie une plateforme intelligente, « un hub pour les investisseurs en TIC », dit-t-il. Pour ce faire, les communications des différents partenaires, publics et privés, devraient converger pour véhiculer la même image de la Tunisie, créer des synergies et générer plus d'impact sur les cibles.