La restauration du monument se poursuivra pour remettre à neuf le minaret. Il est 18h00 en ce lundi 4 novembre 2013 qui correspond au 30 Dhoulhaja 1434. Le parking mitoyen du Palais du Baron d'Erlanger est plein à craquer. Un mouvement inhabituel confère au village de Sidi Bou Saïd un aspect joyeux. Des familles, des groupes de jeunes, des seniors et des chérubins pressent le pas. Ils empruntent la colline menant au mausolée. Une foule impressionnante se bouscule devant l'ancestral escalier qui mène au mausolée. Des agents de sécurité ont choisi de diviser l'escalier en deux voies virtuelles, afin de faciliter le mouvement et de mieux contrôler, un à un, les visiteurs affluents. Le spirituel à dominante tunisoise Une fois arrivé à l'étage, le visiteur découvre une terrasse imprégnée des aires de fêtes religieuses, à dominante tunisoise. Une tente a été dressée pour accueillir les dames d'un certain âge. Ces dernières ont, en effet, pris place, face à l'écran qui passe, en direct, la récitation du Coran, et qui a d'ailleurs lieu au patio. Des tapis traditionnels ont recouvert toute la terrasse et jusque dans le « makam » du saint. Là, des femmes s'empressent pour réciter « la Fatiha » sur la tombe de Sidi Bou Saïd El Béji, se rassurer de la réhabilitation du mausolée, et se réjouir de cette enivrante senteur qui fait chavirer les cœurs. Raouf Dakhlaoui, président de la délégation spéciale de Sidi Bou Saïd et membre de l'association, semble pouvoir, enfin, admirer le fruit du travail énorme qui a regroupé la municipalité, l'INP, l'association et tous ceux qui ont contribué à la restauration du mausolée. « La restauration du makam a reposé sur la compétence de deux architectes spécialisés et relevant de l'INP, d'une dizaine de techniciens qualifiés et d'une enveloppe mensuelle variant entre 10 mille et 15 mille dinars. Sans compter la matière première qui a coûté 50 mille dinars », indique M. Dakhlaoui. Le fruit du travail de réhabilitation a été, en outre, couronné par une découverte d'une valeur inestimable. Il s'est avéré, en effet, que le chapiteau couvrant la tombe du saint, huit siècles durant, est soutenu par quatre colonnes datant de l'époque romaine. On apprend toutefois que les travaux de restauration du mausolée se poursuivront. Selon M. Kheireddine Ennabi, archéologue, un ancien de l'INP et membre de l'association, il est question, en une seconde étape, de remettre à neuf le minaret du mausolée. « Le minaret de Sid Bou Saïd est unique, dans la mesure où il est perceptible à partir de huit gouvernorats: le gouvernorat de Bizerte, de Tunis, de Ben Arous, de l'Ariana, de La Manouba, de Béja, de Zaghouan et de Nabeul », fait-il remarquer. Pour lui,il est important de réhabiliter ce monument afin de le transmettre, intact, aux futures générations. Ghada Hassine, Safa Oun et Nada Ber Amor sont trois étudiantes, originaires de la banlieue nord de Tunis. Informées de la réouverture du mausolée via les médias et les réseaux sociaux, elles ont accouru pour admirer le travail qui a été fait et pour découvrir les fameuses colonnes romaines. « Ce qui est intéressant, c'est que la restauration a préservé intact le cachet typique du mausolée. On a l'impression qu'il n'a pas été incendié », souligne Safa. La foule hétéroclite mais tout aussi solidaire s'agite dans une ambiance à la fois spirituelle et festive. Amel Karray, coordinatrice du Front populaire de Tunis, quitte le patio le sourire au visage. Elle se réjouit de l'ambiance qui domine le mausolée la veille du nouvel an de l'hégire. « Tout ce monde est venu pour défendre, préserver et confirmer notre patrimoine et notre civilisation. La montée des nahdhaoui et des islamistes a misé sur la destruction des repères identitaires des Tunisiens. La présence de la société tunisienne, ce soir, traduit nettement la position de tout un peuple. Nous avons besoin de nous assurer qu'il y a des gens qui construisent et pas seulement des gens qui détruisent. Et d'ailleurs, c'est en étant présent, ce soir qu'ils contribuent, à leur manière, à la construction », explique-t-elle. Pour certains, il s'agit d'un défi gagné d'avance contre le crime et l'obscurantisme. Pour M. Ennabi, la réhabilitation et la réouverture du mausolée constituent une réponse à une attaque qui avait fait beaucoup de peine aux Tunisiens. « Ils nous ont défiés par le mal, par le crime et nous avons répondu par la construction, par la préservation de notre patrimoine », indique-t-il. Outre sa portée historique, civilisationnelle, culturelle et spirituelle, le mausolée de Sidi Bou Saïd acquiert, désormais, un aspect révolutionnaire...