Les règles générales du droit international public marginalisées dans le quatrième brouillon de la Constitution tunisienne Voilà plus de deux ans que nos 217 constituants occupent l'hémicycle du palais du Bardo afin d'élaborer la nouvelle constitution de la deuxième République. Entre divergences et convergences, les commissions constituantes ont fait face à de nombreux obstacles. Entre directives partisanes et principes républicains à défendre, les politiques et la société civile n'ont cessé de naviguer de manière à respecter les normes internationales. C'est dans ce contexte que l'Ordre national des avocats tunisiens a tenu, hier, un séminaire dont l'intitulé était : « La constitution entre tiraillements et consensus ». Et ce en présence de plusieurs experts à l'instar de Slim Loghmani, Farhat Horchani, le président de la commission des consensus au sein de l'ANC, Mohamed Gahbich. Lors de son allocution d'ouverture, Mohamed Hafedh Mahfoudh, bâtonnier de l'Ordre national des avocats tunisiens, a précisé que cette rencontre a été retardée de deux semaines suite aux actes terroristes qui ont visé les forces de la Garde nationale. Si le bâtonnier des avocats tunisiens reste très optimiste sur le sort de la nouvelle constitution, il insiste par contre sur le fait que le processus d'avancement du projet de constitution « souffre de tiraillements d'ordre idéologique et des positionnements politico-politiciens». Il ajoute : « Mais depuis l'entame du Dialogue national et la reprise des travaux de la commission des consensus, représentée par maître Gahbich, nous avons espéré que le consensus se concrétise dans les meilleures conditions.». Des lacunes à combler De son côté, le président de l'Association tunisienne de droit constitutionnel (Atdc), Farhat Horchani, a mis en relief les nombreuses lacunes rencontrées dans la dernière version de la Constitution, celle de juin 2013. Il pointe du doigt les faiblesses et les ambiguïtés, ainsi que le flou qui caractérisent la dernière version du texte constitutionnel. Il critique également le recours par l'Assemblée nationale constituante aux experts de manière individuelle, et non pas en tant que représentants d'organisations ou d'entités expertes. Pour ce qui est des points positifs dans cette ébauche de constitution, il considère que ce texte a été conçu d'une manière collective, rapprochant monde politique et société civile dans le cadre d'un dialogue national. « C'est la société civile qui a contribué à son élaboration, à l'image de l'Association tunisienne de droit constitutionnel. Par contre, affirme-t-il, l'Assemblée nationale constituante n'a pas joué un rôle dans l'élaboration de ce texte». Le conférencier stigmatise aussi la faiblesse des partis politiques devant la forte présence de la société civile en matière de projets proposés. « Il y avait seulement 7 partis politiques qui ont proposé des projets de constitution : le Parti des travailleurs tunisiens, Ennhadha, Afek Tounes, le Pôle démocratique moderniste, Al-Aridha Al-chaâbia (« La Pétition populaire »), le Mouvement des démocrates tunisiens et le Parti de la justice et du développement. Et rares sont les projets qui étaient bien détaillés avec des articles», fait observer Farhat Horchani. La relation entre l'Etat et la religion en stand by En revanche, toujours selon Farhat Horchani, la relation entre l'Etat et la question religieuse n'a pas été tranchée d'une manière claire et définitive, comme c'est le cas avec l'article qui assigne à l'Etat le rôle de protéger les lieux sacrés. Idem pour le volet relatif au droit international qui est resté vague et ambigu dans le quatrième brouillon de la Constitution tunisienne. « En ce début de XXIe siècle, il est inconcevable que la constitution d'un pays démocratique ne puisse pas accorder une grande importance au droit international et respecter les accords signés par la Tunisie avec la communauté internationale. ». Des propos soutenus par maître Slim Loghmani : « Toutes les constitutions, et je ne parle pas des constitutions contemporaines, ont pris en compte cette dimension. Même les constitutions adoptées après la Seconde Guerre mondiale ont intégré les principes du droit international. Chaque pays doit s'engager à respecter les règles générales du droit international public. Il fallait mentionner, dans ce brouillon, que l'Etat tunisien doit respecter ses engagements internationaux».