La politique doit assurer le cadre permettant le développement des programmes économiques Que peut-on entendre par économie sociale de marché ? L'économie sociale de marché véhicule l'idée que le libre marché est naturellement social. Elle s'oppose à l'économie planifiée et se démarque d'une économie de marché complètement libre et de l'économie mixte. Institué par Ludwig Erhard, ministre de l'Economie de la République fédérale d'Allemagne (RFA) sous le chancelier Konrad Adenauer dans les années soixante-dix, ce système cherche à obtenir et à maintenir une croissance élevée, une faible inflation, un faible taux de chômage et une bonne protection sociale. En d'autres termes, les entrepreneurs ont une certaine responsabilité envers la société et se doivent de jouer un rôle important pour maintenir l'équilibre social. Ce modèle de développement peut-il servir la Tunisie en ces moments d'incertitude, où l'on vit d'amples difficultés économiques et sociales ? Le modèle de développement tunisien a ses propres spécificités. Toutefois, il s'est avéré qu'il a ses propres limites, compte tenu des troubles économiques et sociaux que vit le pays depuis la révolution. Et c'est là que l'on peut évoquer l'économie sociale de marché comme un remède souverain à l'ensemble des maux qui désagrègent le pays et son peuple. Ce modèle adopté par l'Allemagne a permis de mettre en place un tissu économique aussi large avec des PME (petites et moyennes entreprises) très performantes. Et c'est grâce à une réflexion entrepreneuriale au sein de la société que l'on a donné lieu à des entrepreneurs assumant une responsabilité envers soi et envers la société. Cela passe nécessairement par la mise en place d'un cadre réglementaire définissant les devoirs et les droits de chacun, dans une société économiquement solidaire. Pour la Tunisie, je pense qu'il faut faciliter la création d'entreprises. D'autant plus qu'il faut œuvrer à introduire le concept « entrepreneuriat » dans les programmes scolaires. Car, in fine, tout est question d'initiation. Il faut également aplanir les difficultés inhérentes à la question d'autofinancement, à commencer par la création de banques spécialisées en la matière. En Allemagne, on a la « KFW » qui est une banque qui donne des crédits avec un taux d'intérêt très faible. Il y a aussi des pépinières d'entreprises où l'on partage certaines ressources, dont les bureaux, les employés de bureau, les moyens et services de communication, etc. Tout cela aide à résoudre bien des difficultés matérielles et financières. En partant de l'expérience allemande, quels seraient les mécanismes les plus réussis pour secourir et assister les PME en difficulté ? En Allemagne, on a des consultants financés par l'Etat qui peuvent assurer un management d'intérim pendant les périodes de crise. Mais votre question me renvoie encore une fois à l'économie de marché pour dire que lorsqu'une entreprise ne peut pas survivre dans un marché et qu'elle a des difficultés financières, c'est qu'il y a quelque part des défaillances. Lesquelles défaillances peuvent être rattachées à son comportement sur le marché : prix de vente, prix d'achat des marchandises, management, etc. A ce moment-là, il devient impératif d'assainir. Et ce, par la formation de ressources humaines qualifiées et capables de planifier les mesures et les réformes de sauvetage. C'est encore une fois un aspect de l'économie sociale de marché. L'économie sociale de marché, est-ce une réponse à un capitalisme qui a atteint son dernier degré de sauvagerie ? Avec le capitalisme, il s'agit d'entreprises qui cherchent à maximiser leurs bénéfices. L'on se focalise, dans ce sens, sur le rendement et le revenu. Avec l'économie sociale de marché, l'entreprise n'est pas un objectif en soi. Le but de l'entreprise, c'est plutôt une société stable. Plus précisément, il faut dire que l'économie doit servir la société par la planification de programmes nationaux, tels que l'amélioration du système éducatif et de celui de la formation professionnelle, la rénovation des voies de transport, des écoles et d'autres bâtiments publics. C'est un système où l'économique et le social se conjuguent au plus que parfait, mais aussi où les politiques et les économistes composent entre eux d'égal à égal.