La loi électorale n'a pas encore été rédigée. La société anticipe en soumettant des propositions pour que la prochaine campagne des législatives soit mieux contrôlée, notamment au niveau du financement Alors que la nouvelle loi électorale n'a pas encore été élaborée, la société civile multiplie les rencontres pour débattre de la question et présenter ses recommandations. « L'un des grands chapitres de cette loi concerne les campagnes et leur financement », a relevé Nabil Labassi, avocat, lors du séminaire organisé sur ce sujet par le Centre d'étude de l'islam et la démocratie, jeudi dernier. « Dans l'imaginaire collectif tunisien, l'argent permet de gagner les élections. L'expérience a montré que ce n'était pas toujours vrai . (...) Néanmoins, c'est un des facteur déterminants, au même titre que le programme électoral », a-t-il dit. En 2011, plusieurs partis ont été « handicapés » par le système de plafonnement des financements. Pour rappel, l'article 6 du décret 2011 – 1087 du 3 août 2011 fixe le plafond des dépenses électorales à trois fois le montant de la prime accordée au titre d'aide publique au financement de la campagne. La prime en question est calculée à raison de 35DT pour 1.000 électeurs. S'il y a plus de 200.000 électeurs inscrits dans la circonscription, cette somme est ramenée à 25DT. L'avocat estime que ce plafond doit être révisé, car les dépenses autorisées sont très en deçà des besoins. « Ce système a poussé certains grands partis à enfreindre les règles et à commencer leur campagne électorale plus tôt que prévu », a-t-il expliqué. Par ailleurs, la prise en compte du nombre des habitants comme unique facteur pour le calcul de la subvention publique n'a pas assuré l'équité entre les candidats, selon Fadhila Gargouri, responsable à la Cour des comptes. « Certaines circonscriptions ont bénéficié d'une prime supérieure à d'autres, bien qu'elles aient un nombre inférieur d'habitants », a-t-elle déclaré. En outre, les listes des indépendants ont été lésées en comparaison des listes de partis. Manque de transparence En 2011, la Cour des comptes n'a pas pu obtenir des données exhaustives sur le financement de la campagne électorale et effectuer le contrôle d'une manière effective. « On peut mesurer le manque de transparence par le nombre et le taux de dépôt des comptes de campagne électorale à la Cour des comptes. On a constaté que plus de 60% des listes n'ont pas déposé leur compte financier à la Cour », a ajouté Fadhila Gargouri. Selon elle, certaines listes ont eu des difficultés à ouvrir un compte réservé à la campagne électorale et ont été contraintes de donner un numéro de compte personnel ou d'une association pour bénéficier de la prime de l'Etat, ce qui est contraire au règlement. L'autre problème de taille que l'institution a rencontré concerne l'absence de mécanismes lui permettant de vérifier s'il y a eu un financement extérieur lors de la campagne, une pratique pourtant interdite par le décret-loi 35-2011 (article 52). « Pour remédier à ces problèmes, il faut impliquer la Banque centrale et le ministère des Finances au niveau de la réglementation, et les doter des mécanismes nécessaires. Il faut également harmoniser les instruments pour aboutir à un contrôle efficace », a affirmé Gargouri. Selon elle, les dépassements devraient être sanctionnés par des mesures plus sévères, telles que la suspension des candidats de leur parti. « Le décret-loi 35-2011 a été établi dans un contexte particulier. Il ne pouvait servir que pour les élections de l'Assemblée nationale constituante. Il faut une nouvelle loi qui permette d'atteindre les objectifs de la bonne gouvernance », estime Hasna Ben Slimane, juge au Tribunal administratif. « Si tout le monde faisait des dépassements, la situation deviendrait incontrôlable. Pour éviter cela, il faut que les règles soient bien faites, applicables, et qu'il y ait des organes de contrôle efficaces », conclut-elle.