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Lettre ouverte aux politiciens et médias tunisiens
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 12 - 2013


Par Abdoulaye Ba*
Mesdames et Messieurs, femmes et hommes politiques tunisiens d'une part, professionnels travaillant dans le secteur national des médias d'autre part, je m'autorise, en ma qualité de citoyen mauritanien, ressortissant du Maghreb Arabe et ami de longue date de la Tunisie, à m'adresser à vous, à travers les quelques mots qui suivent, en cette période très difficile de la courte histoire post-révolutionnaire du pays, pour vous demander, au nom des intérêts supérieurs de la nation et de par vos prérogatives respectives, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que l'espoir né le 14 Janvier 2011 se traduise pour la population par un bond en avant et non une régression inéluctable.
«Le Dialogue national, initié au prix d'efforts considérables par le Quartet, constitué par les centrales syndicale et patronale, l'ordre des avocats et la ligue tunisienne des droits de l'Homme, il y a maintenant plus de deux mois,hélas «est à l'agonie» au point où son échec n'est pas du tout à exclure. A l'évidence, la quasitotalité des formations politiques qui y prennent part n'ont manifestement pas la volonté politique nécessaire de se mettre d'accord sur le choix du futur chef de gouvernement transitoire,qui doit être une personnalité compétente et indépendante des partis et dont la mission est de sortir le pays de l'impasse qui perdure et de jeter les bases d'une société démocratique et solidaire, en s'appuyant sur une équipe d'experts et de technocrates affirmés et au seul service de l'intérêt général. La plateforme de travail qui sous-tend le Dialogue national, à savoir la feuille de route concoctée par le Quartet, a pourtant reçu quasiment l'assentiment de tous les participants. Aujourd'hui, les chances d'arriver à un consensus général sont peu évidentes et le quartet, soucieux de l'intérêt national, a jugé utile d'accorder aux politiques un sursis de quelques jours, en fait jusqu'au 14 décembre 2013,date fatidique, pour leur permettre «d'accorder leurs violons», au lieu d'annoncer purement et simplement l'échec du Dialogue national.
La question que tout le monde a envie de vous poser, Mesdames et Messieurs les femmes et hommes politiques,est toute simple: qu'est-ce qui se passe et fait que vous avez du mal à trouver un compromis salutaire pour éviter le pire à la Tunisie? Rappelons pour mémoire, qu'au lendemain du 14 janvier 2011, des élections générales ont été organisées à l'issue desquelles des institutions de transition ont été mises en place pour conduire le pays vers une véritable société démocratique et solidaire. La forme de gouvernance choisie par les principaux vainqueurs du scrutin, en l'occurrence, la Troïka, est constituée des trois composantes suivantes: un président choisi par une Assemblée nationale constituante élue où siègent une majorité et une opposition, un président de la République provisoire désigné par l'ANC et un chef de gouvernement nommé par le Chef de l'Etat et chargé avec son équipe ministérielle d'assurer la gestion des affaires du pays pendant la période transitoire.Pratiquement deux années se sont écoulées depuis que la Troïka est aux commandes du pays. Force est de constater que les objectifs qu'elle s'était fixées dans les délais impartis, sont loin, c'est le moins que l'on puisse dire, d'être réalisés. La situation d'ensemble du pays s'est considérablement dégradée. La rédaction de la nouvelle Constitution n'est pas toujours achevée et, du coup, la date des prochaines élections ne peut être d'actualité. La Tunisie connaît en ce moment une récession économique sans précédent et tous les secteurs d'activité fonctionnent au ralenti ou sont quasiment paralysés. La pauvreté a gagné de larges franges de la population jusque-là épargnées par les difficultés socioéconomiques.
Image écornée
Les conflits et mouvements sociaux sont devenus monnaie courante. La guéguerre entre la Troïka et l'opposition en général a atteint son paroxysme, laminant ainsi bon nombre de formations politiques:la coalition au pouvoir est aujourd'hui écartelée, beaucoup de partis se sont affaiblis ou ont enregistré des défections, etc. Les relations entre les politiques et les médias sont de fait conflictuelles. L'extrémisme et le terrorisme ont sérieusement gangrené la société instaurant ainsi un climat d'insécurité généralisée et plus grave encore endossent entièrement la responsabilité de multiples actes commis, odieux et condamnables, tels que l'attaque contre l'ambassade américaine, les assassinats de personnalités politiques, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, les événements sanglants au mont Chaâmbi, à Goubellat et à Sidi Ali Ben Aoun, les attentats de Sousse et Monastir, etc. Bref, l'image de la Tunisie en si peu de temps s'est sérieusement dégradée. Dès lors, des secteurs clés de l'économie nationale, le tourisme et l'investissement productif, créateurs de richesses et d'emplois par exemple, en ont pris un sérieux coup. Incontestablement, nous pouvons affirmer qu'il y a réellement péril en la demeure. C'est au regard de cette extrême gravité de la situation du pays aux conséquences imprévisibles, qu'une femme et des hommes représentatifs de la Tunisie qui croient au progrès économique et à la justice sociale, ont pris leur responsabilité historique en invitant les politiques à surseoir à leurs divergences et à s'accorder sur l'essentiel, afin d'éviter que le pays ne sombre dans le chaos et l'anarchie, préjudiciables surtout pour la majorité de la population. Au nom de toutes et tous ceux aiment et croient sincèrement en la Tunisie, que le Quartet soit ici infiniment remercié, soutenu et encouragé pour son initiative ô combien louable et salutaire.
Mesdames et Messieurs, femmes et hommes politiques du pays, vous êtes aujourd'hui en première ligne, sur le devant de la scène politique et face à vos responsabilités. Majorité et opposition, vous êtes, c'est douloureux de le dire, coresponsables des moments pénibles que vit actuellement le pays, pour n'avoir pas compris que la Tunisie de l'après 14 Janvier, malade de plus d'un demi-siècle de pouvoir absolu, d'injustice sociale, de disparités régionales, de frustration, d'absence de libertés et de dignité de sa population,a impérativement besoin, pour jeter les bases d'une société nouvelle, démocratique et solidaire, de l'union et du rassemblement de toutes ses forces vives. Certes, il fallait organiser des élections le 23 octobre 2011, mais dans le but surtout de fixer le cadre général de la nouvelle Tunisie à édifier. En revanche, peu importe le résultat du scrutin, une gouvernance consensuelle était la seule alternative plausible pour rompre avec le passé et bâtir du nouveau. En toute modestie, dès le mois de mai 2012, dans un article paru le 21 dans le quotidien «La Presse de Tunisie», nous avons appelé à la formation d'un gouvernement d'union nationale.Cet appel, nous l'avons réitéré dans nos publications parues dans le même journal les 20 juin 2012 et 9 et 11 avril 2013. Malheureusement, nous n'avons pas eu la chance d'être entendu.
Guerre ouverte
Mesdames et Messieurs, vous avez plutôt préféré aller vite en besogne, la Troïka d'une part s'estimant avoir suffisamment les coudées franches pour réaliser le programme pour lequel elle a été portée au pouvoir, l'opposition en général d'autre part se sentant assez bien armée pour pouvoir empêcher la majorité de gouverner selon ses propres orientations. Petit à petit, vos divergences et différences d'approches se sont muées progressivement en une guéguerre ouverte et déclarée. Les médias, et c'est bien dommage, dans leur majorité, vous ont fait la part belle, en se faisant l'écho de vos querelles de clochers. Depuis plus de deux années, un nombre incalculable d'émissions et de débats radiophoniques et télévisuels ont été organisés, des tonnes de publications sont parues dans la presse écrite, le net et les réseaux sociaux, sans que cela n'engendre de réelles retombées positives pour la population tunisienne.Le comble est que ce traitement de faveur accordé aux politiques par les médias dans leur «timing» n'a pas été profitable à ces derniers. Au fil du temps, les relations entre les «deux mondes»sont devenues de plus en plus tendues voire même conflictuelles. Dès lors, le peuple dans sa diversité, privé de l'encadrement nécessaire des politiques et de l'éclairage combien bénéfique des médias, s'est retrouvé seul livré à lui-même. Faute d'interlocuteurs crédibles, il n'a pas trouvé mieux que de prendre en charge lui-même ses propres aspirations et revendications. Ainsi, nous avons assisté à une cascade de mouvements et conflits sociaux: grèves, sit-in, marches et autres manifestations populaires, qui malheureusement ont durement affecté l'économie nationale. Pire,l'extrémisme et le terrorisme, à la faveur d'une conjoncture favorable, la présence d'Aqmi au Maghreb et au Sahel et les conséquences explosives de la révolution libyenne, se sont invités au débat politique, semant la zizanie, plongeant le pays dans l'insécurité et surtout causant la mort de nombreuses personnes chez les hommes politiques et dans les rangs des forces armées et de sécurité, mais aussi de simples citoyens. Il ne fait aucun doute que, dans un contexte aussi critique pour le pays, toute action sérieuse de développement est difficilement réalisable.
Les Tunisiennes et Tunisiens dans leur grande majorité, c'est une évidence, sont actuellement de plus en plus pessimistes quant à l'avenir du pays et sont peu enclins à fournir plus d'efforts dans le cadre de leurs activités. Ils sont très déçus des politiques, écoutent peu la radio, ne lisent pas beaucoup les journaux, regardent de moins en moins la télévision et ne surfent plus comme avant sur le net et les réseaux sociaux. Les jeunes gens sont très préoccupés par leur devenir et souvent cherchent coûte que coûte à émigrer, parfois au risque de leurs vies. Les chefs d'entreprises nationaux ne sont plus enthousiastes à investir et créer des emplois. Le coût très élevé de la vie a terriblement grevé le pouvoir d'achat des plus modestes. Pour preuve, à cause du prix exorbitant du mouton, beaucoup de familles n'ont pas pu fêter convenablement cette année l'Aïd El Idha, ce qui est inadmissible dans un pays dirigé par des islamistes. De nombreux pays frères et amis riches ou développés et des institutions et organisations internationales de financement du développement sont très disposés à soutenir les efforts de redressement de l'économie tunisienne, mais souhaitent vivement et au préalable qu'une issue finale et heureuse soit trouvée à la crise de gouvernance qui mine le pays.
Aimer la Tunisie
Mesdames et Messieurs les politiques, vous n'avez pas le droit de décevoir les millions de Tunisiennes et Tunisiens, qui un soir du 14 Janvier 2011, se sont soulevés comme une seule femme et un seul homme, au prix d'immenses sacrifices et de pertes humaines, et ont dégagé le pouvoir de Ben Ali. Il ne faudrait pas que cet élan patriotique et salvateur soit vain. La Tunisie se doit d'avancer et elle avancera inchallah. La politique n'a d'intérêt que quand elle parvient à améliorer le vécu de la population. Aujourd'hui, en ces temps difficiles, aimer sincèrement la Tunisie et se considérer comme un véritable patriote, ce n'est pas faire de la politique politicienne, ce n'est pas non plus manifester à tout bout de champ en chantonnant à cor et à cri l'hymne national et en se couvrant du drapeau national (certes, à une époquerécente, un tel comportement avait valeur de symbole; mais malheureusement, cela a été tellement galvaudé au point où il est plutôt perçu comme un effet de mode), ce n'est pas aussi parler tout le temps sans que cela ne se traduise par des faits concrets, aimer cette terre d'islam, c'est agir et tout faire pour qu'elle ne devienne pas un champ de bataille politique, médiatique et militaire, mais plutôt un «havre de paix».
Mesdames et Messieurs, femmes et hommes politiques tunisiens, vous avez là une chance à ne pas rater et de marquer de votre empreinte l'histoire de ce pays. Cette chance, c'est de faire rimer le 14 décembre 2013 avec le 14 janvier 2011. Ainsi, la date du 14 décembre, à l'instar du 14 janvier, sera considérée comme un fait marquant de l'histoire du pays.
Mesdames et Messieurs les professionnels exerçant dans le secteur des médias, je ne doute nullement de l'amour et de la dévotion que vous avez pour votre métier. En toute modestie, je voudrais tout simplement vous faire part de mon sentiment sur la contribution combien importante que vous pouvez apporter au pays dans cette période si délicate de son histoire. La Tunisie, souhaitons-le, comptera un jour parmi les grandes démocraties de ce monde. Pour le moment, nous n'en sommes qu'à l'apprentissage. Il nous faudra certainement quelques années encore pour y parvenir. Le plus important, à mon humble avis, au-delà de votre devoir d'informer objectivement la population sur l'actualité, c'est d'apporter surtout un éclairage à nos concitoyens, en les aidant à s'émanciper en prenant conscience de leurs responsabilités afin de pouvoir mieux s'acquitter de leurs devoirs à l'égard de la nation. Autrement dit, votre centre d'intérêt et la priorité de vos priorités, doivent être la population tunisienne qui a grandement besoin d'apprendre et de se former à l'exercice de la démocratie. L'histoire de l'humanité nous enseigne éloquemment que ce sont les peuples qui sont les auteurs des grands événements, bouleversements et changements de sociétés, le rôle bien compris des politiques étant d'y contribuer de par leur soutien et encadrement.
Mesdames et Messieurs, l'Afrique et le monde entier viennent de perdre un grand homme, un leader émérite et un exemple de bravoure, de grandeur, de simplicité, de générosité et de tolérance. Puisse l'œuvre de Nelson Mandela ou Madiba tout court, nous inspirer pour que le 14 décembre 2013, la Tunisie choisisse enfin le nouveau locataire du Palais de la Kasbah, en remplacement de M. Ali Laârayedh démissionnaire, tel que stipulé par la feuille de route du Quartet. Ce choix n'est pas du tout difficile à faire et le pays ne manque pas compétences en la matière. Il suffit seulement qu'il y ait la volonté politique nécessaire pour le faire».
Prions Dieu le Tout-Puissant pour qu'il nous aide à bâtir une Tunisie paisible où il fait bon vivre.
Prions aussi Dieu le Tout-Puissant pour qu'il nous aide à réussir le Dialogue national.
Vive la Tunisie unie, démocratique et solidaire. Vive le 14 janvier 2011.
* (Citoyen mauritanien et ami de toujours de la Tunisie)


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