Par Abdou BA* Plus que quelques heures et nous serons le 23 octobre 2011. Ce jour-là, la Tunisie a rendez- vous avec son destin. Il s'agira, pour le peuple tunisien, d'élire une assemblée nationale constituante chargée d'élaborer une nouvelle loi fondamentale qui déterminera le cadre général de la vie politique, économique, sociale, culturelle, religieuse, etc du pays au lendemain de la révolution. Avec le 14 Janvier, le 23 octobre 2011 sera sans nul doute une des dates qui marqueront l'histoire de la Tunisie. Après avoir mis fin à plus de deux décennies de dictature et d'injustice, le moment est venu à présent pour le peuple de définir les conditions pour l'instauration définitive d'une société libre et démocratique. De ce fait, les prochaines élections auront valeur de test grandeur nature. Il sera question de prouver au monde entier qu'il est possible d'exercer la démocratie dans un pays arabe, africain et musulman. La situation globale qui prévaut actuellement dans le pays laisse présager des perspectives rassurantes pour l'avenir de la Tunisie. Certes, il existe un nombre impressionnant de partis politiques, plus d'une centaine, et d'organisations indépendantes à briguer le suffrage des électeurs ; certes, les personnalités sérieusement impliquées avec l'ancien régime, les mouvements et courants particularistes, voire sectaires, sont exclus des enjeux politiques. Toutefois, si l'on en juge de par l'intéressement croissant de la population à la chose politique, de par la soif de liberté, de changement et justice exprimée partout par les gens, soit dans la rue , soit à travers les médias, le Net et les réseaux sociaux, on ne peut qu'être optimiste quant à l'issue finale des élections. A notre humble avis, un seul vainqueur sortira des urnes, à savoir le peuple tunisien. La révolution du 14 Janvier 2011 a libéré le pays de l'arbitraire, favorisé l'avènement d'un printemps arabe, suscité l'admiration de tous les peuples et fait naître l'espoir d'un monde meilleur. Ce formidable mouvement d'émancipation, pour être irréversible, doit avant tout permettre l'instauration à terme d'une société démocratique et solidaire en Tunisie. Pour cela, il nous paraît essentiel de préserver et de renforcer les acquis fondamentaux du pays afin de pouvoir bâtir une société moderne et dynamique. Le contenu de la nouvelle Constitution peut être résumé aux principaux points suivants : - Les futurs constituants se feront certainement le devoir de rappeler en préambule que la Tunisie est un pays enraciné dans ses valeurs arabe, africaine et musulmane et ouverte sur le monde, notamment sur son proche environnement extérieur. - L'affirmation de l'Etat de droit et son corollaire, la séparation des trois pouvoirs. - L'égalité en droit de tous les Tunisiennes et Tunisiens. - L'égalité en droit entre la femme et l'homme, notamment par le renforcement du Code du statut personnel. - L'accès de tous les Tunisiennes et Tunisiens à l'enseignement et au savoir. - Le respect et la garantie de toutes les libertés, individuelles et collectives, d'expression et d'association, de conscience et de croyance, etc. - L'attachement de tous les citoyens à l'unité de la nation. - Le bannissement du racisme, de l'extrémisme, du particularisme, de l'obscurantisme, du sectarisme, de l'intolérance, de l'arrogance, de la terreur, etc. Ce point nous paraît capital, lorsqu'on connaît toutes les supputations médiatiques d'une certaine presse occidentale, parfois sous l'œil bienveillant de leurs gouvernants, quant aux risques que la Tunisie bascule dans l'extrémisme religieux. Il nous appartient tous, femmes et hommes, jeunes et adultes, de relever ce défi par l'organisation méthodique de débats, rencontres et manifestations multiples dont la finalité est de se convaincre les uns les autres, mais aussi de prouver à l'opinion publique occidentale que la Tunisie est une terre d'Islam où peuvent cohabiter des individus de croyances et d'origines diverses dans le respect mutuel, la tolérance et la paix. Il ne doit pas y avoir de place pour l'extrémisme et l'arrogance, source de discorde et de conflits. Ce challenge, nous devons à terme le gagner, afin que la presse occidentale, d'une manière générale, ne tombe plus dans la facilité de l'amalgame entre l'Islam et l'extrémisme ou cesse tout simplement de se considérer comme le «champion» de la lutte antiterroriste; une presse, qui au, passage, devrait hélas être normalement aux premiers rangs du combat politique et diplomatique pour que la Palestine devienne un membre à part entière de l'Organisation des Nations unies. - Le devoir de solidarité et d'assistance aux démunis et nécessiteux. C'est là aussi un point très important. La révolution du 14 Janvier a prouvé, une fois de plus et s'il en était besoin, la générosité et la solidarité exemplaires du peuple tunisien envers les plus démunis. Ce formidable élan d'entraide des Tunisiens a également bénéficié au peuple libyen dans sa lutte victorieuse contre le régime du dictateur et illuminé Kadhafi. Au nom de la solidarité naturelle entre les peuples, que la Tunisie entière soit ici remerciée. Ces divers points susmentionnés, parce qu'ils nous paraissent fondamentaux, caractérisant même cette Tunisie nouvelle que nous souhaitons voir s'édifier, devront être rédigés en lettres d'or. - Naturellement d'autres points portant sur les questions économiques, sociales, culturelles, écologiques, etc, de même que sur les relations internationales et j'en passe, figureront sans aucun doute dans la nouvelle Constitution qui, pour obtenir l'adhésion de tous, gagnerait à être soumise à référendum. Nous sommes sûrs que les futurs élus dans leur diversité sauront nous proposer un bon projet pour une société tunisienne meilleure. Pour que cet espoir ne soit pas vain, il faut absolument voter le 23 octobre 2011. Certes, il n'est pas aisé, vu la multitude des partis et organisations politiques en lice, d'y voir clair dans les programmes qui sont présentés. Cependant, une certitude demeure. Pour avoir mis un terme à plus d'un demi-siècle de régime quasi-monopartite, pour avoir dégagé une dictature de plus de deux décennies, la Tunisie ne peut qu'aller de l'avant, conformément aux aspirations du peuple à la liberté, à la dignité, à la justice et au progrès social. Les prochaines élections sont une première dans le pays. Elles intéressent le monde entier et peuvent être, en cas de succès, une excellente vitrine pour la Tunisie et une réelle motivation pour les peuples arabes et africains en lutte pour la démocratie. Nous sommes persuadés que les Tunisiennes et Tunisiens, dans leur grande majorité, iront voter ce dimanche, n'en déplaise aux sceptiques, nostalgiques d'un passé révolu, pêcheurs en eau trouble et autres marginaux. Le gouvernement de transition doit être ici remercié pour tous les efforts consentis en vue d'assurer la sécurité et la stabilité du pays, la continuation de l'activité économique, sociale et culturelle, etc. Aujourd'hui, tout n'est pas parfait, ce qui est normal. Néanmoins, l'hésitation devrait laisser la place à l'enthousiasme. Alors, que tout le monde soit en ordre de marche et en route pour le 23 octobre 2011. Pour ma part, ne pouvant pas prendre au scrutin, je voterai du fond du cœur Tunisie. Vive la Tunisie nouvelle, libre, démocratique et solidaire.
