Nous avons reçu la mise au point suivante du directeur des ressources humaines à l'Oaca. Nous la publions telle quelle, suivie de la note de notre rédaction Suite à l'article publié dans le journal La Presse, en date du lundi 9 décembre, sous le titre «Le décollage en trombe d'une carrière», l'Office de l'aviation civile et des aéroports s'étonne des propos rapportés par la journaliste, Mme Olfa Belhassine, qui ont déformé les propos de M. Menchari Sami, directeur des ressources humaines à l'Oaca, lors de l'entretien accordé à l'intéressée. D'ailleurs, et après l'entretien en question qui a porté aussi bien sur un aspect technique, à savoir les modalités d'obtention des qualifications des contrôleurs de la circulation aérienne, mais aussi sur un aspect réglementaire, à savoir les modalités ayant permis la régularisation de la situation des agents de l'Office de l'aviation civile et des aéroports ayant bénéficié de l'amnistie générale, il a été demandé à Mme O.B. qu'une lecture préalable de l'article soit effectuée avant sa publication, justement pour éviter toute mauvaise interprétation, chose qu'elle n'a pas respectée. Pour revenir au contenu de l'interview, il a bien été dit que la reconstitution des carrières des agents de l'Oaca ayant été réintégrés dans le cadre de la loi de l'amnistie générale et dont le nombre s'élève à 11 personnes a été effectuée, après avoir consulté au préalable le ministère de tutelle et la présidence du gouvernement, sur les modalités de cette reconstitution qui devait se faire par un alignement sur leurs collègues de promotion ayant été recrutés la même année, pour le même emploi et au même grade, et ce, comme s'ils n'avaient jamais quitté leur poste; principe d'ailleurs repris par l'article 2 du décret n°2012-3256 du 13 décembre 2012. En ce qui concerne le grade, l'intéressé n'a pas obtenu quatre grades, comme l'indique l'article en question, mais seulement deux. En effet, initialement recruté en tant qu'adjoint technique diplômé de l'Ecole de l'aviation civile de Borj El Amri, spécialité circulation aérienne promotion 1979 (et non bachelier comme indiqué dans l'article), l'intéressé a été promu, sur concours interne en 1988, au grade d'ingénieur adjoint, grade au cours duquel a eu lieu la révocation en 1991. En 2011, il a été réintégré au même grade conformément aux dispositions de la loi sur l'amnistie générale, et aligné sur ses collègues de promotion. Il a, de ce fait, bénéficié de deux grades. En ce qui concerne le deuxième volet, à savoir la qualification des contrôleurs, il est à préciser que la qualification détermine la prime de licence des contrôleurs de la circulation aérienne qui constitue un élément de salaire. Cette prime évolue selon les qualifications obtenues suite à des tests de qualification. Or, partant du principe de ce qui a été exposé ci-dessus lors de son licenciement, l'intéressé avait la qualification de contrôleur «phase approche». De ce fait, sa réintégration s'est effectuée sur la base de cette situation. Suite à quoi, il a été aligné sur ses collègues de promotion qui ont obtenu pour la majorité la qualification «radar», avec fonction de chef de salle, et cela sur le plan de la carrière uniquement. Quant à l'exercice effectif de la fonction de contrôleur aérien où la sécurité est primordiale, l'intéressé a été amené à refaire les tests de qualification en octobre 2011, suite auxquels il a obtenu la qualification de contrôleur «d'aérodrome», et ce, conformément aux textes réglementaires qui organisent l'activité du contrôle aérien. Actuellement, il exerce uniquement en tant que contrôleur «d'aérodrome». Enfin, l'attribution de la fonction de chef de salle instructeur, aux critères de laquelle répond l'intéressé, a été faite toujours selon le même principe, celui de l'aligner sur ses homologues. En conclusion, cette démarche, adoptée non seulement pour le cas cité par l'article de Madame O.B., mais aussi pour la totalité des 11 agents amnistiés, n'a eu pour but que de reconstituer la carrière de ces agents durant les vingt années d'arrêt de travail, et ce, conformément à l'article 2 du décret cité ci-dessus, stipulant que les agents amnistiés «doivent être réintégrés dans les postes qu'ils occupaient avant la cessation de leur activité, et ce, même en surnombre. Ils bénéficient du même avancement que leurs homologues, et ce, à compter de la date de cessation de l'activité jusqu'à la date de réintégration». Ndlr Nous remercions l'Oaca pour cette opportunité qu'il nous accorde, afin de revenir avec plus de détails sur une des affaires des plus scandaleuses de l'administration tunisienne au temps de la Troïka (consulter notre enquête d'investigation consacrée à ce sujet publiée le 9 et le 10 décembre). Le cas de Mohieddine F. auquel nous avons consacré un article intitulé «Lorsqu'un amnistié est propulsé aiguilleur du ciel en chef : le décollage en trombe d'une carrière !» a été en fait abordé avant nous par Mme Nadia Chaâbane, élue du peuple, dans une lettre ouverte adressée à M. Harouni, ministre du Transport, publiée sur le site businessnews le 4 octobre 2013 sous le titre «Des vérités pour Monsieur le ministre de l'air». Elle y écrit entre autres : «J'ai sous les yeux un dossier édifiant dénotant une nonchalance et une irresponsabilité terrifiantes dans la prise de décision». Se référant au dossier de M.F., elle ajoute : «Ce monsieur est tout de go promu chef de salle et instructeur, bénéficiant de trois grades d'un coup, alors que le passage d'un grade à un autre nécessite des compétences acquises par une formation, des stages, des concours...». Elle tranche plus loin avec les mots justes: «Confier la vie de leurs passagers à un aiguilleur formé il y a plus de vingt ans et ayant cessé d'exercer depuis et promu aujourd'hui responsable et instructeur a de quoi donner des sueurs froides à toute entreprise qui se respecte, respecte ses engagements et surtout la vie de ses passagers». Revenons maintenant aux reproches adressés par M. Menchari à notre journaliste, Mme Olfa Belhassine, dont ceci n'est pas le premier travail d'investigation. Archifaux : aucune mauvaise interprétation n'a été faite par notre journaliste des propos du directeur des ressources humaines qu'elle a, d'ailleurs, bien pris soin d'enregistrer. Elle « s'étonne » de son côté d'un quelconque accord explicite qu'elle aurait donné pour une lecture de son travail. «Il a été demandé à Madame O. B. qu'une lecture...chose qu'elle n'a pas respectée», dit le droit de réponse (remarquez bien : cette réponse ne spécifie pas qu'O.B. a approuvé la demande citée plus haut. La vérité sort par la bouche de ses auteurs !), d'autant plus qu'à la fin de l'entretien, les responsables présents l'ont uniquement remerciée « de son sérieux et d'avoir pris la peine de se déplacer à l'Oaca, victime de plusieurs campagnes de dénigrement ». Sachez, d'autre part, messieurs de l'Oaca que les temps où les officiels « corrigeaient » les papiers des journalistes, avant leur parution, est bien révolu ! Paradoxalement, cette mise au point envoyée pour se rattraper par rapport aux déclarations de M. Menchari sur le cas de M.F. lors de l'entretien avec notre journaliste, « enfonce » encore plus cet amnistié « privilégié par la volonté du prince », comme l'écrit Mme Chaâbane, un amnistié qui fait aujourd'hui la pluie et le beau temps à l'Oaca. Tout d'abord, il s'avère que l'intéressé n'est pas bachelier comme annoncé dans notre article mais plutôt ayant juste le niveau bac : en ces années 70, l'Ecole de Borj El Amri recrutait et formait des candidats n'ayant pas réussi leur baccalauréat ! Ensuite : ce document confirme que la fonction de chef de salle instructeur « faite pour l'aligner sur ses homologues » (il va instruire qui, alors que ses subordonnés sont tous plus qualifiés que lui ?) est de l'ordre de la qualification fictive. Une faveur qui lui accorde des primes, afférentes à une fonction qu'il n'exerce pas, faute de stages et de formations se déroulant sur le long cours. Intrigant également : la fonction « contrôleur radar » inscrite sur sa fiche de paie. Alors que la note du 18 mars 2013 de son dossier explique que l'intéressé était en phase de formation pour obtenir la qualification approche précédant celle du contrôleur radar. Mais qu'importe ! Grâce à ces deux petits mots magiques, « contrôleur radar », l'intéressé bénéficie indûment d'une prime mensuelle de plus de 250 dinars ! Enfin, et plus grave encore, le dossier administratif de M.F. atteste que la procédure de reconstitution de sa carrière est tout bonnement hors la loi ! Elle a été bricolée au pas de course, sans la moindre transparence et en dehors des structures légales. Mais de quel Etat de droit parle-t-on ? Ainsi, elle a été réalisée, dans une première phase, sur la base du décret-loi d'amnistie générale signé par M. Foued Mebazâa en février 2011 et qui ne mentionne point l'idée de la reconstitution du parcours professionnel. Procédure inique, selon le juge Ahmed Souab (voir notre interview du 9 décembre). Inventée par le gouvernement nahdhaoui pour servir les intérêts financiers de ses militants, propulsés aux plus hauts grades de l'administration tunisienne. Et dans une seconde phase sans respecter l'article 7 du décret du 13 décembre 2012 qui stipule : « Une commission est créée auprès de chaque ministre de tutelle pour les collectivités locales, les établissements publics à caractère non administratif et les entreprises publiques. Chaque commission est chargée d'examiner les demandes de reconstitution de carrière...En plus, elle établit les dossiers relatifs aux agents concernés après vérification de l'authenticité des documents qui y sont inclus ». Pour toutes ces raisons et suite au succès enregistré par cet article sur les réseaux sociaux notamment, nous venons d'apprendre qu'un collectif concerné par cette affaire entouré d'un groupe d'avocats est en train de se former pour porter cette affaire devant le Tribunal administratif... Vive la liberté de la presse !