Un état des lieux et des perspectives au regard des bouleversements sociopolitiques... A l'initiative du Centre d'études de l'unité arabe de Beyrouth et avec le concours de l'Institut suédois d'Alexandrie, s'est tenu à Hammamet, du 18 au 20 décembre, un colloque sur le thème : «Cinéma arabe, son histoire, son avenir et son rôle dans la renaissance arabe». Ainsi, durant trois jours, une vingtaine de chercheurs, critiques et professionnels de cinéma ont tenté d'établir un état des lieux du cinéma dans le monde arabe et de scruter l'avenir de ce secteur et son rôle au regard des bouleversements sociopolitiques que connaissent aujourd'hui plusieurs pays arabes. Sur les raisons qui ont présidé au choix du thème général pour ce colloque, le Dr. Riadh Kacem, directeur général par intérim du centre basé depuis 1975 à Beyrouth, explique que cela provient d'abord d'une volonté de se rattraper par rapport aux différents secteurs de la culture qui ont fait rarement l'objet d'étude approfondie au sein du centre. C'est également en réponse au rôle prédominant que semblent jouer aujourd'hui le cinéma et l'image d'une façon générale auprès des jeunes générations. D'après lui, cette rencontre devrait être le coup d'envoi d'une série de rendez-vous de réflexion axés autour du cinéma et de son devenir dans le monde arabe. Les travaux présentés lors de la première journée ont porté essentiellement sur l'histoire du cinéma arabe. Une histoire qui, pour des raisons multiples, reste à écrire, selon le critique palestinien Bachar Ibrahim. L'absence flagrante d'une documentation selon les règles de l'art en plus d'un archivage anarchique et primaire entravent aujourd'hui toute tentative sérieuse pour une approche historique rationnelle de l'évolution de l'art cinématographique dans nos contrées. Sans parler du manque d'intérêt qu'affichent généralement les chercheurs universitaires spécialistes de l'Histoire pour un éventuel travail sur l'histoire du cinéma. Le critique marocain Khalil Dammoun a, quant à lui, axé sa contribution sur les questions du financement, de la production et de la coproduction. Partant de l'exemple marocain, il a insisté sur l'importance du financement public du cinéma, non seulement pour la production des films, mais également pour le soutien de la distribution et la consolidation du parc des salles de cinéma ainsi que la subvention des festivals qui jouent un rôle important dans la promotion des productions nationales. Il a, par ailleurs, attiré l'attention sur l'effort considérable au Maroc réservé à la sauvegarde et à la numérisation du patrimoine cinématographique marocain. Le producteur tunisien Néjib Ayed est intervenu pour défendre l'idée d'une coproduction sud-sud où les pays arabes peuvent se soutenir mutuellement afin de résoudre les problèmes de financement et de distribution que vivent actuellement la plupart des cinématographies arabes. Le critique libanais Ibrahim AL Ariss a contesté la thèse que les fonds européens, qui soutiennent certains films arabes, cherchent à imposer leur diktat sur les cinéastes arabes. Etant lui-même appelé souvent à faire partie des commissions de lecture dans ces fonds, il n'a jamais observé la moindre tentative de donner aux réalisateurs des directives sur le type de cinéma qu'ils devraient faire. Cependant, il a remarqué que ce type de production est en baisse aujourd'hui vu les politiques d'austérités budgétaires appliquées ces dernières années dans les pays européens. Le romancier tunisien Kamel Riahi, s'est penché, pour sa part, sur le rapport du cinéma arabe avec la littérature. Partant de la question de l'adaptation du texte littéraire au cinéma, sa communication s'est axée sur le problème du scénario dans les films arabes. D'après lui, la tendance dominante, dans certains pays arabes et notamment en Tunisie, vers un cinéma d'auteur reste un obstacle majeur devant l'émergence d'expériences intéressantes dans le domaine du scénario. Ce qui oblige aujourd'hui la majorité des cinéastes à écrire eux-mêmes leurs scénarios même quand ils n'ont pas forcément le talent pour le faire. Un volet important a été réservé dans ce colloque à la musique du film à travers l'intervention du compositeur irakien Nacir Chamma. L'intervenant regrette le manque d'intérêt qu'accorde la critique à l'aspect musical des films. Il dénonce le recours de la plupart des cinéastes à la musique de répertoire en dépit d'une musique originale composée exclusivement pour le film. Il avoue quand même que, faute de culture cinématographique, certains musiciens ignorent les spécificités de l'écriture musicale destinée au cinéma. Le colloque s'est couronné finalement par des recommandations, que le Centre d'études de l'unité arabe s'est chargé de mettre en œuvre. Il s'agit d'un projet d'une revue spécialisée d'études cinématographiques ainsi qu'un calendrier de rencontres et de colloques sur le cinéma arabe. Les organisateurs ont signalé, par ailleurs, que les travaux de ce colloque verront bientôt le jour sous forme d'un ouvrage collectif qui sera publié au cours de l'année 2014.