DJALALABAD, Kirghizistan (Reuters) — La présidente kirghize par intérim, en visite dans le sud du pays ravagé par des violences ethniques, a souligné hier la nécessité d'organiser comme prévu dimanche le référendum sur la réforme constitutionnelle. "Si nous autorisons un report, cela risque de nous créer davantage d'instabilité", a déclaré à Djalalabad Roza Otounbaïeva, alors qu'à Och, une autre ville du Sud, de nouveaux affrontements faisaient au moins deux morts. Malgré ses moyens limités, l'armée kirghize est intervenue dans le Sud pour tenter de mettre fin aux affrontements entre communautés kirghize et ouzbèke, qui ont fait officiellement plus de 200 morts. Selon le gouvernement intérimaire, le bilan des violences, qui ont débuté le 10 juin et entraîné le déplacement de 400.000 personnes, pourrait être dix fois plus élevé. Les Etats-Unis et la Russie, qui disposent tous deux d'une base militaire au Kirghizistan, craignent que les troubles ne se propagent à d'autres pays d'Asie centrale, voie de passage du trafic de drogue et ferment de militantisme islamiste. Hier, les forces de sécurité kirghizes ont attaqué un quartier ouzbek à la périphérie de la ville d'Och, faisant au moins deux morts, rapportent des membres d'ONG sur place. Ole Solvang, chercheur pour l'association Human Rights Watch (HRW), a indiqué à Reuters que de nouveaux affrontements avaient éclaté alors qu'une patrouille de l'armée kirghize se trouvait dans le village de Nariman, à la périphérie d'Och. "Les soldats patrouillaient (...) et cherchaient des armes. De nombreuses personnes ont été passées à tabac", a raconté Solvang, joint au téléphone dans un hôpital de la ville. "C'est très tendu". Timour Kamtchibekov, porte-parole intérimaire à Och, a expliqué que les soldats étaient en opération lorsqu'ils ont été attaqués dans un quartier ouzbek. "Les forces de l'ordre se sont heurtées à une résistance armée dans le village de Nariman. Selon nos premières informations, deux civils ont été tués", a-t-il dit à Reuters. Tolekan Ismaïlova, une militante des droits de l'Homme, a fait état de son côté de quatre personnes tuées. Moscou et Washington sont favorables au maintien du référendum constitutionnel à la date prévue, afin de préserver la stabilité du pays. Les responsables de la diplomatie dans les deux capitales, Sergueï Lavrov et Hillary Clinton, en sont convenus par téléphone dimanche, a fait savoir la Russie. "La tenue de ce référendum est devenue une nécessité parce que nous devons créer un cadre juridique", a déclaré Roza Otounbaïeva. Le texte soumis au vote populaire prévoit le renforcement des pouvoirs du Premier ministre. Certains responsables kirghizes doutent de pouvoir organiser un tel scrutin dans le sud du pays dans le climat actuel. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) a décidé de ne pas envoyer d'observateurs en raison des violences. Les nouveaux dirigeants de Bichkek, arrivés au pouvoir à la faveur d'un soulèvement populaire en avril, accusent le président déchu Kourmanbek Bakiev, exilé en Biélorussie, d'attiser les troubles pour reprendre les rênes du pays.