Inquiétude sur une possible extension du conflit kirghize BICHKEK (Reuters) — La communauté internationale s'inquiète de l'exode massif de civils qui fuient les affrontements ethniques dans le sud du Kirghizistan pour se réfugier en Ouzbékistan, une situation de nature à fragiliser un peu plus cette région instable d'Asie centrale. D'après l'émissaire spécial de l'ONU, Miroslav Jenca, le nombre de réfugiés pourrait bientôt dépasser les 100.000 et il devient urgent que les autorités kirghizes prennent des mesures pour empêcher une propagation des violences aux pays voisins. «Selon les informations fournies par les autorités de l'Ouzbékistan, 75.000 réfugiés ont déjà été accueillis dans ce pays et leur nombre pourrait bientôt dépasser les 100.000», a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Bichkek. «La tâche la plus importante maintenant c'est de mettre fin à l'effusion de sang (...) Il ne faut pas que le conflit s'étende», a-t-il insisté. «Nous devons prévenir une catastrophe plus grave parce que l'Afghanistan n'est pas loin et qu'on ne peut exclure que ces deux problèmes en viennent à s'imbriquer». Le conflit qui oppose Kirghizes et Ouzbeks, notamment dans les villes d'Och et de Djalalabad, a fait 176 morts et 1.600 blessés. Lynn Pascoe, sous-secrétaire de l'ONU chargée des affaires politiques, a souhaité la création d'urgence d'un corridor humanitaire afin d'acheminer l'aide aux victimes des violences. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce), réunie en urgence à Vienne, a proposé son assistance pour rétablir l'ordre.«(Nous sommes prêts) à aider le Kirghizistan à résoudre la crise actuelle pour empêcher que les tensions s'étendent à toute la région», a dit l'Osce, qui regroupe 56 pays, dans un communiqué. Medvedev hausse le ton De son côté, l'Organisation du traité de sécurité collective (Otsc) qui regroupe la Russie et six anciennes Républiques soviétiques a proposé l'envoi d'hélicoptères et d'équipements pour assister le gouvernement de Bichkek. En revanche, l'Otsc a fait savoir qu'il n'était pas question de déployer une force de maintien de la paix. «L'intervention de forces de paix, pour l'instant, n'est pas jugée opportune», a dit la Présidente kirghize par intérim, Roza Otounbaïeva. Le Président russe Dmitri Medvedev, qui suit la situation de près, a quand même laissé entrevoir des mesures plus énergiques, indiquant qu'il se réservait le droit de convoquer l'Otsc en réunion extraordinaire «si la situation s'aggrave». «L'atmosphère qui règne au Kirghizistan est intolérable; des gens meurent et l'effusion de sang continue, il y a un désordre massif lié à des questions ethniques», a-t-il dit. «C'est très dangereux pour cette région». Les experts rappellent que Moscou redoute particulièrement une propagation de l'instabilité dans cette partie de son ancien empire. Les violences pourrait livrer la région à l'anarchie et la transformer en repaire pour les insurgés islamistes, le crime organisé et les narco-trafiquants, précisent-ils. L'une des préoccupations du gouvernement intérimaire est de prévenir la contagion et de protéger la capitale Bichkek. Roza Otounbaïeva a indiqué que des troupes suffisantes ont été maintenues dans la capitale et que son gouvernement travaille à garder la ville sous contrôle. Opération planifiée A Washington, les autorités américaines ont dit rester en contact régulier avec les dirigeants russes à propos de la situation dans la République d'Asie centrale. La base américaine de Manas n'a pas été affectée par les troubles du Sud. A mesure que témoignages et informations parviennent d'Ochet de Djalalabad, il apparaît que les attaques qui ont débuté jeudi soir dans le fief de l'ex-président Kourmanbek Bakiev obéissaient à un plan concerté. «Il semble bien que cela n'avait rien de spontané mais que c'était dans une certaine mesure orchestré, planifié et ciblé», a dit lors d'un point de presse à Genève Rupert Coville, porte-parole de Navi Pillay, le haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'Homme. Hier, la ville d'Och semblait plus calme, a déclaré un journaliste de Reuters sur place. Azimbek Beknazarov, vice-président par intérim chargé de la Sécurité, a rapporté lundi que la situation était stabilisée à Djalalabad après une médiation de «sages» kirghizes et ouzbeks. "Il n'y a plus de foule dans les rues", a-t-il déclaré par téléphone. Mais il a ajouté que beaucoup d'habitations étaient toujours en flammes. Le gouvernement intérimaire kirghize, au pouvoir depuis la chute du Président Kourmanbek Bakiev en avril, a organisé l'évacuation des étrangers, notamment de 400 ressortissants chinois et indiens, des zones troublées. Les événements en cours sont les plus graves depuis vingt ans au Kirghizistan, qui abrite des bases militaires russe et américaine. Ils inquiètent aussi la Chine voisine. Le gouvernement intérimaire prévoit la tenue d'un référendum constitutionnel le 27 juin.