OCH, (Kirghizistan) (Reuters) — Le gouvernement intérimaire kirghize a sollicité sans succès hier l'aide militaire de la Russie pour rétablir l'ordre à Och, dans le sud du pays, théâtre de violences ethniques qui ont fait au moins 65 morts en deux jours. Ces heurts entre Kirghizes et Ouzbeks, qui ont débuté dans la nuit de jeudi à vendredi, ont également fait plus de 900 blessés, selon le ministère de la Santé, et sont les plus graves depuis la destitution du Président Kourmanbek Bakiev en avril. "Nous avons besoin de l'intervention de forces armées étrangères pour calmer la situation", a déclaré à des journalistes la Présidente par intérim Roza Otounbaïeva. "Nous avons demandé de l'aide à la Russie et j'ai déjà signé une lettre en ce sens destinée au Président Dmitri Medvedev." Roza Otounbaïeva a discuté de la situation avec le Premier ministre russe Vladimir Poutine par téléphone hier, a indiqué le service de presse du gouvernement russe. Mais la Russie estime que ce conflit est d'ordre purement interne et ne voit pour le moment aucune raison d'intervenir, tout en étant prête à envoyer de l'aide humanitaire. "C'est un conflit interne et pour l'instant la Russie ne voit pas dans quelles conditions elle pourrait participer à son règlement", a dit Natalia Timakova, porte-parole du Président russe Dmitri Medvedev, à l'agence de presse Interfax. Les partisans de Bakiev à l'index Elle a ajouté que Medvedev avait demandé à l'Organisation du traité de sécurité collective (Otsc), qui regroupe sept anciennes Républiques soviétiques dont le Kirghizistan, d'examiner la situation et de voir comment y répondre. Une éventuelle décision d'envoyer une force de paix au Kirghizistan ne sera prise que dans le respect des règles mises en place par les Nations unies, a-t-elle souligné. Roza Otounbaïeva a accusé les partisans du Président déchu Kourmanbek Bakiev, un Kirghize comme elle, d'attiser les violences dans l'espoir d'empêcher le gouvernement intérimaire d'organiser le 27 juin un référendum sur l'adoption d'une nouvelle Constitution. "Ces événements montrent que ces gens cherchent par tous les moyens à revenir en arrière", a-t-elle déclaré. Le gouvernement intérimaire a déclaré l'état d'urgence vendredi à Och, deuxième ville du pays et ancien fief de Bakiev, exilé en Biélorussie, ainsi que dans plusieurs districts ruraux alentour. Il a étendu hier cet état d'urgence et le couvre-feu à la région de Djalalabad, à une centaine de kilomètres d'Och. "La décision a été prise. (...) Un couvre-feu sera instauré à partir d'aujourd'hui (samedi) à Djalalabad", a déclaré à Reuters le porte-parole du gouvernement, Farid Niyazov. "Les habitants sont inquiets", a-t-il dit. "La situation là-bas est mauvaise", des rassemblements ont été observés et des tirs ont été entendus, à l'image de ce qui s'est passé à Och. Des rues en flammes Les affrontements ethniques à Och opposent des bandes rivales munies d'armes à feu, de barres métalliques et de cocktails Molotov. Des maisons et des commerces d'Ouzbeks ont été incendiés dans plusieurs quartiers de la ville. Des troupes et des blindés ont été dépêchés sur place et un couvre-feu a été instauré, sans que ces mesures ne parviennent à rétablir le calme. Un journaliste de Reuters présent sur place a rapporté que des fusillades se sont produites tout au long de la nuit dans le quartier ouzbek d'Och. L'approvisionnement de la ville en gaz a été suspendu et certains quartiers sont privés d'électricité. "Des rues entières sont en flammes. La situation est très grave. Rien n'indique que cela va s'arrêter. Des maisons ont été incendiées", a déclaré Rakhmatillo Akhmedov, porte-parole du ministère de l'Intérieur. "Tout est en feu: les maisons, les restaurants et les cafés ouzbeks. Il y a de la fumée partout dans la ville", a décrit par téléphone Dilmourad Ichanov, employé ouzbek d'une organisation locale de défense des droits de l'Homme. "Nous n'avons pas besoin des autorités kirghizes. Nous avons besoin de la Russie. Nous avons besoin de troupes. Nous avons besoin d'aide", a-t-il ajouté. Des Ouzbeks ont pris la fuite vers la frontière. Un témoin a indiqué que des femmes et des enfants ouzbeks avaient rejoint la ville de Marhamat, en Ouzbékistan, située à 60 km d'Och. Des camps auraient été installés pour accueillir les réfugiés n'ayant pas de famille en Ouzbékistan. L'instabilité régnant dans la région préoccupe à la fois les Etats-Unis et la Russie qui disposent de bases aériennes au Kirghizistan. Si les Ouzbeks ne représentent que 14,5% des 5,3 millions d'habitants du Kirghizistan, ils composent près de la moitié de la population vivant dans le sud du pays.