Par Khaled TEBOURBI On aurait préféré ne pas ajouter un commentaire sur la crise d'hystérie du «député» Gassass l'autre jour à l'ANC. Nos confrères en ont assez dit. Et le folklore du personnage est suffisamment connu pour que l'on en fasse un sujet de préoccupation. Pour rocambolesque et prévisible, l'incident, reconnaissons-le quand même, ne résultait pas du seul caprice d'un homme. Ni tout à fait isolé ni simplement anecdotique. Observons d'abord que la présence d'El Gassass à la Constituante revenait, à l'origine, au surprenant succès du parti «El Aridha» de M. Hachemi El Hamdi, lors des élections du 23 octobre 2011. Parti ouvertement populiste, franchement démagogue, hargneux défenseur de l'application de la chariaâ. Une trentaine d'élus au total. Et des profils absolument semblables. El Gassass n'était pas une exception. Et il ne pouvait jamais l'être, en dépit de sa courte «incursion» à «Nida Touness». «La structure mentale» populiste est foncièrement rétive à toute «révision de fond». Observons ensuite (surtout) que cette «structure»-là déborde largement le cadre «d'El Aridha». L'idéologie islamiste n'est sans doute pas majoritaire en Tunisie, mais le conservatisme religieux, les sympathies «confuses» et les «vagues nostalgies» pour la chariaâ titillent encore le cœur de nombre de Tunisiens. Réalité sociologique que l'on aurait bien tort de sous-estimer dans un pays (ne négligeons pas les chiffres) où l'on compte pas moins de 15% d'analphabètes et plus de 25% de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté. Gardons-nous donc de croire que la crise d'hystérie «d'El Gassass», l'autre jour à l'ANC, n'était qu'un «cirque» sans écho et sans répondant. Il y a une multitude de «Gassass» parmi nous. Pas au point de menacer, certes, notre future démocratie, mais déjà assez pour qu'on la prenne, d'ores et déjà, au sérieux. Il n'y avait que quelques centaines de «vociférateurs», partisans du «Hizb Ettahrir» vendredi sur l'avenue Habib-Bourguiba. «Libres à eux d'exprimer leur refus de la Constitution civile et de rejeter l'article 6 sur l'apostasie, c'est "le droit de toute minorité"», a-t-on entendu dire dans la classe politique. Soit, mais «le vivier» de l'analphabétisme et de la pauvreté existe toujours, et ces quelques centaines sont «appelés», tôt ou tard, à prospérer. C'est de ce côté-là qu'il faut voir: l'exemple de Gassass n'est ni isolé, ni incident, ni seulement folklorique ou simplement anecdotique, il nous renvoie à un vrai mal de société. On conclura, malgré tout, sur une note d'espoir. Pas forcément sur les «youyous» qui ont accompagné le vote de la nouvelle Constitution. Un peu exagérés à notre goût. Mais sur le succès de nos handballeuses face à l'inapprochable équipe d'Angola. Peu importent les victoires, ce que l'on a retenu, c'est le symbole d'une Tunisie portée à bras-le-corps par ses femmes libres. Courage, ténacité, ardeur, fraîcheur, amour des couleurs, l'exact antidote de ce que des «Gassass» et autres adeptes de l'obscurantisme étalent sans vergogne sous nos yeux. Honneur à nos filles et que Dieu préserve et bénisse ce si beau et si bon pays.