«Des partis impliqués dans le Dialogue national se sont abstenus, pendant que d'autres ont carrément levé leur veto » Le vote de confiance du nouveau gouvernement qui s'est déroulé le 28 janvier à l'hémicycle soulève des interrogations. Il se présente comme suit : Bloc Nahdha 82 pour, 0 contre, 1 abstenu. Les indépendants, 33 pour, 9 contre, 8 abstenu. Bloc CPR, 8 pour, 3 contre, 1 abstenu. Bloc Démocrates, 15 pour, 2 contre, 13 abstenu. Bloc Ettakatol, 10 pour, 0 contre, 1 abstenu. Bloc Wafa, 1 pour, 6 contre, 0 abstenu.* Un scrutin qui en dit long sur le sentiment de suspicion voire de rejet nourri à l'endroit du nouveau cabinet de Medhi Jomaâ, formé in extremis après un premier échec. Si le parti Ennahdha a fait savoir à ses troupes que l'appui doit être sans faille. Consignes appliquées à la lettre, comme de tradition, à une exception près. Les autres familles politiques ont visiblement opté pour le vote de conscience, laissant chaque élu seul face à ses choix et ses responsabilités. Si on transposait ces statistiques sur les personnes, quelques exemples sont assez parlants : Mohamed Hamdi, chef du bloc démocratique s'est abstenu, pendant que Mahmoud Baroudi, du même bloc, a choisi, lui, de voter oui. Dans le même ordre de dispersion, Selma Baccar, élue du Masser soutient le nouveau gouvernement. Fadhel Moussa ou encore Samir Ettaieb, dirigeants du même parti d'opposition, ont opté pour l'abstention. Arbi Abid, deuxième vice-président de l'ANC, lequel après moult pérégrinations a atterri à Ettakatol, a choisi la politique de la chaise vide, pendant que son parti s'est rangé massivement derrière le oui. De grandes figures de l'opposition, Ahmed Néjib Chebbi et Ahmed Brahim ont également été absents le soir du vote. Un non diplomatique qui laisse voir un profond malaise pour ne pas dire une vive contestation. Résultat des courses : on est très loin du suffrage des 200 voix remporté haut la main, lors de l'adoption de la nouvelle Constitution. On avait pensé que le vote de confiance serait très largement acquis, il a obtenu une majorité confortable avec 149 voix. Mais, représente-t-il le dialogue national ? Des personnes qui étaient volontairement impliquées dans les concertations parrainées par le Quartet se sont abstenues, pendant que d'autres ont carrément levé leur veto, comme c'est le cas des élus des partis de gauche. Au-delà de ce climat de défiance, c'est l'issue même du processus gouvernemental prescrit par la feuille de route qui fait débat, si elle n'était déjà compromise. Pour en savoir plus, nous avons interrogé Issam Chebbi, un dirigeant du parti Joumhouri, lequel parti a choisi officiellement de s'abstenir au dernier vote, après avoir été un pilier du dialogue. Les raisons ? Le message fort contre la violence n'a pas été envoyé Nous avons espéré que le gouvernement s'appuie sur l'unité nationale, annonce d'emblée Issam Chebbi. Comme il était convenu, le cabinet de compétences apolitiques devait être soutenu par toutes les parties. Or, a-t-il regretté, il est un fait que la manière avec laquelle le chef du Gouvernement a été désigné est loin d'être consensuelle. Un vote boycotté par la majeure partie de l'opposition. Le deuxième point concerne la formation du nouveau gouvernement. La feuille de route stipule qu'aucun membre de l'ancienne équipe ne devait être reconduit, rappelle encore le membre du bureau politique du Joumhouri. « Or, Lotfi Ben Jeddou et Nidhal Ouerfelli figurent dans la nouvelle formation. C'est un deuxième écart par rapport aux dispositions du processus gouvernemental, tient-t-il à préciser. Pour ce qui est du ministre de l'Intérieur, rien ne justifie son maintien. Ni son bilan, ni a fortiori, l'assassinat de Mohamed Brahmi. Rien n'a été fait pour protéger l'élu du peuple, malgré l'alerte envoyée par la Cia. C'est d'abord Lotfi Ben Jeddou qui en est le premier responsable. Normalement, il aurait dû démissionner depuis ce jour là ». « L'écart vis-à-vis de la feuille de route se produisait chaque fois un peu plus. La motion de censure, véritable instrument de contrôle sur le gouvernement, devait être signée par les deux tiers, or Ennahdha a tenu et obtenu, à ce que ce soit par les 3/5 des membres de l'ANC » ; (60%, un taux que le parti majoritaire détient avec ses alliés). « Le président Marzouki, lui aussi, n'a pas respecté les modalités de l'organisation des pouvoirs publics qui disposent, qu'en cas d'échec du chef du gouvernement à former son cabinet, le président de la République lance des concertations avec les partis politiques et les groupes parlementaires pour désigner un nouveau Premier ministre ». Or, rappelle M.Chebbi, samedi, à minuit Mehdi Jomaâ annonce son échec, le lendemain, dimanche, le chef de l'Etat le charge, une deuxième fois, pour former un nouveau gouvernement, sans avoir consulté aucun parti. La démocratie s'est d'abord le respect des procédures, a-t-il fait valoir. « La dernière réserve que nous avons, concerne le discours d'investiture de Mehdi Joamaâ, qui n'a apporté rien de nouveau. Spécialement en référence à deux points de clivage importants ; la révision de la Loi de finances 2014 par une loi complémentaire. Faute de quoi, ce gouvernement va mettre en application celle préparée par l'équipe d'Ali Laareyedh, et dans ce sens, c'est son prolongement. Deuxième point, c'est une revendication récurrente ; la dissolution des ligues de protection de la révolution. Ce sont ces groupuscules qui ont commencé par recourir à la violence, pour baliser le terrain au terrorisme, accuse le dirigeant de l'opposition. Ils mettront en péril tout le processus électoral, s'ils continuent à sévir. Or, pas un mot dans le discours. Et pour répondre à l'interpellation de notre parti, le chef du Gouvernement a repris la même formule de son prédécesseur, « nous allons agir conformément à la loi ». Le message fort et sans équivoque qui devait être envoyé contre la violence et ceux qui la pratiquent, n'a pas été envoyé. Il devait se démarquer de l'ancien gouvernement qui considérait ces ligues comme une soupape de sécurité, prête à l'emploi en cas de besoin, il ne l'a pas fait, déplore encore M.Chebbi qui a tenu à souhaiter bonne chance au nouveau gouvernement, en prévenant que la prochaine étape s'annonce sous le signe de la veille et la vigilance. C'est pour ces nombreuses considérations prouvées et argumentées, que Medhi Jomaâ et son équipe devraient redoubler d'efforts pour faire oublier ce qui est déjà tenu pour un départ manqué. *Source : Marsad